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Intervention de François Baroin

Réunion du 29 septembre 2010 à 11h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Avant de vous exposer les quelques axes qui ont guidé la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de programmation des finances publiques, je tiens à souligner leur caractère historique en raison de l'ampleur de la réduction des déficits qu'ils prévoient. Il s'agit là d'un objectif intangible compte tenu des engagements que nous avons pris. Nous atteindrons un déficit de 6 % du PIB l'année prochaine, de 4,3 % en 2012, de 3 % en 2013 – ce qui nous ramènera au déficit d'avant la crise – et de 2 % en 2014. Le budget pour 2011 fera date dans l'histoire des finances publiques parce qu'il tourne le dos à des années d'augmentation du budget de l'État. Il appelle à un véritable changement des mentalités vis-à-vis de la dépense publique. Tous les acteurs seront concernés.

Les déficits ont atteint des niveaux élevés à cause de la crise et nous devons désormais nous atteler à les réduire de façon substantielle si nous voulons assurer les conditions d'une croissance forte et durable.

Nous entreprenons donc une réduction historique du déficit public. Notre objectif est de passer de 7,7 % en 2010 à 6 % l'année prochaine. Une telle réduction ne s'est jamais vue durant les cinquante dernières années – un tel déficit non plus, certes – mais, quoi qu'il en soit, l'effort sera considérable. En 2011, le déficit budgétaire s'élèvera à 92 milliards d'euros, soit 60 milliards de moins qu'en 2010. Cet inversement de tendance sera rendu possible par la combinaison de la maîtrise des dépenses, du redressement des recettes lié à la reprise, et de la fin des mesures prises en 2010 pour soutenir l'activité. Nous allons réduire notre déficit budgétaire de 40 % en un seul exercice.

Comment atteindre un tel objectif ?

Le Gouvernement a fait clairement le choix d'agir sur la dépense, plutôt que sur les prélèvements obligatoires. Notre stratégie cible l'ensemble des acteurs de la dépense : l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Le budget pour 2011 verra une véritable inflexion de la dépense. Hormis la dette et les pensions qui sont des dépenses héritées du passé, les moyens de l'État feront l'objet d'une réduction en termes réels puisqu'ils seront pour la première fois stabilisés en valeur. Avec une inflation estimée à 1,5 % en 2011, cela correspond à une baisse réelle des dépenses de l'État, inédite dans l'histoire budgétaire de notre pays. Cette baisse n'est pas ponctuelle : la règle du « zéro valeur » sera maintenue dans les années suivantes.

A cet effet, nous réduisons le train de vie de l'État en poursuivant la réduction de ses effectifs – 100 000 postes ont déjà été supprimés depuis 2007. Nous avons décidé un nombre de suppressions équivalent dans le budget triennal – 97 000 –, alors même que les départs en retraite commencent à être moins importants. La diminution des effectifs s'accompagne d'une redistribution aux agents de 50 % des gains obtenus, sous forme de revalorisation de leur salaire. Ces mesures ne grèvent pas la qualité de nos services publics. Les nouvelles mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques nous permettront de continuer à améliorer la qualité et l'efficacité des services publics.

Autre pièce maîtresse de notre stratégie, la réduction des niches sociales et fiscales rapportera 10 milliards d'euros. Beaucoup ironisaient sur la capacité du Gouvernement à respecter l'objectif du programme de stabilité de réduire les niches de 2 milliards d'euros par an pendant trois ans. Nous serons d'emblée à 10 milliards cette année. C'est dire l'effort puissant exercé par l'État sur le levier des dépenses. J'insiste, une niche fiscale est une dépense fiscale, tout comme une niche sociale est une dépense sociale. Agir sur les niches, c'est réduire la dépense.

Ce projet de budget, s'il est historique, est aussi responsable car il assure un juste équilibre entre l'indispensable baisse des dépenses et la nécessaire préservation de la reprise économique.

En 2008, lors de la crise, nous avons ajusté nos choix en conséquence et tempéré au mieux ses effets. Aujourd'hui, nous devons continuer sur ce chemin de crête, en prenant les mesures appropriées pour réduire les déficits, sans que ces mesures soient récessives. La France a fait des choix financiers et budgétaires responsables face à une crise sans précédent, dont elle a su prendre très tôt la mesure en trouvant les moyens appropriés pour tempérer ses effets. Le plus urgent était de sauver les banques. Nous avons ensuite accepté une baisse considérable des recettes fiscales. L'État a fait un choix politique en renonçant à plus de 54 milliards d'euros de recettes entre 2008 et 2009 – rien que pour l'impôt sur les sociétés, la baisse a été de 28 milliards d'euros –, ce qui a permis de jouer sur les amortisseurs sociaux et d'éviter une récession aussi violente que chez nos voisins, allemands notamment, en soutenant l'activité économique avec un plan spécifique de relance, qui a été salué par les économistes. Nous avons également préservé les investissements d'avenir grâce au grand emprunt. Le FMI a souligné juillet 2009 que « la réponse budgétaire de la France avait été appropriée, d'une ampleur adaptée, concentrée dans le temps et bien diversifiée ».

