Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 25 juin 2008 à 21h30
Contrats de partenariat — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous entamons ce soir l'examen d'un texte qui s'inscrit dans une longue histoire.

Le Gouvernement, qui souvent aime à nous expliquer qu'il agit en rupture avec le passé, est ici dans la droite ligne des gouvernements Raffarin et Villepin. Je me dois donc de saluer la volonté inflexible qu'il manifeste pour nous imposer la généralisation des contrats de partenariat.

Tout débute modestement en 2002 par la promulgation des lois d'orientation et de programmation pour la justice et la sécurité intérieure, dont l'une des dispositions visait à autoriser temporairement la construction ou la rénovation d'établissements pénitentiaires et de gendarmerie sous une forme particulière de partenariat public-privé : le bail emphytéotique administratif. Cette possibilité fut immédiatement utilisée et, sans prendre le temps d'en mesurer l'efficacité, l'année qui suivit, cette expérimentation fut étendue. Il faut regretter cette précipitation.

En effet, ce n'est que l'an dernier, le 23 août 2007, que l'on a appris par la réponse du ministre Hervé Morin à un sénateur qui l'interpellait sur ce sujet que « le BEA de longue durée a rapidement présenté des difficultés rédhibitoires qui ont conduit le ministère de la défense à s'interroger sur sa pertinence. Suite à l'examen conduit par les services du ministère, en liaison avec la direction générale des impôts, il est en effet apparu que ce type d'opération se caractérisait par un coût élevé, le loyer réclamé par l'opérateur correspondant à un loyer financier ».

Ignorant cette réalité, le Gouvernement généralisa ce nouveau type de contrat administratif par la loi du 2 juillet 2003 portant sur la simplification du droit.

Saisi par les socialistes, le Conseil constitutionnel valida ce type de contrat, mais se montra soucieux d'en limiter strictement le champ d'application puisqu'il indiqua, dans l'une de ses décisions : « La généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. »

Selon le Conseil constitutionnel, ces contrats n'étaient envisageables que dans des situations bien précises, puisqu'ils devaient « répondre à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ».

Le Conseil constitutionnel se trouvait ainsi dans la même disposition que le Conseil d'État qui, après avoir bataillé cinq mois avec votre ministère, avait transmis au Gouvernement ses remarques sur le risque de « briser l'égalité de la commande publique ». Mais le ministre de l'époque, Francis Mer, n'en avait pas tenu compte.

Très logiquement, l'ordonnance du 17 juin 2004 intégra ces réserves et n'autorisa les contrats que pour des projets dont l'urgence ou la complexité auraient été préalablement prouvées.

Le contrat de partenariat intégrait alors un large éventail de dispositifs permettant à des partenaires publics et privés de nouer des liens contractuels, depuis les marchés publics jusqu'aux délégations de service public, depuis les sociétés d'économie mixte jusqu'aux baux emphytéotiques – une batterie d'outils efficaces qui permet à la France d'enregistrer un niveau d'investissement public supérieur à celui relevé chez la plupart de ses grands voisins européens.

Ce contrat de partenariat trouvait lentement sa place puisque vingt-neuf contrats de ce type furent signés, dont vingt-deux par des collectivités territoriales, pour un investissement cumulé de l'ordre d'un demi-milliard d'euros.

Tous les besoins étaient apparemment satisfaits, et nous aurions dû en rester là. Mais le Président de la République ne l'a pas souhaité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion