Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 14 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Après l'article 25, amendement 730

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

La mise en place d'une vraie réforme de la prévention en santé au travail, dans l'intérêt exclusif de la santé des salariés, mérite beaucoup mieux que le passage en force contre la médecine du travail qu'entend mener scandaleusement la droite à l'occasion de notre débat sur les retraites.

Pour des raisons de forme et de fond, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche s'opposent avec force à l'amendement du Gouvernement, complété par la pléthore de propositions du Nouveau Centre et de l'UMP, toutes inspirées par la même volonté d'organiser les services de santé au travail en donnant un total pouvoir aux employeurs, les missions fort peu ambitieuses des services de santé au travail devant désormais être exercées « sous l'autorité de l'employeur » selon le texte gouvernemental, quand la loi actuelle confie la mission de prévention aux médecins assistés de l'équipe pluridisciplinaire, à charge pour le directeur du service de santé au travail d'assurer la mise en place des moyens nécessaires à sa réalisation.

En juillet dernier, lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales, la nécessité de réformer les services de santé au travail a naturellement été abordée. Nous sommes les premiers à défendre l'exigence d'une telle réforme, redéfinissant le sens des missions des médecins du travail, garantissant leur autonomie, leur indépendance vis-à-vis des employeurs. Mais jamais il n'a été question de le faire en catimini, au détour de la discussion des articles du présent projet de loi traitant de la pénibilité, le ministre ayant annoncé le dépôt d'un texte autonome sur le sujet.

Après le rejet unanime par les organisations syndicales, en septembre 2009, du protocole du MEDEF détournant les services de santé au travail de la vraie médecine du travail, et ce en faveur des employeurs et au détriment des salariés, « violant le cadre de la responsabilité du médecin du travail pour qu'il serve de bouclier et protection aux employeurs » selon les termes mêmes de l'appel des médecins, inspecteurs, contrôleurs du travail et acteurs de santé au travail, signé par de nombreuses personnalités, la moindre des choses aurait été de remettre à plat les termes du débat.

Au lieu de cela, le Gouvernement, par l'intermédiaire de M. Darcos puis de vous-même, monsieur Woerth, a fait le choix de reprendre à son compte les grands axes de la réforme tels que posés par le MEDEF seul, Jean-René Buisson, chef de file de la délégation patronale, souhaitant que « les pouvoirs publics transposent rapidement et fidèlement le texte » du MEDEF. Son voeu est en passe d'être exaucé. Sans vrai débat démocratique, sans concertation avec les organisations syndicales, via des amendements échappant à l'obligation de consultation préalable des partenaires sociaux dès lors que des dispositions touchent au code du travail, on nous propose, des amendements déposés à la dernière minute sur un projet de loi lui-même examiné selon la procédure accélérée, proposent de démanteler purement et simplement ce qui fait aujourd'hui la spécificité de la médecine du travail en France.

On ne peut prétendre améliorer la connaissance et la prévention des risques professionnels, inscrire la santé au travail dans le champ de la santé publique, et remettre en cause, dans le même temps, l'existence même du médecin du travail, professionnel protégé, rendre son intervention facultative, supprimer le contact direct avec les salariés et l'observation des postes de travail.

En mai dernier, prenant la mesure du danger d'un « transfert de mission du médecin du travail, salarié techniquement indépendant et protégé, vers le directeur de service de santé au travail mis en place par des employeurs, et bien sûr sous leur direction », des syndicats, des médecins du travail de la CFE-CGC vous ont écrit, monsieur le ministre. Ils attendent toujours une réponse. Je cite des extraits de ce courrier : « Ce transfert de mission préconisé par un syndicat autonome de directeurs de service de santé au travail placerait ces services directement sous l'emprise des employeurs et transférerait de ce fait les missions et les objectifs des médecins du travail aux employeurs et à leurs délégataires. » ; « Qui assurera de manière indépendante la coordination de l'équipe pluridisciplinaire ? Quelle compétence, voire quelle responsabilité, peut avoir un directeur de service de santé au travail non médecin à assurer la prévention de la santé des salariés ? » ; « Qu'en sera-t-il de l'indépendance des directeurs de service, ainsi que des professionnels non médecins, infirmiers, qui n'ont pas plus d'autorité scientifique que d'indépendance statutaire ? », vous demandaient ces professionnels de santé.

Dernière observation à l'appui de notre opposition à l'amendement du Gouvernement et à ceux de nos collègues de droite : je voudrais que le ministre nous explique en quoi ce serait un progrès que, par accord de branche ou par simple décret, il puisse être dérogé au droit commun en matière d'organisation de ces services, de modalités de surveillance de l'état de santé des travailleurs, s'agissant des intermittents du spectacle, des employés de maison, des salariés temporaires, des stagiaires de la formation professionnelle, des travailleurs saisonniers. Qu'il nous dise en quoi ce serait un progrès que ces salariés, pour qui la visite médicale représente parfois la seule consultation médicale de l'année, soient suivis par des médecins non spécialisés en médecine du travail ? Est-ce un progrès de rendre caducs les accords collectifs « mieux disants » permettant une périodicité de visites plus importantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion