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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 8 septembre 2010 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, rapporteur :

Monsieur le ministre, l'importance du projet de loi tient à ce qu'il reflète l'engagement de la France à promouvoir une politique européenne commune en matière d'immigration, puisqu'il permet la transposition de trois directives essentielles dans le domaine. Mais au-delà d'un simple exercice de transposition, le texte traduit des choix politiques propres à la France, lesquels sont constants depuis 2002.

Il en va ainsi des mesures relatives au droit de la nationalité et au contrat d'accueil et d'intégration, qui s'inscrivent dans le prolongement des conclusions du débat sur l'identité nationale, et qui visent à donner une plus large importance à l'implication personnelle des étrangers qui séjournent en France ou qui aspirent à devenir Français dans le processus d'intégration que leur propose la République et, in fine, de naturalisation.

Tel est également le cas de la réforme du contentieux de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. La transposition de la « directive retour » contraignant notre pays à une réforme de ses procédures, il y avait là une bonne occasion de simplifier un contentieux excessivement complexe, caractérisé par un enchevêtrement des compétences des juges administratifs et judiciaires, mis notamment en avant par le rapport de la commission sur le cadre constitutionnel de la politique d'immigration, présidée par Pierre Mazeaud.

S'agissant de la nationalité, le projet de loi réduit à deux ans la durée de stage exigée des étrangers candidats à la naturalisation qui satisfont manifestement à la condition d'assimilation posée par l'article 21-24 du code civil. Quel usage entendez-vous faire de cette nouvelle procédure dérogatoire du droit commun ? Combien de cas cela devrait-il représenter annuellement ? À titre de comparaison, combien d'étrangers entrant dans les deux autres cas de figure prévus à l'article 21-18 du code civil – services importants rendus à la France et études supérieures en France –, pour lesquels la durée de stage est également fixée à deux ans, sont naturalisés chaque année ? Cette disposition ne vous apparaît-elle pas quelque peu incohérente avec la durée de stage des conjoints de Français – quatre ans s'ils résident en France et cinq ans s'ils résident à l'étranger –, qui présentent bien souvent les mêmes attributs d'assimilation ?

Par ailleurs, quel devrait être le contenu de la charte des droits et devoirs du citoyen français, instituée à l'article 21-24 du code civil ? En 1993, le législateur avait institué une obligation de manifestation de volonté pour l'acquisition de la nationalité française, supprimée en 1998. Ne faudrait-il pas aller au bout de la logique en rétablissant cette manifestation de volonté, afin que l'on ne puisse pas devenir Français sans le vouloir ni sans le savoir ?

Le 30 juillet dernier, le Président de la République a souhaité que l'article 25 du code civil soit modifié afin de compléter les cas de déchéance de nationalité en incluant les personnes qui portent atteinte à la vie des dépositaires de l'autorité publique. Cette démarche semble compatible avec les exigences de la Constitution, sous réserve de certaines précautions juridiques auxquelles le Conseil Constitutionnel veillera. Pour ma part, j'inclinerais davantage vers un retour au dispositif qui prévalait avant 1998 et qui concernait les personnes ayant acquis la nationalité française depuis moins de dix ans, condamnées en France ou à l'étranger à au moins cinq ans d'emprisonnement. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont vous ont conduit à préférer une solution visant les seules personnes portant atteinte à la vie de personnes dépositaires de l'autorité publique ?

Une mission d'expertise, annoncée récemment par le Président de la République, devrait par ailleurs examiner les conditions d'une extension de la procédure d'opposition à l'acquisition de la nationalité aux mineurs condamnés à de la prison. Le Parlement sera-t-il associé à ses travaux et sous quelle forme ? Quand cette mission doit-elle rendre ses conclusions ? Elles pourraient, le cas échéant, être reprises dans le projet de loi.

S'agissant des procédures et contentieux de l'éloignement, le texte tire les conséquences des difficultés apparues lors du débarquement en Corse du Sud, en janvier dernier, de 123 étrangers en condition irrégulière, en modifiant les conditions de création des zones d'attente, afin de pouvoir instituer une telle zone à proximité du lieu de débarquement présumé des migrants. Même si ce type de situations est très rare, il est manifeste qu'elles posent des problèmes juridiques et pratiques conséquents. Pensez-vous que la mesure proposée sera réellement efficace pour y répondre ?

Le projet de loi assure la transposition de la « directive retour » qui instaure notamment une interdiction d'entrée, valable sur l'ensemble du territoire européen. Le Gouvernement a fait le choix de laisser une large marge d'appréciation à l'administration pour décider d'appliquer ou non cette mesure à l'égard des étrangers en instance d'éloignement, alors que la directive distingue les cas où « les décisions de retour sont assorties d'une interdiction » de retour, des cas où les décisions de retour « peuvent être » assorties d'une interdiction de retour. Ne risque-t-on pas d'atténuer l'effet de cette mesure et, en fait, de ne pas assurer strictement les dispositions de la directive ?

Le projet de loi réforme sensiblement les procédures d'éloignement en inversant notamment l'ordre d'intervention des juges judiciaire et administratif. Désormais, le juge administratif se prononcera d'abord, notamment sur la légalité de la rétention, et le juge judiciaire n'interviendra plus qu'au bout d'un délai de cinq jours, contre 48 heures actuellement. Ce nouveau délai a fait naître des interrogations sur la constitutionnalité de la mesure, notamment au regard de l'article 66 de la Constitution. En quoi la nouvelle procédure est-elle susceptible de contribuer à l'objectif de bonne administration de la justice, lequel a également valeur constitutionnelle ?

Sur la durée de rétention, je laisserai mon collègue Éric Diard vous interroger. Je terminerai par trois brèves questions sur la transposition de la directive 2009-1952CE dite « directive sanction » :

Pouvez-vous nous préciser les derniers résultats obtenus en matière de lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre – année 2009 et 1er semestre 2010 : nombre de contrôles effectués, d'employeurs mis en cause, de salariés en situation irrégulière mis à jour, et des éloignements qui en ont résulté ? Au regard du travail dissimulé, quelle proportion représente cette infraction ?

Le Gouvernement a-t-il évalué le coût, pour les organismes de sécurité sociale et pour les finances publiques, de l'emploi d'étrangers sans titre ?

Enfin, les employeurs et les organisations syndicales s'accordent à dire qu'il convient de différencier les sanctions infligées aux employeurs d'étrangers sans titre selon qu'ils exploitent des immigrants en situation irrégulière ou les emploient à leur insu, notamment du fait de fraudes documentaires. Le Gouvernement est-il ouvert à cette perspective ? Quelles avancées peut-on attendre sur ce point lors de la discussion parlementaire ?

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