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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 13 octobre 2010 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi modifié par le sénat

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous examinons aujourd'hui une nouvelle fois le projet de loi visant à simplifier la représentation des parties devant les cours d'appel.

Vous avez adopté ce texte en première lecture le 6 octobre 2009, le Sénat en a fait autant le 22 décembre 2009. Cette navette parlementaire – dont je me réjouis, car elle est essentielle à la qualité du travail parlementaire – nous a permis d'apporter de nouvelles améliorations au projet initial.

Je salue le travail remarquable de la commission des lois, et en particulier du rapporteur Gilles Bourdouleix, qui a su nourrir le dialogue afin d'améliorer le texte.

Vous connaissez les grandes orientations du texte, et je n'y reviens que pour rappeler que la fusion des professions d'avoué et d'avocat s'inscrit dans le cadre d'une modernisation globale de la procédure d'appel ; elle vise à recentrer la représentation sur les avocats, à diminuer les coûts pour les justiciables et à développer les nouvelles technologies.

C'est une réforme d'ampleur, et je suis particulièrement soucieuse de limiter les conséquences négatives qui pourraient en résulter pour les avoués et pour leurs salariés. Le projet de loi prévoit des mesures d'accompagnement, qui ont été amplifiées par le Parlement ; elles répondent à une triple exigence : favoriser, sur la base du libre choix, des passerelles vers d'autres professions du droit ; prévoir une juste indemnisation du préjudice subi ; éviter toute rupture brutale en aménageant une période transitoire.

Des passerelles sont prévues vers d'autres professions juridiques : c'est ainsi que l'accès à la profession d'avocat sera automatique pour les avoués qui le souhaiteront. Pour les avoués, mais aussi pour leurs collaborateurs juristes, l'accès au métier d'officier public ministériel sera facilité. Les décrets nécessaires seront publiés dès la promulgation de la loi. Dans le budget 2010, j'avais obtenu la création de 380 postes dans les services judiciaires, auxquels pouvaient postuler les salariés d'avoué. Nous sommes loin d'avoir utilisé tous ces postes : une partie pourra donc être reportée sur l'année 2011. Ces créations essayent de couvrir tout l'éventail des situations, puisque ces postes sont ouverts dans les trois catégories de la fonction publique, A, B et C.

Quant à l'indemnisation, elle est prévue par le projet de loi pour les dommages dus à la fermeture des offices d'avoué. Dès ma nomination, j'avais souhaité améliorer les conditions d'indemnisation, et d'abord pour les salariés des avoués. Nous en avions déjà débattu en première lecture : s'ils suivent leur employeur dans sa nouvelle profession d'avocat, ils conserveront les avantages qu'ils auront acquis en application de leur convention collective. Les salariés qui souhaiteraient au contraire démissionner toucheront une indemnité. Sur ce point, le texte initial a été considérablement amélioré à l'Assemblée nationale comme au Sénat.

Pour les salariés qui perdraient leur emploi, un accompagnement personnalisé sera mis en place dans chaque cour d'appel ; sous l'égide du ministère de l'emploi, une convention tripartite réunira l'État, la Chambre nationale des avoués et les représentants des salariés : c'est elle qui prévoira des aides à la mobilité, des formations, un suivi personnalisé par un prestataire privé ainsi que des allocations destinées à compenser une perte de revenus – car les salariés d'avoué sont en général, c'est vrai, mieux rémunérés à diplôme égal qu'ils ne le seraient dans d'autres domaines. La convention sera signée dès la promulgation de la loi ; le comité technique préparatoire s'est d'ores et déjà réuni à plusieurs reprises, et encore très récemment, le 6 octobre dernier.

En outre, l'ancienneté des salariés d'avoués sera mieux prise en compte. Vous savez que j'avais souhaité renforcer le texte sur ce point lors du débat au Sénat : désormais, le projet de loi prévoit le principe d'un mois d'indemnisation par année d'ancienneté, dans une limite de trente années d'ancienneté. Cette indemnisation sera versée directement par le fonds d'indemnisation – c'était une demande formulée tant par les intéressés qu'au cours de débats à l'Assemblée nationale. Enfin, les indemnités ne seront pas soumises à l'impôt sur le revenu et n'entraîneront pas de différé dans le versement des indemnités de chômage. Ces efforts en direction des salariés d'avoué sont donc tout à fait considérables – mais c'est bien normal.

