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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 18 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Reprise de la discussion, amendement 449

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Monsieur Perruchot, ce sujet a déjà été largement débattu au cours de la discussion de la première partie de la loi de finances, mais je souhaiterais que nous y revenions. Actuellement, les personnes célibataires, divorcées ou veuves, qui n'ont pas d'enfants à charge, mais qui ont un ou plusieurs enfants faisant l'objet d'une imposition distincte, bénéficient d'une demi-part supplémentaire de quotient familial, sans condition de durée, avec un plafonnement de l'avantage différencié selon l'âge de l'enfant. Cette situation pose un vrai problème de justice fiscale, cet avantage étant dérogatoire dès lors qu'il n'a pour contrepartie aucune charge effective de famille. Rappelons que la personne en question n'a pas de charge de famille au moment où elle bénéficie de cet avantage.

Vous proposez de remédiez à cette situation en réservant la majoration de quotient familial aux parents pouvant apporter la preuve qu'ils ont assumé seuls la charge des enfants pendant cinq ans, et en plafonnant cet avantage à 855 euros dans tous les cas de figure. Votre amendement prévoit aussi l'extinction du système actuel et son remplacement par le nouveau.

Cette proposition soulève deux difficultés. D'abord, elle présente une certaine fragilité au regard du principe d'égalité devant l'impôt. Si la circonstance d'avoir élevé seul son enfant est un critère objectif, la notion de durée ne présente pas un caractère suffisamment discriminant pour justifier l'octroi d'une demi-part supplémentaire.

En effet, la personne concernée aura bénéficié, pendant que l'enfant était à sa charge, d'une majoration au titre du quotient familial, comme toute autre personne. La durée de cinq ans retenue comme curseur pour déterminer la majoration de quotient et l'effet de seuil qui en découlerait peut difficilement être justifiée. Pourquoi cinq ans et pas quatre ans et demi ? Il existe une vraie difficulté au niveau de l'appréciation du temps, puisque ceux qui ne justifieront pas de ces cinq ans seront exclus. Je ne sais pas si cette mesure a été déférée au Conseil constitutionnel. Comment pourrait-on justifier qu'il existe une différence objective entre les parents ayant élevé seuls des enfants pendant cette période de cinq ans et ceux qui les ont élevés moins longtemps ?

Ensuite, dans les faits, il sera très difficile, voire impossible, d'appréhender la condition du parent ayant élevé seul un enfant. Comment Mme Dupont – déjà évoquée le 22 octobre – pourra-t-elle prouver qu'elle a élevé seule son enfant entre 1973 et 1978, par exemple ? En aura-elle conservé la preuve pendant des années ? Je n'en suis pas certaine. À un moment où l'on souhaite renforcer la sécurité juridique et la prévisibilité pour les usagers, je crains que cette proposition ne réponde pas à nos objectifs de sécurité et de simplicité de la preuve à apporter.

Si la situation actuelle ne peut perdurer, il existe peu de solutions. L'une d'entre elles consiste à limiter l'octroi de la demi-part au cas où la séparation des parents est antérieure au départ des enfants ; elle répondrait à votre objectif de moralisation, sans résoudre les autres difficultés d'appréciation des situations ou d'égalité devant l'impôt. Cette solution ne me paraît donc pas particulièrement idéale.

La deuxième solution consisterait à supprimer progressivement cette demi-part. Les parents seuls bénéficiant de cet avantage doivent eux aussi pouvoir lisser dans le temps les effets de sa suppression. Cette solution serait justifiée sur le plan des principes, dès lors que l'avantage actuel n'est lié à aucune charge effective. En reprenant votre règle de cinq ans, on pourrait imaginer que le lissage s'effectue sur cette période.

Pour ma part, je pense que le débat a été bien posé ; nous avons eu de nombreux échanges sur le sujet. Nous sommes d'accord pour considérer que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Je vous propose de continuer à y travailler de concert avec la commission des finances, et de revenir avec une formulation qui corresponde à notre objectif commun, lors de l'examen du collectif budgétaire.

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