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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 11 octobre 2010 à 16h00
Régulation bancaire et financière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en matière de régulation, il y a loin des discours aux actes. Certes, nous en avons pris l'habitude avec un Président de la République qui tient de grands discours sur la scène internationale, mais qui généralement, dans les semaines qui suivent, refuse la plupart des mesures qui correspondent à ce qu'il a dit – je pense bien sûr à l'exemple récent de la taxation des transactions financières.

À quoi sert notre débat ? On a compris que vous étiez pressés. C'est la raison pour laquelle vous avez coincé cette deuxième lecture entre l'examen du projet de loi de finances et celui de la loi de programmation pluriannuelle. Vous voulez un texte conforme, au point que vous avez refusé des amendements qui auraient été votés par l'ensemble de la commission des finances – je pense à celui de notre collègue Giscard d'Estaing. Le rapporteur Jérôme Chartier dit pourtant qu'il aurait été utile de légiférer sur ce sujet du Conseil en gestion de patrimoine. On voit donc bien qu'il manque des choses à ce texte.

Je vous ai entendue, madame la ministre, égrener toutes les dispositions figurant dans ce projet de loi, mais il y a un fossé entre toutes les failles mises en évidence par la crise et les mesures qui sont prises dans notre pays et en Europe. Comme en première lecture, je persiste à dire que la France et les pays européens n'ont pas pris la mesure des réformes qu'il fallait mettre en oeuvre pour répondre à cette crise.

La régulation fondamentale c'est de faire en sorte que les banques fassent leur métier, qui est de prêter aux ménages, aux entreprises, de gérer des dépôts, et non pas de spéculer sur les marchés financiers. Ce n'est pas un sujet nouveau. La crise de 1929 l'avait déjà fait émerger. Roosevelt avait déjà pris des mesures fondamentales qui ont orienté la régulation financière mondiale pendant près d'une cinquantaine d'années après la guerre. Aujourd'hui encore, le président Obama prend des mesures importantes puisqu'il a fait voter une forme moderne de la séparation des activités de dépôt et des activités d'investissement des banques. Et nous, en Europe, nous continuons à ne rien changer fondamentalement en matière de régulation financière ! Or le secteur financier a une vraie mission de service public, qui est de gérer des dépôts, de financer l'économie, pas de spéculer sur les marchés financiers. D'ailleurs, quand le secteur financier spécule sur les marchés financiers, au lieu d'être un acteur qui aide l'économie réelle, il devient un secteur prédateur. La meilleure preuve en est que la rentabilité du secteur financier, depuis vingt à trente ans, s'est développée sans commune mesure avec celle de l'économie réelle. Le taux de rendement des fonds propres est resté autour de 7 % dans l'économie réelle pendant trente ans, avant la crise bien sûr, alors que dans le secteur financier, il est passé de 7 % à 20 %. C'est un prélèvement sur l'économie réelle et il est temps de remettre les choses à l'endroit, c'est-à-dire de faire en sorte que l'économie réelle prenne le dessus sur le secteur financier.

Il faut en finir avec les ventes à découvert. J'ai bien noté le J + 2, moins ambitieux que le J + 1, qui est destiné à nous aligner sur l'Allemagne. Moi, je regrette que la France ne se soit pas d'emblée alignée sur l'Allemagne quand celle-ci a pris la décision d'interdire les ventes à découvert à nu. Il y avait là une occasion de montrer que nos deux pays pouvaient prendre une décision susceptible d'orienter l'ensemble des régulateurs européens.

En ce qui concerne les banques, la question de la taxation des profits bancaires continue à se poser. Il ne faut pas se contenter de petites réformes dans ce domaine. Il faut une vraie taxation pour une raison très simple : les banques ont largement contribué à la crise qui se traduit partout par des déficits considérables qui seront payés demain par nos concitoyens et il n'y a aucune raison pour que les banques ne contribuent pas à leur résorption. La meilleure preuve en est que, comme le rappelle la Cour des comptes, si la France était intervenue en capital quand elle a soutenu les banques, plutôt que sous la forme où elle est intervenue, l'État aurait réalisé une plus-value de 5,8 milliards d'euros, ce qui aurait été une contribution normale des banques au redressement des finances publiques.

En matière de régulation bancaire, ce qui se fait en Europe est dérisoire. Je me souviens que, lorsque M. de Larosière est venu devant la commission des finances et la commission des affaires européennes expliquer ce qu'il voulait faire, il nous a dit qu'il était parti avec l'idée d'obliger les banques à garder 10 % de leurs crédits dans leurs comptes. Il y a une vingtaine d'années, cela serait apparu comme une absurdité. Les banques conservaient l'essentiel des crédits dans leurs comptes et l'économie s'en portait bien.

Après avoir fait le tour des régulateurs et des capitales européennes, M. de Larosière n'a obtenu que 5 %. Or, pour avoir une économie bancaire qui fonctionne de façon responsable, il faudrait porter ce ratio à 20 % ou 30 %.

Les agences de notation, loin de constituer des facteurs de stabilisation, accentuent fortement les cycles et les bulles financières. Il faut donc changer complètement les choses, y compris leur mode de rémunération, point qui n'est pas évoqué dans ce texte, ni dans les débats européens. Nous avons notamment besoin d'une agence publique européenne de notation.

Venons-en aux ajouts du Sénat. Je ne suis guère convaincu par la procédure de transaction, même si elle exclut les abus de marché et tout ce qui relève du pénal. Vous ne semblez d'ailleurs guère plus convaincue, madame la ministre, mais vous étiez tellement pressée que vous avez accepté. Cette procédure ne va pas réduire les délais, puisque dans tous les cas la commission sera amenée à examiner les choses et que le droit de recours judiciaire contre les décisions prises par le collège et la commission des sanctions est heureusement maintenu. Son seul impact sera de réduire le montant des sanctions. M. Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers, paraît tenir énormément à cette procédure. Il aurait été utile que la commission des finances ait le temps de l'écouter, même si le rapporteur a pu entendre ses arguments en faveur de cette procédure.

Il y a dans ce texte des éléments qui n'ont rien à y faire. C'est le cas depuis l'origine du financement des prêts à l'habitat. Il y a des ajouts, notamment du Sénat, qui ne sont pas à leur place, comme les quotas d'émission. Je pense pourtant depuis longtemps qu'il y a urgence à réguler fortement ce marché qui dysfonctionne en raison d'une allocation beaucoup trop abondante et gratuite des quotas. Ce marché aurait du être régulé de façon à maintenir un coût du carbone compris entre de vingt et trente euros la tonne. La fonction de ce marché est bien de donner un prix au carbone, et non de permettre des échanges de quotas sans qu'un objectif soit retenu. Le prix du carbone doit être fixé de façon compatible avec les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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