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Intervention de Georges Tron

Réunion du 13 juillet 2010 à 11h30
Commission des affaires sociales

Georges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique :

Concernant le gel de l'effort financier de l'État au financement du régime de retraite des fonctionnaires, nous nous fondons, monsieur Hénart, sur la convention de calcul établie par le COR. Après avoir mesuré l'écart entre l'année 2000 et l'année 2010, qui est de 15 milliards d'euros, le Conseil a fait une projection jusqu'aux années 2020, estimant que le besoin de financement augmenterait de 5 milliards d'euros entre 2010 et 2020. Les mesures proposées par le projet de loi permettront de rétablir l'équilibre, puisque nous attendons, sur la base des mesures d'âge et des trois mesures ponctuelles, une économie de 4 milliards d'euros en 2018 et de 4,9 milliards d'euros en 2020.

En ce qui concerne la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le redressement est encore plus spectaculaire. Aujourd'hui, elle connaît un solde technique positif de 1,9 milliard d'euros, mais d'après les projections, ses résultats seraient déficitaires à partir de 2015, avec le départ en retraite des fonctionnaires transférés. Le déficit atteindrait même 1,3 milliard d'euros en 2020. Avec les mesures que nous proposons, ce solde resterait positif en 2020, avec un excédent de 2,6 milliards d'euros. Ainsi, non seulement nous gelons la contribution de l'État aux pensions de ses agents, mais nous faisons aussi tout ce qui est nécessaire pour renforcer le bilan de la CNRACL.

Nos propositions, monsieur Muzeau, s'inscrivent dans une recherche de l'équité, en particulier de celle réclamée par nos concitoyens entre le régime du public et le régime du privé. C'est pourquoi, au-delà des mesures d'âge, qui s'appliqueront de manière universelle – sauf pour les régimes spéciaux, qui ne seront concernés qu'à partir du 1er janvier 2017 –, nous avons prévu trois mesures : augmentation du taux de la cotisation salariale, extinction du dispositif de départ anticipé des parents de trois enfants ayant quinze ans de service, modification du minimum garanti.

Pour ce qui est du taux de cotisation, sa progression sera extrêmement lente : l'alignement se fera en dix ans, et il en résultera pour les agents une augmentation de 6 euros en moyenne de leur contribution. En outre, l'examen de la rémunération moyenne des personnes en place entre 2000 et 2010 montre que, quelles que soient les circonstances, cette augmentation sera rapidement absorbée par celle du pouvoir d'achat. En effet, entre 2000 et 2010, lors des trois années – 2000, 2004 et 2006 – où une augmentation du point d'indice égale à celle que nous avons décidée en 2010, soit 0,5, a été appliquée, on a observé une augmentation du pouvoir d'achat dans la fonction publique de respectivement 2,4 %, 1,8 % et 1,7 %. Même en retenant la seule année – 2003 – où il y a eu 0 % d'augmentation du point d'indice, on constaterait malgré tout une augmentation du pouvoir d'achat des fonctionnaires de l'ordre de 1,8 %. D'ailleurs, lors de nos discussions avec les organisations syndicales – qui, évidemment, n'étaient pas favorables à cette mesure –, nous avons posé cette question très simple : pour un montant de pension moyen à peu près similaire dans le public et dans le privé, existe-t-il une raison de maintenir un écart entre les coûts d'acquisition ? Nous sommes convenus que tel n'était pas le cas.

S'agissant du mécanisme de départ anticipé pour les fonctionnaires réunissant les deux conditions – quinze ans de services effectifs et parent de trois enfants –, je rappelle que nous laissons aux familles la possibilité d'en bénéficier jusqu'à la fin de l'année 2011. En outre, l'extinction du dispositif sera progressive : les personnes remplissant les conditions à la date du 1er janvier 2012 conserveront la possibilité de partir après quinze ans de service. Il ne s'agit donc pas d'une mesure particulièrement brutale.

Enfin, en ce qui concerne le minimum garanti, la réforme tend également à établir l'équité. À l'heure actuelle, en effet, les conditions d'obtention du minimum de pension sont très différentes dans le privé et dans le public : il faut le taux plein pour bénéficier du minimum contributif, mais pas pour obtenir le minimum garanti. Cependant, conformément à la promesse que nous avons faite, nous n'alignons pas le montant du minimum garanti sur celui du minimum contributif. Le dispositif reste donc, là encore, assez mesuré.

