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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 29 septembre 2010 à 11h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les commissaires, n'en déplaise à certains, la France est entrée dans l'après-crise. J'y vois en grande partie le résultat de la politique économique déterminée que nous avons menée pendant la grave crise financière et la phase de relance, grâce notamment à l'activation des finances publiques, et maintenant au moyen d'un projet de loi de finances qui suit les lignes directrices exposées par François Baroin.

S'agissant de la reprise, au deuxième trimestre 2010, la France a vu son produit intérieur brut augmenter de 0,7 %, ce qui correspond à une croissance annualisée de 2,5 %. J'insiste à l'intention de ceux qui estiment que nos prévisions pour 2012 et au-delà sont aventureuses. Nous sommes déjà à 2,5 %. La reprise est engagée, mieux que ce que nous avions anticipé lors de l'élaboration du budget.

La consommation, tout d'abord, n'a jamais baissé. Elle a tenu, en France, grâce aux amortisseurs sociaux, à la part que nous avons consacrée aux ménages les plus défavorisés pendant la phase de relance, et elle tient toujours. Ensuite, l'investissement du secteur privé, qui est déterminant et qui était en panne avant la crise, a repris de la vigueur, augmentant de 1,5 % au cours du deuxième trimestre 2010. Il faut y voir les effets de la demande mondiale mais aussi de la réforme courageuse de la taxe professionnelle que vous avez menée puisque les investissements en équipements et biens mobiliers sont devenus globalement moins chers pour les chefs d'entreprise du secteur industriel et les dirigeants de PME.

La France a mieux traversé la crise que ses partenaires et les niveaux d'activité sont en train de se rétablir. Le PIB français a fléchi – moins 2,6 % – dans des proportions moindres qu'en Allemagne – moins 4,9 % – qu'au Royaume-Uni et que la moyenne de la zone euro. Malgré un redressement spectaculaire de l'économie allemande au deuxième trimestre 2010, elle n'a pas encore rejoint la ligne de croissance du PIB français.

Les investisseurs qui évaluent le risque France n'hésitent pas à s'engager auprès de nous car les agences de notation ont maintenu notre note AAA. Nous empruntons avec un spread de 30 points de base par rapport au taux allemand, qu'il s'agisse de taux d'intérêt ou de CDS – Credit default swap. Cela conforte la France dans sa position de risque stable et sûr au sein de la zone euro.

Autre critère de réussite, la création d'emploi. Le nombre de demandeurs d'emploi s'est progressivement stabilisé en dépit d'un effet de tôle ondulée qui persistera. Et les jeunes s'en sortent plutôt mieux que la moyenne. Depuis le 1er janvier 2010, il y a eu 60 000 créations nettes d'emploi et le mouvement devrait se poursuivre en 2011.

Notre politique économique pour 2011 repose essentiellement sur la réduction rapide des déficits et la poursuite des réformes structurelles.

Pourquoi réduire le déficit ? Premièrement, il s'agit de respecter les engagements que nous avons pris au titre du pacte de stabilité et de croissance à l'égard de nos partenaires européens, et plus particulièrement des membres de la zone euro. Deuxièmement, nous devons prendre cet engagement vis-à-vis des générations futures, pour leur éviter de leur transmettre la « patate chaude » que représente une dette qui grossit chaque année. Troisièmement, c'est tout simplement un impératif économique. Des déficits importants aggravent la dette qui, si elle dépassait 90 % du produit intérieur brut, freinerait mécaniquement la croissance. Enfin, quatrièmement, c'est un impératif financier parce que, à défaut d'une politique de réduction des déficits extrêmement responsable et durable, le regard de ceux qui financent notre dette changerait, ce qui placerait notre pays dans une situation délicate.

En ce qui concerne les réformes structurelles, qui sont nécessaires pour consolider une reprise encore timide, il faut agir sur le volume de travail dans l'économie. Beaucoup a été fait et la réforme des retraites y contribuera à hauteur de 0,3 % en moyenne annuelle sur la décennie de même qu'elle concourra à la réduction du déficit de l'ordre de 0,5 % par an à partir de 2013. Il convient de poursuivre l'effort consenti en faveur des fonds propres et de la compétitivité des entreprises, les réformes de la taxe professionnelle et du crédit d'impôt recherche ayant été décisives : il est impératif de maintenir le crédit d'impôt recherche si l'on veut assurer la compétitivité de nos entreprises et orienter l'investissement dans la bonne direction.

Il ne faut pas oublier la régulation. La confiance ne peut être restaurée sans le renforcement de la régulation et de la supervision du secteur financier. La France s'efforce de donner des impulsions au niveau mondial et, sur le plan national, de suivre sa feuille de route. Le projet de loi sur la régulation bancaire et financière sera finalisé dans les prochains jours au Sénat.

Le PLF 2011 repose sur une hypothèse de croissance de 2 %, une prévision d'inflation de 1,5 %, des créations nettes d'emploi salarié marchand de 160 000 et il table sur un taux de prélèvements obligatoires de 42,9 %, c'est-à-dire ramené au niveau de l'année 2008.

