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Intervention de Hervé Novelli

Réunion du 28 septembre 2010 à 17h00
Commission des affaires économiques

Hervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation :

J'ai grand plaisir à me retrouver parmi vous. Il faut dire que j'entretiens avec votre Commission des affaires économiques des liens quasiment institutionnels, puisque sa compétence englobe nombre d'activités de mon ressort ministériel.

Le bilan d'évaluation 2009 du régime de l'entrepreneur, que vous avez entre les mains, n'est pas encore public à l'heure où je vous parle. Mais j'ai tenu à ce que votre Commission en soit le premier dépositaire.

Comme vous l'avez rappelé, le statut de l'auto-entrepreneur, voté il y a deux ans au tout début de la crise, a rencontré un succès fort et immédiat : 322 000 créations d'entreprises en un an, et plus de 530 000 en dix-huit mois ; 921 millions d'euros de chiffre d'affaires ont été déclarés en 2009, 1,1 milliard d'euros l'a été au seul premier semestre 2010, et nous nous attendons à 2,5 milliards d'euros voire 3 milliards d'euros pour l'année 2010. Pourquoi un tel engouement ?

Malgré de significatifs progrès ces dernières années, les Français, pourtant désireux de créer des entreprises, avaient du mal à passer à l'acte : d'où la réforme de la création d'entreprise et l'institution du régime de l'auto-entrepreneur.

Ce régime est moderne en ce qu'il épouse l'avènement et le développement d'une société de service, une société où la première demande des entreprises et des particuliers est de trouver des réponses ponctuelles, rapides et individualisées à des problématiques particulières. Par ailleurs, c'est la première fois qu'il est possible de créer une entreprise sur internet. De fait, aujourd'hui, 80 % des inscriptions se font en ligne.

Cette modernité permet une révolution administrative : celle de la simplicité. Elle permet une révolution culturelle et sociétale puisque tout le monde peut tenter sa chance et devenir auto-entrepreneur, qu'il soit chômeur, retraité, salarié, jeune et, sous certaines conditions, fonctionnaire. Bien sûr, certains connaîtront l'échec, mais d'autres réussiront. L'échec de quelques-uns est le prix à payer pour une opportunité nouvelle ouverte à tous, et ce prix à payer n'est pas trop fort.

Déjà, depuis l'autre innovation très forte que constitue l'entreprise individuelle à responsabilité limitée issue de la loi du 15 juin 2010 – et votée en grande partie grâce au soutien constant du président de cette Commission, que je veux remercier –, les entrepreneurs individuels n'auront plus à répondre de leurs engagements professionnels sur la totalité de leur patrimoine personnel. Le dispositif de l'EIRL sera opérationnel à partir du 1er janvier 2011. En pratique, à partir de cette date, pourront être créées des auto-entreprises à responsabilité limitée – AERL –, un dispositif qui combinera la simplicité du régime de l'auto-entrepreneur, avec la protection du patrimoine personnel apportée par l'EIRL.

Comme je m'y étais engagé devant vous, j'ai lancé des travaux d'évaluation du régime de l'auto-entrepreneur. Vous avez sous les yeux le résultat de travaux menés sur la base de données de l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – ACOSS – qui gère les comptes des auto-entrepreneurs, de celle de l'INSEE, ainsi que sur des enquêtes menées par l'institut de sondage IPSOS auprès des auto-entrepreneurs, des entreprises « classiques », et des particuliers. Un comité dont la composition était volontairement large, puisqu'il associait les organismes de Sécurité sociale, les organisations professionnelles concernées dont l'Union professionnelle artisanale – UPA –, les chambres consulaires, les réseaux d'accompagnement des auto-entrepreneurs et les services de l'administration, a été consulté. Une version quasi définitive de ce rapport m'a été remise récemment. Je l'ai transmise le plus rapidement possible au président Ollier et à vous-mêmes. Ce rapport permet de répondre à certaines des interrogations et des craintes légitimes que suscite ce nouveau régime. Avec lui, vous avez les pièces pour juger.

Le régime de l'auto-entrepreneur marque une inflexion dans les courbes de créations d'entreprise : 322 000 entreprises créées sous ce régime en 2009, soit les trois quarts de la création d'entreprises individuelles sur cette période ! Ce chiffre est d'autant plus significatif que l'effet de substitution avec d'autres formes d'entreprise individuelle est très limité : moins de 11 %. Le chiffre d'affaires moyen des auto-entrepreneurs reste toutefois modeste à ce stade : environ 6 300 euros par an, si on prend en compte l'ensemble des données.

Lorsque les auto-entrepreneurs sont employés par des particuliers, ceux-ci leur confient des petits travaux : leur prix est inférieur à 500 euros dans 80 % des cas. De la même manière, lorsque les entreprises confient aux auto-entrepreneurs des tâches en sous-traitance, elles le font principalement pour faire face à un pic d'activité, il en va ainsi dans 65 % des cas dans le secteur de la construction.

