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Intervention de Huguette Bello

Réunion du 7 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Face à une situation aussi périlleuse que la nôtre, sinon plus, le CNR plaçait, lui, sans le proclamer tous les matins, les hommes au coeur de ses décisions en se donnant les moyens de « permettre aux vieux travailleurs de finir dignement leur vie ».

Prétendre sauver un système contre la société, c'est s'interdire les solutions durables. Ce projet de loi est une étape de plus dans la dégradation des retraites de la grande majorité des Français. Après la baisse des pensions programmée par les réformes de 1993 et de 2003, c'est une nouvelle salve contre les retraites et, cette fois, les plus modestes et les plus fragiles d'entre nous sont vos cibles privilégiées.

Noyau dur de la réforme proposée, l'augmentation de la durée d'activité est présentée comme une décision de bon sens. Mais reculer de deux ans l'âge légal de départ à la retraite, c'est obliger ceux qui ont déjà toutes leurs annuités à cotiser deux ans de plus pour rien. C'est contraindre ceux qui ont commencé à travailler très tôt, et souvent dans des conditions pénibles, à travailler encore. C'est donc faire payer les besoins de financement des retraites par les plus modestes.

L'administration ferait bien de nous regarder moins ironiquement…

Ainsi les salariés vont payer deux fois. Ils payent quand la crise les percute de plein fouet, et ils payent pour combler les déficits que cette même crise a accélérés. Brandir la démographie pour justifier cette réforme est une tromperie qui ne trompe plus personne. Tout le monde le sait, tout le monde l'a dit : la démographie est responsable du déficit des retraites pour un tiers, la crise pour les deux tiers. Le bon sens consiste-t-il vraiment à faire payer ceux qui ont déjà payé le plus ?

Combiné à l'allongement de la durée de cotisation inscrite dans la loi de 2003, le relèvement de l'âge de la retraite à 62 ans diminue le nombre de retraités qui peuvent prétendre à une pension à taux plein. Il porte directement atteinte à leur pouvoir d'achat, et il accroît encore le nombre de petites retraites.

Déduire de cette première négation du bon sens que l'âge d'obtention de la retraite à taux plein doit reculer à 67 ans n'est ni une évidence ni une obligation. C'est un choix politique, un choix politique partisan qui constitue une insupportable injustice à l'égard des femmes et, de façon générale, de tous ceux qui ont déjà subi de plein fouet les aléas, les périls et les agressions du marché du travail.

Les mesures contenues dans ce projet de loi laissent imaginer un système de retraite qui fonctionnerait en circuit fermé, et présupposent qu'il appartiendrait à ce système, donc aux salariés, de pourvoir presque exclusivement aux besoins de son financement. C'est faux ! Nous savons tous que les marges de manoeuvre sont bien plus importantes. À condition, bien sûr, de ne pas écarter systématiquement de nouveaux modes de financement qui ne reposent pas sur les revenus du travail et qui, correspondant aux caractéristiques de l'économie d'aujourd'hui, pourraient apporter une bonne part des ressources nécessaires.

Bon sens, dites-vous ? Bon sens que de demander aux plus modestes de sauver notre système de retraite ? Bon sens que de défendre dans le même temps le bouclier fiscal ? Bon sens que de frémir d'indignation à la seule pensée d'une véritable taxation des stock-options et de tous les revenus financiers ? Bon sens que de sanctuariser la niche Copé qui prive le budget de l'État de plusieurs milliards d'euros ? Ce genre de bon sens, comprendrez-vous un jour qu'il n'est pas en France la chose la mieux partagée ?

Les effets mécaniques de l'application de cette nouvelle réforme sont connus. Et il n'y a pas grand risque à parier que les quelques mesures prévues en faveur de l'emploi des seniors ou censées résorber les inégalités de salaire entre les hommes et les femmes n'y changeront pas grand-chose.

Lourdes et sévères pour la grande majorité des citoyens, les conséquences de cette réforme seront encore plus redoutables lorsque les mesures qu'elle comporte seront appliquées dans des territoires qui cumulent chômage, précarité et difficultés de toutes sortes, comme, en particulier, les outre-mers. Aux effets intrinsèquement négatifs de ces mesures s'en ajouteront d'autres, conséquence de leur totale inadaptation au réel. De cette inadéquation, l'étude d'impact ne dit mot. Je dois donc rappeler que l'un des arguments principaux avancés pour reculer l'âge légal de la retraite, celui de l'augmentation de l'espérance de vie, ne se vérifie nullement dans les départements d'outre-mer, où l'espérance de vie est sensiblement inférieure à celle de la France continentale. Aux inégalités entre les catégories socioprofessionnelles, entre les cadres et les ouvriers, s'ajouteront donc les inégalités entre les territoires.

Comme les secousses du marché du travail se répercutent de plus en plus sur les retraites, le pire est à craindre. À La Réunion, où le chômage de longue durée atteint des records, les taux d'activité sont plus faibles et le temps partiel largement répandu : il est facile de prévoir qu'il sera plus en plus difficile à beaucoup de Réunionnais de percevoir une retraite à taux plein. 30 % des retraités sont déjà au minimum vieillesse, soit six fois plus qu'au niveau national, et cette proportion a toutes les chances de s'aggraver puisque l'alignement du montant du SMIC ne remonte qu'à une vingtaine d'années.

Pour les jeunes, dont plus de la moitié est au chômage et qui doivent, lorsqu'ils travaillent, se contenter d'emplois précaires, le scénario est tout simplement catastrophique. Comme ils le disent eux-mêmes, les jeunes craignent de subir la « triple peine » : sous-payés même quand ils ont un diplôme, pénalisés à leur entrée sur le marché du travail, notamment par le maintien au travail tardif des seniors, et empêchés, à la sortie, de disposer d'une retraite à taux plein. Ne pensez-vous pas qu'une société démocratique pourrait imaginer de proposer d'autres perspectives à sa jeunesse ? Même la validation des années d'études supérieures et de stages, qui existe pourtant dans d'autres pays européens et, depuis longtemps, pour les grandes écoles françaises, leur est petitement chipotée.

Et puis, comment ne pas parler des femmes auxquelles cette réforme va imposer une lourde et injuste contribution ?

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