À partir du moment où nous sommes tous d'accord – je pense en effet que nous pourrions l'être – sur la nécessité de faire converger les régimes du secteur public et du secteur privé, les mesures que nous proposons apparaissent justes et sans excès. Si, cependant, elles vous apparaissent critiquables, monsieur Muzeau, je suis prêt à écouter les propositions que vous pourriez être conduit à faire pour aller vers cette convergence voulue par les Français. C'est justement l'un des sujets sur lesquels nous allons travailler pendant l'été.

On peut toujours penser, monsieur Préel, qu'une réforme systémique était possible, mais nous avons fait le choix d'une réforme paramétrique.

Vous avez évoqué l'harmonisation du calcul de la retraite entre le secteur privé et le secteur public et la prise en compte des primes. Les chiffres fournis par le COR montrent que la pension versée est approximativement du même montant, que son calcul soit effectué en prenant en compte les six derniers mois, comme dans la fonction publique, ou en retenant les vingt-cinq meilleures années, comme dans le privé. Si nous avions constaté des écarts très importants, nous aurions pu choisir la logique de l'alignement – même si les organisations syndicales nous ont signalé à plusieurs reprises qu'elles jugeaient une telle réforme difficile à accepter, car attentatoire au statut de la fonction publique et au code des pensions. Mais dans la mesure où les pensions sont comparables, nous n'avons pas jugé utile de lancer un chantier aussi vaste, d'autant – et vous le soulignez vous-même – que cela supposerait de modifier toutes les règles d'inclusion des primes dans l'assiette de la pension. Alors que la situation est déjà complexe – avec la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), une partie des primes représentant jusqu'à 20 % du traitement indiciaire est incluse dans le dispositif –, il aurait fallu adopter un mode de calcul radicalement différent.

Je rappelle, en outre, qu'il existe plus de 1 800 primes différentes dans la fonction publique de l'État, et que le système de primes est également extraordinairement complexe et divers dans la fonction publique territoriale. Nous souhaitons donc d'abord harmoniser le dispositif général des primes, notamment en introduisant la prime de fonction et de résultats. Celle-ci existe déjà, mais sera généralisée, suite à l'adoption de la loi du 5 juillet dernier relative à la rénovation du dialogue social, dans les filières sociales et techniques de la fonction publique, ainsi que dans la fonction publique territoriale et hospitalière.

Vous avez également suggéré la création d'une caisse de retraites des fonctionnaires. Permettez-moi de poser la question : qu'est-ce qui pourrait justifier une telle option ? En particulier, quel serait l'avantage d'une caisse de retraite par rapport au compte d'affectation spéciale existant ?

Sur le plan de la transparence, l'utilisation d'un compte d'affectation spéciale permet d'obtenir toutes les informations dont on a besoin. En particulier, elle met en exergue l'évolution de la contribution de l'État employeur, qui est aujourd'hui de 62,15 %. Elle permet également de connaître le montant des différentes contributions. Ainsi, l'État versera 35,2 milliards d'euros en 2010 pour équilibrer le régime des pensions. La contribution de 7,85 % versée par les fonctionnaires à leur régime de retraite rapporte 4,6 milliards d'euros ; celle des autres employeurs publics – La Poste et France Télécom –, 5,6 milliards d'euros ; et la compensation interrégime est de l'ordre de 1 milliard d'euros. La seule donnée qui pourrait manquer concerne les frais de gestion, mais ceux-ci sont indiqués dans les documents de la Direction générale des finances publiques. De plus, le compte général de l'État ne se contente pas d'estimer le montant des versements de l'année en cours, mais rend également compte de l'ensemble des droits déjà validés pour les fonctionnaires. En 2010, les engagements de l'État dans son bilan s'élèvent, comme vous le savez, à près de un milliard d'euros. Ainsi, nous pouvons penser qu'en matière d'information, une caisse de retraite n'apporterait rien de plus que le compte d'affectation spéciale.

Par ailleurs, une caisse de retraite serait dotée de la personnalité juridique et d'un conseil d'administration. Or, les organisations syndicales, avec lesquelles j'ai bien entendu ouvert la discussion à la demande d'Éric Woerth, ont prévenu que, dans le cas où une caisse de retraite autonome serait créée, elles ne souhaitaient pas y être directement présentes. Les représentants de l'État auraient donc été les seuls à siéger au conseil d'administration, ce qui serait apparu peu efficace. C'est un argument supplémentaire en faveur du maintien d'un compte d'affectation spéciale.

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