Cette étude permet de mieux cerner les motivations des nouveaux entrepreneurs : 40 % d'entre eux s'inscrivent dans une optique de complément de revenu. Ces entrepreneurs à temps partiel s'accommodent très bien et durablement des plafonds de chiffre d'affaires de 32 000 et de 80 000 euros, pour les services et pour le commerce. Quant aux autres entrepreneurs, qui sont majoritaires, l'objectif à terme reste bien de développer une entreprise à part entière.

Les auto-entrepreneurs sont en moyenne plus diplômés que les créateurs d'entreprises individuelles. Les obligations de qualifications professionnelles, qui s'imposent à eux comme aux autres créateurs d'entreprises, ne semblent donc pas constituer un obstacle.

Sur le plan social, l'étude permet de battre en brèche quelques idées reçues. Par exemple peu d'auto-entrepreneurs – 1,5 % seulement – affirment avoir créé leur entreprise à la demande de leur ancien ou de leur futur employeur. Pour autant, il n'est pas question de baisser la garde et de laisser se développer des pratiques de faux auto-entrepreneurs, pas plus que de faux sous-traitants, de faux mandataires ou de toute autre forme de salariat déguisé. L'arsenal jurisprudentiel pour combattre ces abus n'a, fort heureusement, pas attendu l'auto-entrepreneur pour se construire et se consolider. Je ne demande pas autre chose pour les auto-entrepreneurs que de leur appliquer le droit.

Il est frappant de constater que 23 % des auto-entrepreneurs déclarent avoir « professionnalisé une activité déjà exercée avant la mise en place de la réforme ». En pratique, ils ont régularisé leur activité. Combien de réformes peuvent se targuer d'avoir fait rentrer autant d'activités dans les circuits économiques ? Ainsi, la meilleure arme de lutte contre le travail au noir est aujourd'hui le régime de l'auto-entrepreneur.

Ce régime a permis également à des chômeurs de retrouver une activité : ils représentent 15 % des créations d'auto-entreprises. Ces reprises d'activité ont d'ailleurs été rendues compatibles avec le RSA et les dispositifs d'aide à la création d'entreprise.

En dépit de ces chiffres qui vont dans le bon sens, j'ai procédé à plusieurs ajustements, comme c'est naturel lors du lancement d'une réforme.

Nous avons rétabli des règles de compensations plus justes entre la CIPAV – la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, c'est-à-dire le régime de retraite des libéraux non réglementés – et les autres régimes de sécurité sociale. Ces nouvelles règles de compensation budgétaire entre régimes de retraite limitent l'impact comptable du régime de l'auto-entrepreneur pour la CIPAV ; son président m'a écrit pour me dire qu'il était satisfait de ces modifications. Par ailleurs, les règles de validation des trimestres de retraite ont été alignées sur le droit commun par un décret du 24 juin 2010.

Par la signature d'une convention, nous avons compensé, pour un montant de 5 millions d'euros, les frais de formation professionnelle qu'occasionnent les auto-entrepreneurs aux organismes consulaires.

Nous avons prévu dans la loi de finances rectificative de 2009 l'immatriculation au registre des métiers des auto-entrepreneurs exerçant leur activité à titre principal. En outre, depuis le 1er avril, la qualification professionnelle des artisans comme des auto-entrepreneurs est contrôlée par la chambre des métiers avant la création de leur entreprise. C'est une avancée majeure, qui n'est sans doute pas suffisamment connue ni commentée et qui alimente des polémiques qui n'ont pas lieu d'être.

Monsieur le président, vous avez soulevé la question de l'accès au crédit des auto-entrepreneurs. Je m'en suis préoccupé dès le début en favorisant la signature d'une convention avec la Banque Postale, pour assurer aux auto-entrepreneurs qui déclaraient leur entreprise sous cette forme des avantages s'ils passaient par elle.

Le fait est que les auto-entrepreneurs, comme le souligne l'étude, recourent rarement au crédit : 60 % d'entre eux puisent dans l'épargne le financement nécessaire à leur activité, et 5 % seulement utilisent des emprunts bancaires et 2 % du micro-crédit. Cela montre le peu d'appétence des banques pour favoriser l'activité des auto-entrepreneurs. Nombre d'auto-entrepreneurs m'ont signalé l'indifférence des banques à leur égard. Et en pratique, la médiation du crédit, théoriquement compétente pour ce type de public, n'intervient pratiquement pas.

Ces refus bancaires ont pour conséquence que les auto-entrepreneurs ne peuvent pas accéder aux financements d'OSEO, tels que les prêts à la création d'entreprise ou les garanties renforcement de trésorerie. Ces refus sont probablement motivés non par le niveau de risque de crédit, mais plutôt par le fait que les crédits demandés ont des montants trop faibles pour les réseaux des banques commerciales. Je compte interroger les banques à ce sujet lorsque je les réunirai le 7 octobre à Bercy pour examiner la question du financement des EIRL et des auto-entreprises.

Certains avancent que le régime de l'auto-entrepreneur serait trop avantageux. Il l'est sans doute par sa simplicité, mais il ne s'agit en aucun cas d'un régime subventionné. Il n'introduit pas non plus de concurrence déloyale en termes de niveaux de charges. Une étude de l'Ordre des experts comptables, actualisée en avril dernier, a bien montré que le niveau de charges était équivalent.

