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Intervention de Philippe Varin

Réunion du 29 septembre 2010 à 16h30
Commission des affaires économiques

Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën :

Je vous remercie de me faire l'honneur de m'auditionner aujourd'hui.

Un point tout d'abord sur la situation de PSA et ses ambitions. Notre groupe est le deuxième constructeur européen tous véhicules confondus, avec une part de marché de 14,5 % au premier semestre 2010, et le premier pour les véhicules utilitaires légers. En 2009, PSA a vendu 3,2 millions de véhicules dans le monde, dont 2,2 millions en Europe. Seuls 26 % ont été vendus en France, ce qui signifie a contrario que nous exportons près des trois quarts de notre production. En revanche, 1,4 million de ces véhicules, soit près de la moitié, ont été produits en France, tout comme 85 % de nos moteurs et de nos boîtes de vitesse, essentiellement en Lorraine et dans le Nord. Le groupe compte quelque 100 000 salariés en France, soit un peu plus de la moitié de nos effectifs mondiaux, mais c'est dans notre pays qu'il concentre l'essentiel de ses capacités de conception et de recherche-développement, soit quelque 15 000 personnes, sur nos sites de Sochaux et Vélizy. Alors que le groupe avait essuyé d'importantes pertes en 2009, il a affiché un résultat opérationnel courant positif de 1,2 milliard d'euros au premier semestre 2010 et ce résultat devrait avoisiner 1,5 milliard sur l'année. Dans le même temps, nous avons remboursé par anticipation une première tranche d'un milliard d'euros du prêt accordé par l'État.

Un mot maintenant de nos ambitions. La première est que nos deux marques, Peugeot et Citroën, tirées vers le haut, possèdent une triple avance sur leurs concurrents mondiaux en matière de design, de respect de l'environnement et de services. Comme pourront le constater ceux d'entre vous qui visiteront le Mondial de l'automobile, Peugeot et Citroën proposent une offre fournie de véhicules innovants, tant en matière de design que de qualité et de coût d'usage. Après le succès du 3008 qui, à lui seul quasiment, assure la charge de travail de l'usine de Sochaux, et celui du coupé RCZ, Peugeot va sortir la 508. Après le succès de la DS3, fabriquée à Poissy – où les délais d'attente sont désormais de quatre mois tant la demande est forte – Citroën va sortir la DS4, puis fin 2011 la DS5. Citroën présente également au Mondial la C4, dont le modèle de lancement n'émet que 109 g de CO2. Un modèle ultérieur prendra le relais fin 2011, n'émettant que 99 g. Nous présentons également au Mondial six concept cars illustrant notre style.

Innovants dans le design, nous souhaitons également être en avance en matière de respect de l'environnement. Nous pensons qu'en 2020, 85 % des véhicules seront encore équipés de moteurs thermiques, les 15 % restants se répartissant entre 10 % d'hybrides et 5 % d'électriques. Nous voulons offrir sur chaque segment un véhicule écologique, adapté aux besoins des clients. PSA est le premier constructeur à présenter une offre commerciale de véhicules électriques au Mondial, avec la Peugeot iOn et la Citroën C0. Nous comptons vendre 100 000 de ces modèles d'ici à 2015. Nous sortons également deux véhicules électriques utilitaires légers, développés avec Venturi, le Citroën Berlingo et le Peugeot Partner, destinés à La Poste. Sur le segment des véhicules hybrides, au-delà des micro-hybrides, équipés du dispositif stop and start, dont disposeront à terme tous les moteurs thermiques – nous allons d'ici à 2013 produire un million de véhicules ainsi équipés –, nous présentons au Mondial le premier véhicule hybride sur base diesel : le 3008 équipé d'un moteur diesel de 163 ch sur le train avant et d'un moteur électrique de 37 ch sur le train arrière, n'émettant que 99 g de CO2 pour une consommation de 3,7 l100 km, soit la consommation d'une citadine pour une grande routière. Puis, à partir de fin 2012, nous fabriquerons un modèle rechargeable, consommant 2 l100 km et n'émettant que 50 g de CO2. Sur les 85 % restants du marché, des progrès substantiels sont possibles en motorisation thermique. C'est là un domaine traditionnel d'excellence de PSA, en essence comme en diesel. Nous poursuivrons dans cette voie et démarrerons en 2011, dans notre usine de Trémery en Moselle, la fabrication des nouveaux moteurs essence 1 litre et 1,2 litre trois cylindres, pour laquelle nous investissons 240 millions d'euros. Pour le reste, nous coopérons avec BMW, comme avec la filière agricole pour le développement des biocarburants.

