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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 29 septembre 2010 à 11h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général du budget :

Je voudrais tout d'abord revenir sur nos conditions de travail. Le calendrier auquel nous allons devoir nous plier est proprement infernal. La Commission des finances examinera dès la semaine prochaine la loi de programmation présentée ce matin en conseil des ministres, et la semaine suivante la première partie du projet de loi de finances, qui ne compte pas moins de 100 articles, et qui sera à l'ordre du jour de la séance publique le 18 octobre. J'ai envoyé début juillet à vos services un questionnaire sur les recettes et je n'ai pas encore obtenu la totalité des réponses. Ce rythme conduit à m'interroger sur le travail de notre Assemblée. Nos collègues sénateurs ont plus de temps mais l'urgence qui nous est imposée nous complique considérablement la tâche. Nous allons faire de notre mieux mais je souhaiterais que soit suivie l'année prochaine une procédure différente de façon à faire du bon travail. Nous voudrions avoir connaissance des mesures fiscales en amont pour être en mesure d'éclairer nos collègues et d'étayer nos commentaires d'articles.

Le Gouvernement et la majorité ont fait un quasi-sans-faute dans la gestion économique et financière de la crise – il faut le souligner parce que la crédibilité des prévisions pour 2011 est en jeu. Le soutien aux banques et, partant, au financement des entreprises a eu pour résultat que les entreprises ont pu se financer à de bonnes conditions, sans que le contribuable français soit sollicité. Le plan de relance a préservé la consommation : le pouvoir d'achat des Français a augmenté en 2009 et il a continué d'augmenter en 2010. Les entreprises ont recommencé à investir. Avant-hier, le président d'OSEO me déclarait que les défauts d'entreprises, essentiellement des PME, étaient quatre fois moins élevés que prévu. Il faut y voir le fruit d'une politique équilibrée. Par ailleurs, le Grand Emprunt est orienté vers l'avenir puisqu'il soutient la recherche et l'enseignement supérieur. Il y a là une cohérence d'ensemble qui a permis d'obtenir cette année des résultats tangibles avec un taux de croissance qui sera supérieur de 0,1 ou 0,2 point aux prévisions. Cela prouve que les critiques qui dénoncent votre optimisme, madame la ministre, sont injustes. Ensuite, les comptes publics se restaurent doucement puisque nous terminerons l'année avec un déficit de 7,7 % du PIB contre 8 % l'année dernière.

Aujourd'hui, la priorité doit aller au redressement de nos comptes publics et présenter conjointement le projet de loi de finances pour 2011 et le projet de loi de programmation pluriannuelle 2011-2014 est une excellente initiative. La base, c'est-à-dire les chiffres de 2010, qui conditionne la crédibilité des prévisions pour 2011 est solide.

Venons-en aux questions.

La première concerne les crédits budgétaires. En exécution, nous constatons, comme l'an dernier, un dérapage de plusieurs milliards d'euros au titre de la mission « Travail et emploi » et des guichets sociaux, qui présente des aspects structurels. Or, les recettes correspondantes sont temporaires : une charge de la dette inférieure de 1 à 1,5 milliard d'euros aux prévisions – un peu plus de 41 milliards d'euros contre 43 milliards budgétés ; une baisse de 500 millions d'euros sur le prélèvement au bénéfice de l'Union européenne ; enfin, le surplus du panier de recettes « Fillon » du fait du lien entre les comptes de l'État et ceux de la sécurité sociale. Les projections pour 2011 et au-delà anticipent une division par trois du rythme d'évolution des dépenses publiques qui, au lieu d'une progression moyenne annuelle de 2,3 % en volume entre 2000 et 2008, tomberait à 0,8 %. Comment concilier des dérapages importants et ciblés avec ce freinage d'autant que les dépenses de l'État sont extrêmement rigides ? La masse salariale, de 85 milliards d'euros, augmentera de 600 millions par an même si on ne remplace qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; les dotations aux collectivités locales augmenteront moins que l'inflation, mais il reste les dépenses d'intervention et les guichets sociaux.

La question est la même pour les dépenses fiscales. Dans la loi de programmation, on ne raisonne qu'en mesures nouvelles, mais pourquoi ne pas fixer un objectif annuel d'évolution des dépenses fiscales ? La Cour des comptes a observé que, depuis une douzaine d'années, les dépenses fiscales progressent infiniment plus vite que le budget. Or elles minent l'équilibre tout autant que les dépenses tout court. Nous devons être très vigilants à la dynamique des dépenses fiscales qui résultent de décisions antérieures au 1er juillet 2010. Je pense en particulier au crédit d'impôt recherche – CIR –. L'excellent travail de notre Commission est confirmé par le travail non moins excellent de l'Inspection générale des finances. Des propositions ont été faites pour mieux maîtriser le CIR qui coûtait 1 milliard d'euros il y a quatre ans, 2 milliards il y a trois ans et 4 milliards l'année dernière, voire 6 ou 8 milliards demain. De même, le coût du crédit d'impôt intéressement va passer de 100 millions d'euros aujourd'hui à 1,5 milliard dans deux ans, à moins d'y prendre garde. Depuis trois ans, la commission des Finances ne cesse de tirer la sonnette d'alarme à propos du crédit d'impôt développement durable – article 200 quater du CGI. Est-il normal qu'en face d'une prévision de dépense de 1,5 milliard d'euros on constate une dépense de 2,8 milliards en exécution ? Les écarts étaient du même ordre de grandeur l'année précédente. Nous avons instamment demandé des mesures. Ainsi, la loi pour le développement économique de l'outre-mer prévoyait un arrêté pour limiter le développement du photovoltaïque outre-mer. Il n'a pas été pris. Il faut être beaucoup plus rigoureux dans la maîtrise de la dépense fiscale.

Par ailleurs, confirmez-vous les coûts prévisionnels de la réforme de la taxe professionnelle – 11,7 milliards d'euros en 2010 et 4,3 milliards en régime de croisière nets d'impôt sur les sociétés ? En ce qui concerne les prêts à la Grèce, à quoi correspond l'ajustement en crédits de paiement ? La loi de programmation supprime une ligne dont l'évolution est très préoccupante : l'endettement des opérateurs de l'État. Aux termes du projet de loi, ne sont autorisées à emprunter à plus d'un an que la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES – et la Société de prises de participation de l'État – SPPE. Quels sont les opérateurs à qui il sera interdit d'emprunter à moins d'un an ? Et quel sort sera réservé à la société du Grand Paris qui va recevoir 4 milliards d'euros avec le remboursement des prêts consentis à l'automobile ?

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