On compare souvent à tort le taux de taxation des artisans de droit commun (45 %) à celui des auto-entrepreneurs (21,3 %). C'est oublier que ces taux s'appliquent à des assiettes différentes : l'artisan est imposé sur ses bénéfices, alors que l'auto-entrepreneur est imposé sur son chiffre d'affaires. En d'autres termes, l'auto-entrepreneur ne peut déduire aucune charge et est imposé sur l'intégralité de son chiffre d'affaires. Le régime de l'auto-entrepreneur est d'ailleurs très peu attractif en cas d'investissements significatifs, synonymes de charges élevées.

Il est exact que l'auto-entrepreneur n'est pas assujetti à la TVA. C'est d'ailleurs le cas aussi du régime de la micro-entreprise qui existe depuis près de vingt ans et qui, à ma connaissance, n'a pas fait l'objet de polémique. Mais en contrepartie de cette exonération de TVA, l'auto-entrepreneur achète ses fournitures et ses matières premières toutes taxes comprises et il ne peut déduire la TVA de ses achats de matières premières, qui sont souvent élevés dans le domaine du bâtiment et des travaux publics.

Dès lors que le régime de l'auto-entrepreneur n'engendre pas de concurrence déloyale, il n'est pas justifié de limiter ce statut dans le temps. C'est évident pour les activités complémentaires, qui peuvent durablement être exercées sans dépasser les plafonds de chiffre d'affaires applicables au régime. C'est également le cas pour les entrepreneurs à temps plein qui ne souhaitent pas tous faire croître leur activité et qui peuvent légitimement vouloir bénéficier durablement d'un cadre comptable, administratif, fiscal et social simplifié.

Monsieur le président, limiter la durée d'application du régime de l'auto-entrepreneur reviendrait à adresser un signal négatif à toutes les personnes qui se sont engagées dans cette voie, avec les risques que cela implique. Du reste, le régime de la micro-entreprise, dont s'inspire nettement le régime de l'auto-entrepreneur, n'est pas limité dans le temps, pour les mêmes raisons.

Je rappelle que le régime de l'auto-entrepreneur n'a pas vocation à remplacer les statuts classiques des entreprises, mais à encadrer des activités générant un chiffre d'affaires limité – 80 300 euros pour les activités commerciales, 32 100 euros pour les activités de service en 2010. Lorsque l'activité génère un chiffre d'affaires supérieur aux seuils, les auto-entrepreneurs deviennent des entrepreneurs individuels soumis aux règles communes ou créent leur société.

J'ai indiqué que nous souhaitions faire bénéficier l'ensemble des entrepreneurs individuels – 1,5 million en France – des avantages de simplicité du régime de l'auto-entrepreneur. La novation du régime de l'entrepreneur était de permettre l'inscription en ligne. Nous allons faire de même pour l'ensemble des entrepreneurs individuels de ce pays. Par ailleurs, sur le thème de la création d'entreprise, mais au-delà du régime de l'auto-entrepreneur, François Baroin et moi-même avons donné une impulsion forte au guichet unique qui doit simplifier la création d'entreprise pour tous les travailleurs indépendants. Cela prendra la forme d'un groupement d'intérêt public dans lequel tous les acteurs concernés trouveront leur place et qui bénéficiera d'un soutien financier public fort, à travers le versement sur trois ans d'une dotation de 5 millions d'euros. Ce GIP devrait être pleinement opérationnel dans le courant du mois de novembre.

Mais le chantier de la simplification s'étend bien au-delà de l'acte de création d'entreprise. C'est pourquoi j'ai également engagé, comme je vous l'avais précédemment indiqué, une réflexion avec François Baroin, sur les moyens de simplifier l'ensemble des cotisations sociales pour tous les entrepreneurs individuels en les adaptant au mieux à leurs contraintes de trésorerie. Nous avons réussi, avec l'auto-entrepreneur, à supprimer les cotisations minimales forfaitaires qui étaient une hantise et un frein à la création d'entreprises pour les entrepreneurs individuels. Nous travaillons sur cette simplification et sur un lissage pour coller au niveau de l'activité des entrepreneurs individuels. Il y a un paradoxe à ce que, lorsque l'activité décroît, on supporte des charges plus importantes qui reflètent une activité passée. Le sujet est essentiel pour nos petites entreprises pour lesquelles l'accès au crédit court terme s'est considérablement durci au cours de la crise et continue d'être difficile.

Ce groupe de travail associant les administrations ainsi que les professionnels concernés s'est réuni régulièrement depuis juin. Il remettra ses conclusions à François Baroin et à moi-même, et nous ferons les propositions qu'il convient avant la fin du mois d'octobre.

Encore une fois, ce rapport ne vous a été distribué que tardivement, et je vous prie de m'en excuser. Mais il n'est disponible que depuis hier. J'ai souhaité que vous l'ayez au moins en avant-première. Il nous permettra malgré tout de discuter des différentes faiblesses, supposées ou réelles du régime de l'auto-entrepreneur et d'écarter les polémiques qui sont nées dans l'année qui a suivi sa création.

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