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Intervention de Hervé Morin

Réunion du 7 juillet 2010 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Hervé Morin, ministre de la défense :

Cette audition, après celle de ce matin devant la Commission de la défense, me donne l'occasion de faire le point sur deux sujets d'actualité, le premier portant sur la rénovation de nos accords de défense avec les États africains, qui doit prendre en considération trois évolutions fondamentales : la première est l'obsolescence des accords de défense, signés pour la plupart au lendemain du processus de décolonisation et comportant des clauses de sécurité intérieure qui n'ont plus lieu d'y figurer ; la deuxième est le développement du pôle politique et stratégique de l'Union africaine ; la troisième est la montée en puissance de l'architecture de paix et de sécurité africaine (APSA), avec des forces armées associées, qu'on appelle les forces africaines en attente (FAA), permettant progressivement le développement d'une capacité opérationnelle propre au continent africain.

Vous avez évoqué le discours du président de la République au Cap en 2008, à la suite duquel nous avons engagé la rénovation des accords de défense, qui seront soumis à l'approbation du Parlement et publiés au Journal officiel.

Avec les huit États concernés – le Cameroun, les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Centrafrique, le Sénégal et le Togo –, nous avons modifié en profondeur l'esprit et la finalité de ces accords. Il ne s'agit plus de garantir à nos partenaires une assistance militaire pour intervenir en cas de menace sur leur sécurité mais de renforcer avec eux la coopération de défense et de sécurité afin d'appuyer la montée en puissance de leurs propres forces. Nous abandonnons l'idée d'intervenir directement dans leurs questions de sécurité intérieure.

Cette évolution s'accompagne d'une ouverture vers une dimension multilatérale, avec la possibilité d'associer à un partenariat de défense d'autres pays africains ou européens, ainsi que les institutions européennes, qui ont développé le programme EUROCAMP, portant à la fois sur la fourniture de matériel et sur la formation des forces nationales. Pour mener à bien ce chantier, un groupe de travail mixte a été constitué par le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense. Entre le printemps et l'été 2008, il a conduit une mission d'information et de prise de contacts dans les pays concernés, avant de s'atteler à la rédaction des nouveaux accords.

Sur la forme, il a été décidé de fixer le nouveau cadre juridique de notre relation de défense avec les États concernés dans un texte unique, qui se décline en deux accords type, selon que la France a, ou non, des forces présentes dans le pays hôte, et qui sont ensuite adaptés à chaque situation particulière. Les accords sont conclus pour une période de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction.

Sur le fond, ce nouveau modèle d'accord ne comporte plus, sauf pour Djibouti, de stipulation impliquant un concours de notre pays en cas d'agression extérieure. Il est centré sur la coopération militaire, menée soit par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères et européennes, soit par l'état-major des armées. Il prend en compte, dans la relation de défense entre les deux pays, la promotion des systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l'Union africaine. À travers la référence au respect de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale des partenaires, le nouvel accord manifeste clairement notre volonté de non-ingérence dans les affaires intérieures des États concernés. Enfin, pour les pays dans lesquels nous maintiendrons des forces, l'accord comporte une annexe spécifique prévoyant les facilités qu'accorde le pays hôte pour la vie courante et l'entraînement de nos troupes.

Le processus de rénovation est bien engagé. Nous avons déjà conclu trois accords, avec le Togo, le Cameroun et la Centrafrique. Un traité a été élaboré avec le Gabon. Trois autres accords sont en cours de négociation, avec le Sénégal, Djibouti et les Comores. Le projet établi pour la Côte d'Ivoire ne sera transmis qu'après une éventuelle élection présidentielle.

Pour les accords déjà signés, le processus de ratification par le Parlement est enclenché. Les projets de loi relatifs aux accords avec le Togo et le Cameroun, qui ont reçu un avis favorable du Conseil d'État et du conseil des ministres, sont déjà en cours d'examen au Sénat.

J'en viens à la situation en Afghanistan. Vous connaissez comme moi son histoire au cours des dernières années. Quels sont nos objectifs? Le premier est la montée en puissance de l'armée nationale afghane et des forces de police assurant la sécurité, afin de parvenir à un effectif de 400 000 hommes en mesure de garantir la stabilité du pays. Le deuxième est le renforcement de la gouvernance et des institutions afin de permettre au pays de disposer des éléments fondamentaux d'un État de droit, et notamment une justice qui fonctionne. Le troisième réside dans la contribution au redressement du pays : notre présence militaire doit s'accompagner de projets de reconstruction et de développement civils.