L'indemnisation des avoués a également été améliorée par rapport au projet initial, grâce au travail de votre commission. Votre assemblée a d'abord accepté de porter l'indemnité à 100 % de la valeur de l'office. En revanche, le Sénat a souhaité revenir sur les modalités de versement de l'indemnité. Plusieurs opinions se sont exprimées ; j'ai essayé de les écouter toutes. Il m'est apparu que les désaccords venaient de la grande variété des situations – on peut exercer depuis peu de temps ou au contraire depuis très longtemps, on peut vouloir prendre sa retraite ou au contraire continuer une activité. La loi doit être égale pour tous, mais elle doit aussi prendre en compte des situations et des intérêts parfois antagonistes : c'est toute la difficulté.

Il m'a donc finalement semblé normal – comme certains l'avaient d'ailleurs évoqué au cours de la première lecture – de faire appel au juge de l'expropriation du tribunal de grande instance. Cela permettra une appréciation individuelle et concrète du dommage subi. Certains objecteront le risque de lenteur de la procédure. Je peux simplement dire que tout sera fait pour garantir au maximum la célérité de la procédure, ce qui me paraît normal. L'indemnisation interviendra donc rapidement ; nous avons prévu un acompte, qui pourra être versé immédiatement, et qui s'élèvera à 50 % du dernier chiffre d'affaires connu.

Les avoués endettés – il y en a, notamment chez ceux qui viennent de s'installer – pourront obtenir le remboursement du capital restant et la prise en charge des éventuelles pénalités de remboursement anticipé. Dès lors, ils pourront bénéficier des revenus tirés de l'office sans avoir à supporter de remboursement d'emprunt.

Par ailleurs, des exonérations fiscales spécifiques ont été adoptées par le Sénat. Ces propositions posent toutefois problème ; nous les avons donc retravaillées, y compris avec les sénateurs. Avec votre commission des lois, nous nous sommes accordés pour vous proposer de nous en tenir au droit commun. Des exonérations trop spécifiques pourraient en effet poser un problème constitutionnel. De plus, elles pourraient être mal comprises, car d'autres professions, voisines, ont connu de telles situations sans se voir proposer d'exonérations spécifiques.

Je propose donc que les avoués partant à la retraite bénéficient des mêmes avantages fiscaux que tout entrepreneur qui part à la retraite – c'est normal, puisqu'ils n'auront pas d'autre activité, et donc pas d'autres revenus. Les avoués qui poursuivent leur activité seront soumis aux mêmes règles que n'importe quel entrepreneur qui cesse une activité. Nous voyons une nouvelle fois l'avantage du recours au juge de l'expropriation, qui pourra prendre en compte l'ensemble des données pertinentes, y compris les données fiscales, ce qui garantit la prise en compte complète de la réalité pour l'indemnisation.

L'aménagement d'une période transitoire, indispensable pour préparer la reconversion des avoués et répondre aux conséquences sociales des fermetures d'offices, a été préféré à la fusion immédiate des professions – nous en avions discuté en première lecture. Des procédures doivent être mises en place. Trop brève, cette période empêcherait les opérations de liquidation contractuelle et de valorisation des actifs nécessaires à la reconversion. Inversement, trop longue, elle risquerait de renforcer l'incertitude et l'insécurité juridique des offices. Le processus de discussion a lui-même été très long. Depuis l'été, des parlementaires m'ont transmis un grand nombre de correspondances demandant qu'on règle les situations aussi vite que possible, non seulement pour les avoués qui veulent prendre leur retraite, mais aussi pour ceux qui souhaitent se reconvertir.

Nous connaissons depuis près de un an et demi l'essentiel des dispositifs. Un certain nombre d'avoués ou de salariés d'avoué ont déjà pris leurs dispositions. Un juste équilibre doit être trouvé entre la prévention des risques de distorsion de concurrence entre avocats et avoués et la préparation de la reconversion des avoués. Je souhaite que le débat que nous allons avoir cet après-midi nous permette de dégager une solution consensuelle.

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