Résultat : nous sommes en passe de gagner notre pari. Notre stratégie s'est révélée fructueuse et la France fait partie des premiers pays à être sortis de la crise au deuxième trimestre 2009. La bonne tenue française en Europe est indéniable. La France a mieux absorbé le choc de la crise que l'Allemagne. Le différentiel de prélèvements obligatoires avec ce pays reste stable depuis 2007, ce qui permet de ne pas pénaliser notre compétitivité vis-à-vis de notre principal partenaire commercial. Les indicateurs économiques parlent d'eux-mêmes.

Cette stratégie s'inscrit dans la durée, comme en témoigne le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. À Brégançon, le Président de la République a réaffirmé la ligne conductrice qui sera le fil d'Ariane de notre action pour les années qui viennent : tout surplus lié à la relance de l'activité économique sera affecté au désendettement du pays.

La loi de programmation jalonne la trajectoire du redressement des finances publiques. Elle prévoit un déficit public de 2 % du PIB en 2014 ; la poursuite de la norme « zéro valeur » pour les dépenses de l'État et ses transferts à destination des collectivités territoriales ; un objectif national des dépenses d'assurance maladie fixé à + 2,9 % en 2011 et + 2,8 % les années suivantes. Pour la première fois depuis sa création en 1997, l'ONDAM sera respecté, ce qui conforte la crédibilité de nos prévisions. Enfin, des règles strictes encadreront les dépenses de tous les opérateurs dépendants de l'État et elles seront appliquées partout avec la même vigueur.

Ce budget n'est pas seulement historique et responsable. Il implique des efforts importants, mais nous avons veillé à ce qu'ils soient répartis de la façon la plus équitable. Être juste, c'est bien sûr répartir de façon équilibrée l'effort entre les ménages et les entreprises. C'est aussi épargner les plus fragiles, déjà fortement affectés par la crise.

Pour les ménages et les entreprises, l'effort sera réparti équitablement. Les mesures de réduction des niches prévoient en effet un effort équilibré : 4 milliards d'euros seront demandés aux ménages, 6 milliards aux entreprises. La méthode que nous avons employée pour retenir les 10 milliards d'euros de réduction des niches sociales et fiscales est fondée sur un certain nombre de principes. Nous avons prêté autant attention au soutien à la croissance – grâce aux niches vitales pour l'emploi et l'innovation – qu'à la pérennité du modèle social. Il s'agit d'un « rabot » ciblé pour continuer à soutenir la croissance en respectant nos objectifs de maîtrise des comptes publics. Il ne faudrait pas céder à la facilité d'augmenter la fiscalité des seules entreprises, alors qu'elles supportent déjà une charge fiscale plus importante que leurs concurrents européens.

Pour les acteurs de la dépense publique, l'effort sera sans précédent et là aussi partagé de façon équitable. Comme je l'évoquais tout à l'heure, État, Sécurité sociale et collectivités locales connaîtront une maîtrise étroite des dépenses. L'État veillera à ses dépenses de fonctionnement comme à ses dépenses d'intervention. Cet effort tient compte évidemment des engagements gouvernementaux, notamment pour la justice, l'enseignement supérieur et la recherche, et la sécurité intérieure. Au total les dépenses de l'État s'élèvent à 357 milliards d'euros.

Les collectivités territoriales, quant à elles, verront une stabilisation en valeur des concours de l'État hors Fonds de compensation de la TVA. Le principe de la péréquation entre les collectivités les plus favorisées et celles qui ont besoin de solidarité a été réaffirmé.

Pour la Sécurité sociale, enfin, la réforme des retraites, la reprise de la dette sociale par la CADES et la maîtrise serrée des dépenses, notamment celles de l'assurance maladie, permettront de maintenir la trajectoire fixée.

Le Gouvernement a choisi aussi d'épargner les publics les plus fragiles. Une politique se lit aussi dans le choix de ne pas toucher à certains dispositifs. Nous avions envisagé de réévaluer les dispositifs en faveur des étudiants et des personnes souffrant d'un handicap. Le Président de la République a décidé d'épargner ceux qui ont besoin d'être accompagnés pendant la sortie de crise et d'adresser un message clair : « tout sera fait pour tenir les engagements pris pendant la campagne présidentielle ». C'est ainsi que l'augmentation de 25 % de l'allocation adulte handicapé ne sera pas étalée sur six ans, au lieu de cinq. Dans le même esprit de justice, nous n'avons pas touché au RSA, véritable « bouclier social » qui favorise l'activité tout en luttant contre la pauvreté. La montée en puissance du RSA se poursuivra en 2011.

Ensuite, les réductions de niches fiscales et sociales ont été appliquées avec discernement et le même souci d'équité.

En matière de services à la personne, nous aurions pu appliquer les 10 % de réduction à toutes les aides : le Gouvernement ne l'a pas souhaité. Il a choisi de supprimer la niche sociale et de préserver intégralement les avantages fiscaux. Par ailleurs, pour les plus défavorisés – personnes âgées, dépendantes, parents d'enfants handicapés –, l'ensemble des avantages fiscaux et sociaux sera maintenu. Le caractère juste et équitable de notre projet et la volonté de protéger notre modèle social se concrétisent de façon emblématique dans la réduction des niches fiscales et sociales : 70 % des gains réalisés, soit près de 7 milliards d'euros pour l'année 2011, seront affectés aux organismes de sécurité sociale.

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