Si nous respectons le cap fixé lors des sommets de l'OTAN et du sommet de Strasbourg d'avril 2009, la nouvelle stratégie arrêtée par les membres de l'Alliance repose sur trois principes.

En premier lieu, une stratégie de contre-insurrection, grâce à des forces très proches de la population, non seulement pour assurer leur sécurité mais aussi pour leur donner confiance. À cet égard, les annonces faites par certains pays européens sur leur retrait prochain d'Afghanistan ne facilitent pas l'exercice. Les populations se trouvent en effet prises entre les forces de l'Alliance, avec lesquelles elles ont plutôt envie de coopérer, et les Talibans, auxquels elles redoutent d'être bientôt confrontées.

En deuxième lieu, il est prévu d'opérer le transfert de la responsabilité de la sécurité aux Afghans, avec la réalisation des objectifs intermédiaires – ce que je n'ai cessé de réclamer depuis trois ans. De tels objectifs sont indispensables, assortis de points d'étape et de rendez-vous. Normalement, nous devrions être en mesure de transférer aux Afghans la sécurité d'un certain nombre de districts avant la fin de l'année. En ce qui concerne la vallée de la Kapisa et celle de la Surobi, on peut espérer, comme nous l'avons fait à Kaboul l'année dernière, transférer aux Afghans le contrôle de ces zones en 2011.

Le troisième principe consiste en une meilleure coordination des efforts civils et de l'action militaire. Ayant rencontré sur place l'ancien ambassadeur britannique en Afghanistan, désormais chargé de cette mission, j'ai eu le sentiment que les choses progressaient.

Les forces françaises ont été regroupées sur les deux districts voisins dont j'ai parlé, ce qui nous permet de disposer d'un ensemble cohérent. Nous y avons mis en place autant de groupes d'encadrement et de formation (OMLT) qu'il y a de kandaks à former, ainsi que, pour un montant de 15 millions d'euros, des programmes de reconstruction permettant notamment de bâtir des écoles, d'aménager des routes, d'aider au développement rural.

Nous sommes très engagés dans la formation des officiers, dans le cadre du programme EPIDOTE et participons désormais à la formation de la police afghane. Nos gendarmes se passionnent pour cette mission. Mais il est plus difficile de former des policiers que des militaires. En effet, les premiers ne mènent pas seulement des opérations de sécurité : ils doivent aussi connaître la procédure judiciaire, savoir mener des interrogatoires, avoir un bon contact avec la population et se faire respecter d'elle ; or nous avons affaire à 80 % d'illettrés. Toutefois, les intéressés paraissent très motivés. La police et la gendarmerie afghanes devraient donc pouvoir parvenir à remplir leurs tâches.

Jamais l'Alliance n'a perdu autant d'hommes que depuis le début de cette année, en raison de deux phénomènes : d'une part, les Talibans jettent toutes leurs forces dans la bataille, avec probablement un sentiment de découragement et d'épuisement accumulé depuis dix ans mais aussi avec l'espoir d'un renversement du rapport de forces en leur faveur en cas de lassitude et de retrait des occidentaux ; d'autre part, au fur et à mesure que les forces de l'Alliance prennent le contrôle de zones, les Talibans se compriment dans celles qu'il leur reste – nous le constatons dans les vallées placées sous la responsabilité des Français. La plupart des tués l'ont été par des engins explosifs improvisés (IED) et non lors d'affrontements réels.

On compte aujourd'hui 125 000 hommes dans l'armée nationale afghane et 106 000 dans la police nationale. Cette montée en puissance est le fruit des formations que nous dispensons avec nos alliés. Ainsi, une première brigade, de 4000 hommes, est arrivée à un certain standard d'autonomie.

Les années 2010 et 2011 seront des années charnières. Parviendrons-nous à atteindre notre objectif de transfert aux forces afghanes ? Et celles-ci seront-elles alors capables de tenir les zones placées sous leur responsabilité ?

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