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Intervention de Xavier Beulin

Réunion du 29 septembre 2010 à 9h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Xavier Beulin, président de Sofiprotéol :

En matière foncière, je partage vos préoccupations. La récente loi de modernisation de l'agriculture comporte d'ailleurs un volet foncier. Il n'y a aucune commune mesure entre la surface consacrée aux productions énergétiques et celles qui sont utilisées pour l'urbanisation ou les infrastructures par exemple, mais la nécessité d'être économe est réelle. La taille de notre territoire peut nous empêcher de nous en rendre compte, mais la question foncière devient absolument essentielle pour préserver les grands équilibres et assurer les nombreux usages requis. La consommation des surfaces s'accélère – on ne perd plus l'équivalent d'un département de surface agricole en dix, mais en sept ans ! – et je ne suis pas sûr que la loi de modernisation nous permette d'infléchir les tendances.

La deuxième génération n'est pas exclusivement fondée sur le bois : il vaut mieux parler en termes de biomasse, ce qui inclut aussi des cultures dédiées, des résidus de culture, un certain nombre d'intrants. Mais pour ce qui est du bois, on estime aujourd'hui que notre forêt n'est exploitée qu'à hauteur de 40 %. Cela ne veut pas dire que les 60 % restants sont exploitables facilement, mais le potentiel reste important pour tous les usages : papeterie, combustible et énergie. Nous venons de lancer à Grand-Couronne un projet très ambitieux de cogénération à partir de bois, en amont de la plus grosse usine de production de Diester au monde, qui va permettre d'abaisser encore la consommation énergétique du process industriel.

Ce qui m'amène à notre charte de progrès, qui s'intéresse effectivement à la fois à l'amont et à l'aval de la filière. Pour ce qui est de l'aval, la cogénération va contribuer à améliorer les rendements. Quant à la démarche amont, je revendique la plus grande transparence. Les 12 000 parcelles de référence dont j'ai parlé – peut-être 20 000 l'année prochaine – nous ont permis de faire, par exemple, une grande découverte : d'un agriculteur à l'autre, dans la même zone, la consommation d'engrais azotés au regard de la production finale de la parcelle peut varier du simple au double. Il peut y avoir des explications objectives – un accident climatique, un coup de grêle par exemple, qui réduit fortement la production – mais aussi dans certains cas des pratiques à améliorer. D'où l'intérêt de la démarche de progrès ! Elle est à la fois un outil pédagogique pour le monde agricole et une façon de montrer que le raisonnement qui entoure la fertilisation est loin d'être purement théorique. La recherche d'efficacité et d'optimisation des intrants est nécessaire pour des raisons à la fois économiques et de plus en plus environnementales – de qualité des eaux par exemple.

Nous aurons sans doute besoin de progrès technologiques pour nous améliorer encore dans ce domaine. Nous travaillons à une approche système, qui combine plusieurs productions dans une même exploitation, avec des rotations. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut réinventer le modèle agricole – pas pour faire cohabiter élevage et culture dans chaque exploitation, mais pour retrouver dans les bassins de production une véritable relation entre le végétal et l'animal. L'avantage est que les animaux produisent des effluents fertilisants – de l'engrais organique qui se substitue au minéral. La future PAC insiste sur ces sujets. L'hyperspécialisation de l'agriculture depuis une quarantaine d'années a entraîné des dysfonctionnements, notamment en matière d'agronomie. Or, la chimie ne peut pas tout résoudre. Il faut réintroduire de l'agronomie dans l'agriculture. Par ailleurs, diverses contraintes, réglementaires ou environnementales, vont sans doute nous imposer de revoir un certain nombre d'approches dites systémiques – ce qui supposera aussi des mesures d'accompagnement ou d'orientation. Nous sommes totalement inscrits dans cette démarche et nous avons envie de progresser.

Pour ce qui est de la troisième génération, réussissons déjà la deuxième avant de nous y mettre ! La recherche a bien sûr déjà commencé, mais ce n'est pas demain qu'on pourra industrialiser une production dans le biomarin et les algues. La littérature est déjà importante sur le sujet, mais manque cruellement de données concrètes. Le passage du labo au pilote, puis au projet préindustriel ne se fait pas sans de nombreuses validations, dont une économique, à laquelle nous devrons être particulièrement attentifs. Autant la production de première génération maîtrise ses intrants et ses coûts – et, hors aspects sociaux et fiscaux, les pays européens ne sont pas bien loin l'un de l'autre – autant il sera indispensable de valider les modèles économiques des générations suivantes. À titre d'exemple, je peux vous assurer que nous n'avons pas pris la décision d'investir sur le site de Compiègne sans trembler un peu ! Je suis comptable des cotisations interprofessionnelles et de nos moyens financiers, et nous ne saurons pas si nous avons eu raison de prendre une telle décision avant 2015 ou 2016.

Pour ce qui est de l'impact des engrais sur la biodiversité, pourquoi avoir pris des indicateurs tels que les oiseaux et les abeilles ? Cela rejoint les questions d'équilibre agronomique que j'ai déjà évoquées. Le monde agricole est la cible de nombreuses attaques qui le disent trop intensif, trop monocultural. Or, notre filière a la chance de travailler à partir de plantes, qui fleurissent et attirent les abeilles. Lui appliquer une approche système permet de sortir d'une approche purement défensive et d'oeuvrer à ce que ce système productif participe à un équilibre et à la biodiversité. C'est le but de la démarche : combiner plusieurs intérêts ou contingences. On peut toujours s'envoyer à la figure que la production ne s'intéresse qu'à l'économie « pure et dure » et l'environnement qu'aux « petites fleurs », mais l'équilibre ne sera que dans le consensus, dans des combinaisons vertueuses. C'est dans ce sens que nous essayons de progresser.

Pour ce qui est de la question portant sur l'oxygène, je n'ai pas de réponse à vous apporter ici.

Quant à la Réunion, mes collègues vous répondront. Je sais que des projets sont en cours d'étude pour la Guyane, qui est un énorme gisement en termes de biomasse.

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