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Intervention de Martine Billard

Réunion du 9 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Le seul argument que vous utilisez pour justifier l'allongement de la durée de cotisation que vous proposez est l'allongement de l'espérance de vie. Mais, pour pouvoir rester au travail, l'important ce n'est pas l'espérance de vie, mais d'être capable de travailler, c'est-à-dire d'avoir une espérance de vie en bonne santé. Je rappelle, moi aussi, que l'espérance de vie en bonne santé pour un ouvrier est de cinquante-neuf ans, contre soixante-neuf ans pour les cadres. Il y a donc une grande différence.

Les générations du baby-boom devaient d'abord cotiser trente sept ans et demi ans, puis ce fut quarante. Nous en sommes maintenant à quarante et un ans. Elles sont entrées plus tôt sur le marché du travail pour deux raisons : premièrement, parce que le taux de chômage était quasiment nul, deuxièmement parce, parmi elles, beaucoup moins de personnes avaient fait des études. À l'époque, on pouvait devenir cadre grâce à la promotion interne. Le taux de salariés ayant fait des études à bac + 3 ou bac + 5 était bien inférieur à ce qu'il est aujourd'hui. Commençant plus jeunes, ces salariés avaient, à soixante ans, le nombre d'annuités requis. Aujourd'hui, même en ayant fait des études, les salariés ne sont pas nécessairement cadres.

En 1965, l'âge moyen d'entrée dans la vie active était de 18,3 ans. Les salariés de cette génération peuvent donc atteindre l'âge de départ à la retraite sans problème de durée de cotisation. En 1997, cet âge moyen était passé à 21,7 ans, ce qui veut dire que, avec votre projet, ces salariés ne pourront pas partir en moyenne avant soixante-trois ans, ce qui relativise déjà beaucoup le passage de la borne à soixante-deux ans. Soit ils auront commencé à travailler très jeunes, à 18 ans par exemple, et ils seront obligés de cotiser 44 ans, soit ils auront fait des études, donc commencé à travailler plus tard, et alors ils n'auront aucune chance de pouvoir prendre leur retraite à soixante-deux ans.

En 2007, comme cela a déjà été dit, l'espérance de vie en bonne santé était en moyenne de 63,1 ans. Si vous repoussez l'âge de départ à la retraite, les personnes seront peu d'années en bonne santé à la retraite. Ce sera au mieux une année pour ceux qui pourront partir à la retraite à soixante-deux ans.

En 2007 encore, l'UMP et le Gouvernement utilisaient le slogan « Travailler plus pour gagner plus ». Depuis le début du débat, avec Jean-François Copé et d'autres députés, ce slogan est devenu « Travailler plus, cela veut dire travailler mieux ». Il n'est plus question aujourd'hui de gagner plus, et les salariés de ce pays s'en sont rendu compte. Il est important de souligner l'évolution de votre langage au cours de ce débat. Cela signifie-t-il que les travailleurs français travaillent mal ? Dire qu'il faut travailler mieux, c'est quelque peu insultant pour ceux qui sont soumis à l'intensification du travail, des cadences, au travail de nuit qui se développe de plus en plus, ou au travail le dimanche, y compris dans les supermarchés d'alimentation qui ouvrent même le dimanche après-midi malgré nos protestations auprès de la direction du travail.

Souvenez-vous de cette vague de suicides qui ont eu lieu dans de nombreuses entreprises, justement parce qu'on demandait aux salariés de travailler plus, pas nécessairement pour gagner plus d'ailleurs. N'oublions pas non plus le temps partiel imposé dont 80 % des femmes sont victimes. Ce temps partiel est mal payé. Il permet notamment à la grande distribution de faire des profits faramineux.

Hier, Éric Woerth disait, en réponse à Marc Dolez, que nous étions face à un choix de civilisation. Nous considérons, pour notre part, que la retraite est un droit. Il est légitime, en effet, de ne pas passer toute sa vie à la gagner. Il est légitime de partir à la retraite tant qu'on est en bonne santé. La retraite ne doit pas être synonyme de dépendance, il doit exister un troisième temps de la vie libéré des contraintes du travail qui permet de se livrer à d'autres activités, y compris d'avoir le droit de ne rien faire. On peut avoir le droit de rêver, de lire,...

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