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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 30 septembre 2010 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 6, amendement 159

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Il est particulièrement incongru que nous soyons obligés de nous y référer, alors que nous l'avions à l'époque qualifiée de « directive de la honte », pour dire que votre texte va beaucoup plus loin dans la dureté.

La question vous a été très judicieusement posée tout à l'heure par notre collègue Étienne Pinte : la directive « retour » n'a jamais fait état de dix personnes mais d'arrivages massifs.

Or vous nous proposez des zones d'attentes dites ad hoc – ou « sacs à dos » ou « portables », comme vous voudrez – au motif qu'en 2010 sont arrivés 120 Kurdes de Syrie sur les côtes de la Méditerranée.

Or, en dix ans, il n'y a eu que deux arrivages massifs de plus de cent personnes. Vous justifiez donc la modification de la loi et de l'accueil des étrangers et, en particulier, des demandeurs d'asile, par deux événements survenus en dix ans.

Quand vous vous exprimez, monsieur le ministre, j'ai l'impression d'entendre M. le ministre de l'intérieur nous jurer ses grands dieux qu'il n'y a pas d'écoutes téléphoniques illégales alors même que sont révélées un certain nombre d'informations et que sont publiés des documents classés confidentiel défense au motif que la sûreté nationale serait atteinte par la circulation de rumeurs sur le couple présidentiel ou sur l'affaire Bettencourt. Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles.

Par ces dispositions, vous fragilisez les demandeurs d'asile. De plus, comme la mise en place de ces zones d'attente demandera un délai, le demandeur d'asile ne sera pas considéré, pendant ce délai, comme étant sur le territoire français, et ne pourra donc pas bénéficier des droits propres à sa condition de demandeur d'asile. La création de vos zones d'attente n'est conforme – et vous le savez – ni au droit européen, notamment aux accords de Schengen, ni à l'idée que nous nous faisons des droits auxquels peut prétendre un demandeur d'asile.

Voilà pourquoi, tout comme Mme Mazetier et sans doute M. Braouezec dans un instant, je prends la parole pour dénoncer cet article et ceux qui le suivent.

Vous avez l'art de banaliser l'inacceptable. Vous nous présentez la création de zones d'attente comme tout à fait naturelle. Le maître mot du Président de la République et de son gouvernement est le pragmatisme, c'est-à-dire l'adaptation aux situations nouvelles. Mais la situation n'a pas changé.

Vous avez, d'ailleurs, travesti les chiffres, monsieur le ministre, en présentant la France comme le pays qui accueille le plus grand nombre de demandeurs d'asile. Non ! La France est un des pays qui reçoivent le plus de demandes d'asile mais le pourcentage d'acceptation de celles-ci – 31 % – est loin derrière celui des États-Unis et du Canada – 51 % – ou encore de l'Allemagne. Vous n'avez donc pas lieu de vous glorifier en la matière. La France n'accueille pas tout le monde, il y a beaucoup de refus.

Quand on ajoute à cela le parcours du combattant que représente l'acquisition de la nationalité ou l'obtention d'une carte de séjour, on voit que le périmètre se réduit fortement pour tous ceux qui veulent vivre dans notre pays, y compris pour les demandeurs d'asile dont les droits ont pourtant été codifiés par les conventions internationales.

Ces zones d'attente ad hoc doivent être condamnées et c'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression des articles 6 à 12. Elles ne sont pas conformes à celles qui existent aujourd'hui dans les gares et les aéroports internationaux, où les demandeurs d'asile bénéficient d'un certain nombre de soutiens. Un autre effet de la création des zones d'attente ad hoc sera d'ailleurs d'éloigner ces gens qui ne parlent pas français et sont dans le désarroi des associations qui peuvent leur apporter un soutien et leur permettre d'arguer de leur bon droit.

Vous n'avez pas répondu à la question d'Étienne Pinte, monsieur le ministre. Mais peut-être avez-vous mis à profit la suspension de séance pour vous renseigner auprès de votre cabinet et de vos services. Que sont devenus les Kurdes de Syrie ? Vous savez que le statut de Kurde n'est pas reconnu en Syrie, ni même dans les trois autres pays où ils sont présents et où ils vivent beaucoup d'humiliations, de répressions et d'atteintes à leurs libertés. C'est pourquoi il serait intéressant de savoir si le droit d'asile leur a enfin été accordé.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que voter contre l'article 6 et ceux qui le suivent concernant les zones d'attente.

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