Notre politique fiscale est cohérente puisqu'un tiers de l'effort fiscal, qui sera consenti par tous, sera consacré au financement des retraites. Nous avons, pour ce faire, relevé le taux marginal d'imposition sur le revenu de 40 % à 41 %. Nous avons augmenté d'un point le prélèvement sur les revenus du capital. Ces deux mesures ne pourront être neutralisées par le bouclier fiscal. Un deuxième tiers servira au financement de la dette sociale et le dernier tiers contribuera à réduire le déficit de l'État. Au total, les niches fiscales et sociales seront diminuées de 9,9 milliards d'euros en 2011 ; et de 11,5 milliards en 2012. Certaines des mesures contenues dans le PLF ne produiront leurs effets sur les recettes qu'en 2012. Si l'on ajoute les autres mesures de recettes du PLF et du PLFSS, l'effort total sera de 10,9 milliards d'euros en 2011 et de 13,6 milliards en 2012.

Les mesures concernant les niches affectées au financement des retraites et celui de la dette sociale, soit 5 milliards d'euros au total, toucheront particulièrement le secteur des assurances qui fournira une contribution de 1,6 milliard d'euros, prélevée au fil de l'eau sur les compartiments euros des contrats d'assurance-vie multisupports. Parmi les autres réductions de niches fiscales, figure la hausse de TVA sur les offres composites triple play à hauteur de 1,1 milliard d'euros sur un total de 1,3 milliard. La réforme des aides fiscales sur l'énergie photovoltaïque devrait rapporter 150 millions d'euros en 2012 et 850 millions en 2012, outre le recentrage de l'investissement dans les PME, les modalités déclaratives en cas de mariage, divorce, PACS et « dé-PACS », la taxe sur les véhicules de tourisme N1 de société, et, enfin, le rabot de 10 %. Nous avons retenu une approche multifonctionnelle : certaines niches ont été purement et simplement supprimées, d'autres ont été considérablement réduites, le reliquat se voyant raboté de 10 % sachant que l'assiette du rabot porte aussi sur le plafond des niches, à l'exclusion de celles destinées à soutenir l'emploi, l'innovation et les publics les plus fragiles. Il s'agit d'une politique cohérente qui permettra de continuer à mener les réformes structurelles nécessaires en matière d'emploi et d'investissement et qui contribuera à faire du levier fiscal un instrument d'accompagnement de la politique économique.

Nous avons donc privilégié la révision de la dépense fiscale plutôt que la hausse générale des impôts qui perturberait le soutien à la croissance. Nos priorités sont claires. Tous les contribuables participeront à l'effort collectif puisque le bouclier fiscal ne sera opposable ni au rabot, ni au complément d'imposition sur les plus hauts revenus, ni au point supplémentaire de prélèvement sur les revenus du capital.

Les réformes structurelles seront également poursuivies par des mesures en faveur de l'investissement des ménages. Benoist Apparu a annoncé une réforme en profondeur des mécanismes d'aide à l'accession à la propriété. Ils seront fusionnés en un dispositif universel destiné à tous les primo-accédants, le prêt à taux zéro – PTZ – nouvelle mouture. En faveur des entreprises, nous pérennisons le remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche pour les petites et moyennes entreprises, qui a été très efficace pendant la phase de relance et qui doit être poursuivi si nous voulons que les PME continuent à investir en recherche-développement. Nous supprimons une incohérence patente de notre système de taxation des revenus des brevets. Aujourd'hui, il est fiscalement plus avantageux de confier l'exploitation de brevets à l'étranger plutôt que de les exploiter en France. Par ailleurs, nous honorons le rendez-vous pris l'année dernière en loi de finances sur la taxe professionnelle en proposant des améliorations. L'assiette de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau – l'IFER – sera élargie pour éviter qu'elle soit répercutée en totalité sur l'ensemble des opérateurs alternatifs ; son taux et son rendement augmentés pour encourager le bloc communal à utiliser l'éolien. Nous simplifions les mécanismes de péréquation et les améliorons à l'échelon départemental et régional. Nous ouvrons le chantier de la péréquation du bloc communal qui est complexe. Le projet de loi de finances inscrira les principes programmatiques, l'objectif de 2 %, l'année 2011 servant à peaufiner le dispositif de péréquation au profit des collectivités qui en ont le plus besoin.

Dernier projet : la taxation des banques. Il s'agit d'un volet important de la régulation qui passe également par un renforcement raisonnable des fonds propres, une supervision améliorée, et une plus grande réactivité en cas de sinistre bancaire. Seront perçues une taxe systémique, la contribution à la supervision exercée par l'Autorité de contrôle prudentiel et la contribution au Fonds de garantie des dépôts qui rapportera 90 millions d'euros par an de façon à se mettre en conformité avec la directive sur la garantie des dépôts. Le tout rapportera plus d'un milliard d'euros en 2013.

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