Après le design et le respect de l'environnement, la troisième attente de nos clients porte sur les services. Nous avons ainsi lancé « Mu by Peugeot », nouvelle offre de services en matière de mobilité. Muni d'une carte ad hoc, fournie gracieusement, le client pourra se rendre dans une concession Peugeot et louer le temps d'un week-end, selon ses besoins, qui une fourgonnette, qui une citadine, qui un coupé cabriolet, qui un scooter électrique… et leurs accessoires, s'il le souhaite. Ce service, qui compte déjà 4 000 clients, sera implanté dans 26 villes européennes. Il vise bien entendu les jeunes mais aussi tous les urbains qui, pour diverses raisons, ne souhaitent pas posséder leur propre véhicule. Citroën développera un concept analogue. La sécurité active à bord est un autre type de service, prisé des clients. Nous avons d'ores et déjà équipé 725 000 véhicules d'un dispositif d'appel d'urgence automatique en cas d'accident.

Notre deuxième ambition est de globaliser rapidement le groupe. Avec un marché automobile européen quasiment mature, il nous faut trouver des moteurs de croissance hors d'Europe. Nous réaliserons la moitié de nos ventes hors d'Europe en 2015, contre seulement un tiers l'an passé. C'est en Asie que se concentreront 80 % de la croissance du marché dans les dix prochaines années. On ne compte en effet encore que trois véhicules pour cent habitants en Chine, contre cinquante en Europe et quatre-vingt-cinq aux Etats-Unis. C'est dire le potentiel ! D'ailleurs, alors que le marché automobile régressera encore en Europe de 7 % en 2010, après s'être contracté de 5 % en 2009, et ce malgré les primes à la casse, il progressera de 20 % en Chine, après y avoir augmenté de 50 % en 2009. Nous renforçons donc logiquement notre coopération avec notre premier partenaire dans ce pays, Dongfeng, et avons en deux ans doublé notre production à Wuhan, où nous produirons cette année un peu plus de 350 000 véhicules. Notre projet est de porter notre part de marché en Chine de 3,4 % à 5 % avec ce premier joint-venture. Pour la hisser aux alentours de 8 % à l'horizon 2020, nous avons jugé nécessaire d'en créer un second, avec Chengshan. C'est dans son usine de Shenzhen que nous développerons les véhicules utilitaires et la nouvelle gamme DS, de nombreux clients chinois étant intéressés par ces berlines Premium. Nous suivrons également avec attention l'évolution du marché indien. Nous allons investir 700 millions d'euros sur les trois prochaines années au Brésil et en Argentine : notre part de marché actuelle de 5 % en Amérique latine n'est pas suffisante. Enfin, nous prenons pied en Russie dans le cadre d'un joint-venture avec Mitsubishi, et y produirons 125 000 véhicules dans un marché qui, après avoir reculé de 50 % l'an passé, redémarre. Ce déploiement mondial, au terme duquel nous réaliserons la moitié de nos ventes hors d'Europe, nous l'appuierons bien entendu sur une offre spécifique à destination des pays émergents, la 408 et un nouveau véhicule d'entrée de gamme sur le segment C, développé dans notre usine espagnole de Vigo.

Notre troisième ambition est d'améliorer encore notre performance opérationnelle, de 3,3 milliards d'euros sur trois ans, en renforçant notre dynamique commerciale et en réduisant substantiellement nos coûts de production. Nous devons gagner 20 % de productivité, tant en production qu'en développement. Cela passe par la généralisation de nos méthodes de lean management mais aussi par un dialogue social approfondi, dont je veux pour preuve les récents accords de flexibilité signés avec les partenaires sociaux sur nos sites industriels. Nous procéderons en 2010 à 2 000 recrutements contre 1 100 prévus initialement.

Cela étant, notre compétitivité dépend aussi de l'environnement dans lequel nous opérons. Je remercie à cet égard l'État du prêt de trois milliards d'euros qu'il nous a consenti, qui était bienvenu et dont nous avons été heureux de pouvoir rembourser un tiers par anticipation. De même, la prime à la casse et le bonus-malus écologique ont incontestablement joué le rôle d'amortisseurs de la crise, en même temps qu'ils ont permis de rajeunir le parc circulant, désormais moins polluant et plus sûr. Je salue également la réforme de la taxe professionnelle et le crédit impôt-recherche. Permettez-moi ici de formuler le voeu que le Parlement ne le remette pas en question, comme l'intention en a parfois été affichée. Je n'ai pas besoin de plaider son efficacité quand on sait que notre groupe investit deux milliards d'euros par an dans la recherche et s'est classé premier l'an passé en France, avec 1 265 brevets déposés. Nous avons besoin de visibilité et de stabilité dans tous ces dispositifs. L'abaissement constant des seuils d'émission ouvrant droit au bonus écologique est source d'incertitudes.

