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Intervention de Martine Pinville

Réunion du 12 octobre 2010 à 21h30
Gestion de la dette sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Pinville :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, et il y a urgence.

Au plan comptable, la situation de l'ACOSS est mauvaise et périlleuse. Au plan financier, celle de nos finances publiques inquiète les investisseurs internationaux : il faut leur donner des gages au vu de chiffres catastrophiques.

Les déficits sociaux sont là, atteignant des records sans précédent : les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse se sont élevés à 23,5 milliards en 2009, atteindront sûrement 30 milliards pour 2010 et seront probablement au même niveau, soit 30 milliards, en 2011.

Précisons l'ampleur de la situation : le PLFSS pour 2010 a autorisé l'ACOSS à rechercher jusqu'à 65 milliards d'euros auprès des marchés à court terme, puisque la Caisse des dépôts ne pouvait prêter que 31 milliards. Nous avions combattu cette décision contraire à la loi organique de 1996 et aux fondements de notre protection sociale. Cette cavalerie budgétaire ne profite qu'aux prêteurs : pour l'exercice 2008, sur les 6 milliards de ressources procurés à la CADES par la CRDS, la moitié, c'est-à-dire 3 milliards d'euros, est allée non au remboursement de la dette sociale, mais à celui des intérêts.

Le projet de transférer 130 milliards à la CADES concerne le déficit du régime général, le déficit du FSV en 2010 et 2011 et, enfin, le déficit de 62 milliards du régime général d'assurance retraite de 2011 à 2018.

À titre de rappel, La CADES a été créée en 1996 pour faire face au déficit exceptionnel dû à la crise de 1993. Vous nous proposez de rallonger la durée de vie de la CADES de quatre ans, qui existerait alors jusqu'en 2025. Vous reportez, une fois encore, la dette sur les générations futures et le débat sur les vraies solutions aux prochaines discussions sur les lois de financement à venir.

L'exposé des motifs de ce projet parle d'une « solution durable », objectif que nous pouvons partager. Toutefois, les moyens proposés ne nous conviennent pas. Le report de la charge de la dette sociale sur les générations futures est irresponsable. Nous ne pouvons cautionner la mutation d'un déficit conjoncturel en déficit structurel ; il est inconcevable de faire jouer à L'ACOSS un rôle qui n'est pas le sien. Le président de la Cour des comptes a appelé votre attention sur les tensions insupportables générées par les montages financiers auxquels elle est contrainte, comme je le rappelais précédemment.

Nous ne pouvons admettre la prolongation de la CADES. Comment ne pas craindre une nouvelle dérogation, non moins « exceptionnelle » que celle d'aujourd'hui ? Sous couvert technique, cette approche a une fonction politique claire : préserver la ligne politique de non-augmentation des impôts, vous nous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre.

L'approche du Gouvernement et la nôtre diffèrent radicalement sur les retraites. En transférant les actifs du FRR vers la CADES, le Gouvernement sacrifie une gestion raisonnée sur l'autel de l'urgence, dénature la mission du fonds, qui n'est pas une cagnotte dans laquelle on pourrait puiser à la première difficulté. Siphonner les réserves du Fonds de réserve des retraites est une atteinte à la solidarité intergénérationnelle, une injustice. C'est, en outre, une mauvaise gestion des ressources publiques : le rendement du FRR est supérieur au taux de financement de la dette.

Le champ des solutions possibles est ouvert. Il faut effectivement des ressources supplémentaires pour que notre génération finance sa dette sociale.

Ce que vous nous demandez, par conséquent, aujourd'hui n'est qu'une dérobade. Réduire les niches fiscales, comme vous le prétendez, qu'est-ce d'autre qu'augmenter certains impôts ? Quelle cohérence y a-t-il à réduire le rendement de l'assurance-vie quand on a dit vouloir favoriser les assurances individuelles et l'épargne personnelle ? Taxer les complémentaires santés ? Ce seront les assurés qui paieront l'addition ! Le pouvoir d'achat des ménages en sera encore une fois affecté…

Certains députés de votre majorité se sont également exprimés en faveur d'une hausse de la CRDS, quitte à la réformer pour qu'elle porte plus sur le capital et moins sur le travail. C'est dire si nous aurions pu, en responsabilité, travailler pour trouver des solutions pérennes !

Plus généralement, nous assistons à une régression de la politique sociale menée dans ce pays. Nous voulons, pour les prochaines générations, pour les plus jeunes, maintenir notre politique sociale et les politiques familiales. Vous nous proposez de transférer la dette aux générations futures et de détourner une partie des ressources de la politique familiale. Qu'en sera-t-il, demain, de notre politique familiale si les recettes ne sont pas pérennes ?

Qu'en est-il de notre politique sociale ? Nous allons examiner dans quelques jours Le PLFSS pour 2011. Je ne rappellerai pas les différentes propositions que vous nous soumettrez alors telles que les déremboursements et, à nouveau, la pénalisation des ménages !

Ces mesures auront pour conséquence de sanctionner directement nos concitoyens et ne répondent en rien aux défis posés par l'émergence d'un nouveau système de santé et de sécurité sociale au service de l'ensemble de la population.

« Les Français vous demanderont des comptes » disait tout à l'heure M. le Premier ministre dans cet hémicycle. Ce sont les générations futures, monsieur le ministre, qui vous en demanderont ! Parce que nous sommes des élus responsables, nous n'acceptons pas votre projet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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