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Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du 10 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg :

…mais je présenterai certains éléments qui vont aussi vous plaire, je pense, mes chers collègues de la majorité.

Depuis deux ou trois jours que le débat a commencé ici, un certain nombre d'éléments se sont fait jour. M. Woerth a indiqué hier, et nous l'avons relevé, que cette réforme ne provenait pas d'un souci d'équilibre démographique mais qu'elle était le résultat de la crise, crise qu'il faut faire payer aux Français, en particulier ceux ayant les plus bas revenus.

Non seulement vous le reconnaissez ici, mais certains d'entre vous vont jusqu'à l'écrire. J'ai ainsi reçu une lettre de nos collègues Jean-Pierre Door et Arnaud Robinet invitant à une très intéressante réunion sur un « nouveau compromis social offensif pour les retraites ». Cette lettre exprime les choses de manière très claire : « La désindustrialisation, les délocalisations, la montée de l'exclusion et des emplois précaires ont contribué à dégrader le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités. Dans ce contexte, l'emploi est donc une variable fondamentale pour le financement de notre système de retraite. » Chers collègues, merci de cette franchise ! Quand nous le disons, nous, cela peut être sujet à caution, mais quand c'est vous qui l'écrivez sur papier à en-tête de l'Assemblée nationale, quand c'est vous qui le dites et que cela peut figurer au Journal officiel, cela devient beaucoup plus parlant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je continue de citer votre prose, datée de septembre 2010, sans plus de précision. Une petite phrase à la fin de cette lettre est particulièrement intéressante : « En principe, un projet de réforme sera prêt entre mi-juin et fin juin, et il sera examiné en juillet en conseil des ministres, avant d'être discuté à l'Assemblée nationale en septembre prochain. » Je ne sais pas si c'est dû au fait que M. Soubie n'avait pas encore terminé de rédiger les amendements, le projet de loi ou les explications de texte, mais il y a visiblement un problème dans la manière dont vous abordez le débat.

Puisqu'il est question sur les bancs de la majorité de « compromis social offensif », et que les arguments théoriques généraux ont été avancés par les uns et les autres, prenons deux cas concrets de salariés de ce pays.

Le premier est celui des personnels techniques des réseaux et infrastructures de transport, personnels d'État ou, après transfert des compétences, des collectivités territoriales. Ce sont ces personnels qui entretiennent nos routes, au quotidien et en cas d'intempéries, qui interviennent lors d'accidents de la circulation... Entre 45 et 54 ans, 4,7 % d'entre eux décèdent au cours de leur vie active, et, au-delà de 55 ans, ce chiffre monte à plus de 7 %. Un graphique illustre les accidents du travail que subissent ces salariés selon l'âge, toutes catégories confondues, mais davantage encore au plus bas de l'échelle. Je ne vous le montre qu'en passant, pour que le président ne me vitupère pas.

Ces personnels ont eu un avocat qui les a défendus magnifiquement. Je me permets de le citer afin de vous faire entendre ses mots pour parler de leur espérance de vie réduite, de la dangerosité de leur travail, des produits toxiques qu'ils manipulent, de leurs horaires décalés : « Les agents du corps d'exploitation des travaux publics de l'État sont à l'évidence dans le cas d'un métier pénible, sans bénéficier d'un régime de retraite leur permettant un départ anticipé sans perte financière. Ils encourent par exemple un risque d'accident du travail jusqu'à vingt fois supérieur à celui des autres agents du ministère. Le risque est quasiment doublé à partir de 45 ans. L'impact de la pénibilité de leur métier se mesure également après la vie active, lorsqu'ils ne sont plus exposés, car ils décèdent en moyenne trois ans et demi plus tôt que les autres agents retraités des catégories B et C de ce même ministère. » Les études qu'il a conduites « montrent que les risques et leur gravité augmentent considérablement avec l'âge » : « La pénibilité et la dangerosité des missions d'exploitation sont de plus en plus difficiles à supporter. Les arrêts de travail sont en moyenne deux fois plus longs chez les agents en fin de carrière. »

Leur avocat décrit donc une situation telle que ces agents ne sauraient travailler deux années de plus sans que leur condition devienne excessivement difficile. Aussi demandait-il pour eux « une bonification de leur temps de service qui permette un départ anticipé avec une pension à taux plein » : « Il serait juste que les agents ayant au moins quinze années de service actif bénéficient d'une bonification pour la liquidation de leur pension, qui permettrait d'anticiper leur départ à la retraite de cinq ans au plus, sans perte financière. »

Cet avocat de profession exerce en ce moment une autre activité. La lettre dont je viens de lire des extraits date du 15 octobre 2008 et est signée Jean-Louis Borloo (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), alors ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire – son intitulé ministériel a quelque peu changé depuis lors. Plus intéressant encore : cette lettre était adressée au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Éric Woerth. M. Woerth avait alors répondu à son collègue que le cas de ces agents serait pris en considération dans le cadre de la réforme des retraites. Il ne rejeta aucun de ses arguments.

Le cas très concret de ces agents publics de l'État pour lesquels sont intervenus deux ministres encore en exercice, même s'ils ont changé d'attributions, montre que la réforme que vous proposez – le recul de deux ans de l'âge de départ à la retraite – accroîtra pour ces personnels non seulement le risque d'accidents du travail mais également, et davantage encore, malheureusement, le risque de décès au cours de leur activité.

Je souhaite évoquer un second type de salariés, en prenant l'exemple d'un dirigeant qui a eu 60 ans et demi en 2009 et a fait valoir qu'ayant cotisé 38 ans dans l'entreprise où il a travaillé, il était normal qu'il bénéficie d'une retraite. Il s'agit de M. Henri Proglio. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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