Notre compétitivité est aussi étroitement liée au coût horaire du travail. En huit ans, celui-ci a augmenté de 31 % en France, contre seulement 19 % en Allemagne. Les dépenses de protection sociale l'alourdissent aujourd'hui considérablement dans notre pays. Pour un même salaire net de 100 euros, les charges salariales et patronales s'élèvent à 83 euros en France, contre 47 outre-Rhin. Cet écart représente en moyenne un surcoût de fabrication de 400 euros par véhicule pour PSA. La question du financement d'une part de notre protection sociale est déterminante pour l'avenir de notre industrie. S'il est normal que les salaires différés comme les retraites ou bien encore les indemnités chômage ou d'accidents du travail soient financés sur les salaires, les dépenses de protection sociale relevant de la solidarité nationale pourraient l'être par l'impôt, comme le choix en a été fait en Allemagne. Cela supposerait bien entendu une remise à plat de l'ensemble de la fiscalité. Nous sommes donc particulièrement attentifs à la réflexion engagée par le Président de la République sur une convergence franco-allemande afin de réduire le différentiel de compétitivité entre les deux pays.

Quelques mots enfin de la filière automobile en général. Dans la mesure où nous produisons la moitié de nos véhicules en France, la bonne santé économique de nos fournisseurs est déterminante. En 2009, nous avons apporté à ce secteur plus de deux milliards d'euros en cash, dont 1,3 milliard au travers de la réduction des délais de paiement de 90 à 60 jours, 240 millions d'aides directes aux fournisseurs en difficulté – des cellules ad hoc avaient été mises en place pour suivre leur situation –, 200 millions d'euros de subventions au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), abondé à même hauteur par Renault et par l'État, et 323 millions d'euros pour l'augmentation de capital de Faurecia. Nous nous sommes également beaucoup investis dans le travail de la Plate-forme de la filière automobile (PFA) mise en place par le Gouvernement. Nous avons adopté à cette occasion un code de performances et de bonnes pratiques, qui recouvre sans doute en partie la charte de bonnes pratiques à laquelle vous avez fait allusion, monsieur le président, et nous participons activement au travail en cours sur les onze sous-filières. Une mutation radicale s'impose d'urgence. M. Cham, président de la Plate-forme, a remis au Gouvernement un diagnostic très largement partagé sur le sujet. Nous avons besoin dans chacune des sous-filières, d'entreprises pérennes, ayant donc atteint une taille critique, dotées de fonds propres renforcés et disposant d'un outil industriel d'excellence. Les surcapacités sont importantes dans toutes les sous-filières, et il faut les résorber. Le Gouvernement met actuellement en place des guichets uniques régionaux afin de fédérer les acteurs publics autour d'un haut fonctionnaire qui sera le référent automobile, placé sous l'autorité du préfet de région. La mobilisation de tous est indispensable pour aider à la formation, au reclassement ou à la reconversion, et PSA y prendra toute sa part. Nous désignons actuellement en Bretagne, Normandie, Franche-Comté, Rhône-Alpes, Alsace, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais et Moselle, un délégué régional, interlocuteur du guichet unique, de façon à pouvoir régler les problèmes le plus rapidement possible. Parallèlement, nous procédons, avec Renault, à une labellisation des fournisseurs dans les onze sous-filières.

Au total, le groupe PSA va mieux. Il a redressé ses comptes et nourrit de grandes ambitions. Il doit, comme les autres constructeurs, relever de multiples défis : globalisation, performance environnementale des véhicules, évolution des modes de vie. Mais ces défis constituent autant d'opportunités. Nos atouts résident dans la diversité des savoir-faire d'un groupe qui allie deux constructeurs, Peugeot et Citroën, un équipementier, Faurecia, un logisticien, Gefco, et une banque, PSA Finance ; la forte motivation et la qualité de nos 200000 collaborateurs de par le monde, avec une mention toute particulière pour la créativité de nos stylistes ; et bien entendu le précieux support, deux fois centenaire, d'un actionnaire de référence. Nous savons que les marchés resteront difficiles dans l'avenir proche mais je suis pleinement confiant dans la capacité de PSA et de l'ensemble de la filière, avec le soutien des pouvoirs publics, à créer de la valeur et des emplois.

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