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Intervention de Marc Dolez

Réunion du 13 octobre 2010 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, un an après son adoption en première lecture par notre assemblée, nous restons, pour notre part, fermement opposés à ce texte qui va supprimer la profession d'avoué et priver d'emploi leurs collaborateurs et leurs salariés. Nous sommes en effet convaincus que cette réforme ne permettra ni une amélioration du service public de la justice ni des économies pour le justiciable.

Ses tenants prétendent qu'elle va simplifier la procédure d'appel. En réalité, elle ne fera que rendre encore plus complexe le fonctionnement des tribunaux : le travail accompli jusque-là par les avoués se reportera sur les services du greffe, déjà totalement engorgés. En outre, entrera en vigueur le 1er janvier prochain le décret du 9 décembre 2009 qui encadre la procédure d'appel, raccourcit nettement les délais et alourdit les sanctions en cas de dépassement.

Cette réforme profonde, qui comporte aussi l'obligation de dématérialiser l'ensemble des actes de procédure ne pourra être mise efficacement en application avant trois ans. En effet, les liaisons techniques mises en place entre la chancellerie et le conseil national des barreaux ne sont visiblement pas en état d'assurer cette dématérialisation. J'y insiste : seul le recours au système informatique qui fonctionne depuis dix ans selon une convention entre la Chancellerie et la Chambre nationale des avoués peut garantir la permanence du fonctionnement des cours d'appel. Nier cette évidence exposerait les justiciables à des risques majeurs de radiation et, inévitablement, à un allongement des délais d'audiencement de leurs affaires.

Nous craignons, en effet, que le justiciable pâtisse lui aussi grandement de cette réforme qui accentuera l'évolution engagée pour mettre en place ce qui n'est rien d'autre qu'une justice à deux vitesses.

L'accès au juge d'appel dépendra désormais de la situation de fortune du justiciable, alors que la tarification de l'avoué permet aujourd'hui un juste et égal accès de tous aux procès devant les cours d'appel. Certes, le justiciable ne devra plus avoir recours à deux professionnels, mais il ne fera pas d'économies pour autant. Selon les estimations même du Conseil national des barreaux, le coût de base pour le justiciable, avant même toute prestation intellectuelle de l'avocat, sera supérieur au coût moyen d'un avoué.

Ainsi, faire appel ne sera ni plus simple ni moins coûteux, et ce sont les justiciables les plus fragiles économiquement qui pâtiront le plus de la réforme. Nous continuons donc de penser qu'elle n'est ni justifiée au regard de l'objectif affiché de modernisation de la justice ni raisonnable au regard des dépenses qu'elle implique, tant pour le contribuable que pour le justiciable.

Je note que l'impératif européen qui avait beaucoup été invoqué l'an dernier – à tort disions-nous – n'est désormais plus utilisé. Comme pour la création de l'acte d'avocat, cette réforme répond en fait, affirmons-le clairement, à une attente des gros cabinets d'avocats d'affaires parisiens, qui y voient un marché prometteur. Non, les avoués, les notaires ou les huissiers ne sont pas des freins à l'économie, comme le prétend M. Attali ; au contraire, ces officiers publics ministériels sont indispensables à un bon service public de la justice.

Bien évidemment, nous ne pouvons pas vous suivre dans votre choix de transformer notre système juridique en un vaste marché du droit à l'anglo-saxonne où le profit prime sur l'intérêt des justiciables. C'est pourquoi nous appelons toujours au retrait de ce projet de loi auquel s'oppose, vous le savez, l'immense majorité des avoués, de leurs collaborateurs et salariés.

Cela dit, madame la garde des sceaux, en vous écoutant, j'ai cru comprendre que telles n'étaient pas vos intentions. Aussi, nous souhaitons que, en deuxième lecture, notre assemblée puisse achever le travail entamé, en particulier par nos collègues sénateurs, pour atténuer, autant que faire se peut, les effets dévastateurs de la réforme.

Nous vous demandons de revenir sur l'article 34, rédigé par le Gouvernement. Une période de six mois est bien trop courte pour permettre aux victimes de ce que je qualifie de vaste plan de licenciement gouvernemental…

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