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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 5 octobre 2010 à 22h00
Immigration intégration et nationalité — Article 23

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Cet article est en effet important puisqu'il donne, en quelque sorte, un fondement nouveau au régime juridique de l'éloignement.

Il s'agit, certes, de transposer la directive « retour », mais aussi, et même surtout, de répondre à un problème auquel on avait demandé à la commission Mazeaud de trouver des solutions.

En fixant aux services des objectifs chiffrés d'expulsions, vous avez considérablement accru le nombre de mesures d'éloignement ainsi que le volume du contentieux qui y est lié. En additionnant les obligations de quitter le territoire français et les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière – les OQTF et les APRF –, ce sont plus de 80 000 mesures d'éloignement qui sont prononcées par voie administrative chaque année. Ce chiffre considérable engendre un contentieux énorme. De ce fait les juridictions administratives sont complètement engorgées, de même que les juridictions judiciaires.

De même, selon l'étude d'impact, le nombre d'interpellations a augmenté de manière considérable. Il atteint 70 000 à 75 000, soit plus qu'un doublement au cours des dernières années. Vous avez en quelque sorte fait exploser la machine. Toutes choses égales par ailleurs, c'est un peu la même situation que pour les gardes à vue. Le gouvernement a fixé des objectifs chiffrés très volontaristes, que les services se sont efforcés de remplir. La machine administrative, les services des préfectures – l'étude d'impact le reconnaît – sont complètement embouteillés, comme le sont les services judiciaires.

Tout cela, en outre, a un coût extrêmement important. Pour la première fois, un document officiel répond à la question que nous posons régulièrement au ministre sur le coût d'une expulsion : l'étude d'impact annonce un coût minimum de 12 000 euros, sans même tenir compte de certains éléments comme les dépenses occasionnées par le contentieux. Vous vous trouvez donc dans une situation compliquée et difficile à cause de la politique du chiffre que vous avez mise en place.

En 2006, M. Mariani s'en souvient sans doute très bien, vous aviez essayé de simplifier le droit de l'éloignement en créant l'obligation de quitter le territoire français. Cela devait permettre de réduire le nombre de contentieux mais, dans les faits, on a constaté que ces derniers n'étaient pas moins nombreux, bien au contraire. Aujourd'hui, l'OQTF et l'APRF génèrent un nombre de contentieux considérable.

Avec l'article 23, vous nous proposez la suppression de l'APRF et son remplacement par l'OQTF. Cela permettra sans doute de limiter partiellement le contentieux, mais seulement celui lié à la superposition de ces mesures. En fait, nous le savons – du moins, je pense que vous le savez –, l'OQTF continuera d'engendrer un contentieux très abondant, et la situation que nous connaissons aujourd'hui perdurera. En somme, ce que vous nous proposez ne changera pas fondamentalement les choses.

Je pense qu'il aurait fallu suivre les recommandations de la commission Mazeaud. Elles me paraissent extrêmement pertinentes, et je voudrais savoir pourquoi vous n'avez pas fait ce choix.

La commission Mazeaud recommandait de réserver les mesures d'éloignement aux étrangers en situation d'être vraiment éloignés. Aujourd'hui, on jette une sorte de grand filet pour interpeller des étrangers dans des conditions souvent extrêmement contestables. On essaie ensuite de les éloigner en utilisant les OQTF. On voit bien l'archaïsme de cette méthode…

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