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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 13 juillet 2010 à 11h30
Commission des affaires sociales

Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Mon collègue Georges Tron répondra aux questions ayant trait à la fonction publique.

Monsieur Jacquat, l'assurance veuvage a été prolongée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Nous poursuivrons la politique qui a été menée dans ce sens, en sachant que vous êtes attentif à ce dossier.

La médecine du travail est un point clé de la réforme des retraites. J'avais d'ailleurs envisagé de traiter les deux sujets dans le même texte, mais cela aurait sans doute compliqué les choses. Quoi qu'il en soit, on ne peut parler de retraite ni de pénibilité si l'on ne traite pas des conditions de travail, qui, en France, peuvent encore être considérablement améliorées. Nous rédigerons donc un texte en vue de réformer la médecine du travail. Récemment, j'ai rencontré des médecins dans cette perspective, mais peut-être faudrait-il créer des équipes pluridisciplinaires, comprenant aussi des ergonomes et des psychothérapeutes. Tous les services de médecine du travail n'ont pas évolué au même rythme. À certains endroits, il n'en existe pas du tout. En outre, leur rôle ne doit pas se limiter à organiser des visites médicales. Il faut aussi analyser les postes de travail. Dans ce domaine, on constate beaucoup d'inégalités et une réforme de fond doit être menée. Aujourd'hui, deux médecins du travail sur trois ont plus de cinquante ans. Il y a donc une crise de recrutement à régler. On ne disposera d'aucun outil de traçabilité en matière de pénibilité si l'on ne modernise pas ce secteur.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, l'État ne compense plus les cotisations des auto-entrepreneurs dont l'activité est inférieure à 200 heures de SMIC, ce qui a réduit fortement les charges de compensation de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales. Cependant, nous sommes prêts à aller plus loin sur le sujet.

Beaucoup d'entre vous se sont exprimés sur la question de la pénibilité, qui est un point essentiel de la réforme. Je regrette que certains aient caricaturé notre position. Pour la première fois, nous créons un lien entre la retraite et la pénibilité, qui sera prise en compte à hauteur de 20 %. C'est d'abord aux médecins qu'il reviendra de se prononcer : dès lors qu'ils constateront une usure physique prématurée, en lien avec l'activité professionnelle, il sera possible à l'intéressé de prendre sa retraite plus tôt. Cette mesure s'inscrit dans le cadre bien connu de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, car notre but n'est pas de créer une usine à gaz, mais de partir sur des bases objectives. Cela dit, on peut sans doute aller plus loin.

Certains d'entre vous ont regretté que le texte n'ait pas évolué depuis un mois. Comment s'en étonner ? Conformément à ce qui était prévu, nous avons rencontré tous les partenaires sociaux dans des réunions techniques. À partir de septembre, quand commencera la discussion du texte, des évolutions pourront intervenir, notamment sur la prise en compte de la pénibilité. Les partenaires sociaux ont beaucoup travaillé sur le lien entre l'âge de la retraite et l'usure liée à l'exercice d'un métier. Ils ont détaillé les facteurs d'exposition aux risques. Reste qu'il ne suffit pas de prendre en compte ces données pour le passé, en les intégrant au calcul de la retraite. Il faut prévoir, à l'avenir, des dispositifs de traçabilité plus forts.

Monsieur Jacquat, vous m'avez interrogé sur la situation de ceux qui ont racheté des trimestres avant la réforme. Pour ma part, je suis favorable à ce qu'ils soient remboursés, s'ils ne peuvent en retirer le bénéfice escompté.

Sur le régime social des indépendants et la fusion des régimes complémentaires des artisans et des commerçants, je suis sensible à vos arguments. C'est un sujet que nous examinerons.

La question des polypensionnés est délicate. Une partie du chemin a été faite en 2003. Faut-il aller plus loin ? C'est surtout une question de moyens, puisque nous devons respecter l'équilibre général de la réforme, qui doit être atteint en 2018. Nous verrons à la fin de l'été si nous pouvons aller plus loin.

Monsieur Hénart, vous m'avez interrogé sur les conditions générales du bouclage. Un report de deux ans de l'âge légal de départ en retraite représente 9 milliards d'euros pour la CNAV ; 2,1 milliards d'euros pour la fonction publique d'État ; et 2,3 milliards d'euros pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Par ailleurs, il faudra procéder à un équilibrage des différents régimes. À cette fin, nous avons saisi toutes les caisses et nous vous présenterons à la rentrée une proposition.

Quant à l'affectation des recettes, c'est une question de tuyauterie. La somme, légèrement supérieure à 4 milliards d'euros en 2020, soit 3,7 milliards en 2011, servira intégralement à financer les retraites, mais un partage interviendra entre le Fonds de solidarité vieillesse et la CNAV, afin d'améliorer les résultats de celle-ci et de consolider les financements solidaires qui interviennent au sein du FSV. Ce point devra être précisé, mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter à cet égard.

À l'égard du Fonds de réserve pour les retraites, je ne comprends pas la position des députés socialistes. Ce fonds n'a pas à susciter en eux je ne sais quelle nostalgie. C'est un instrument technique, qui a été créé afin d'absorber une « bosse », c'est-à-dire un surcroît de départs en retraite à partir de 2020. Depuis sa création, une réforme des retraites est intervenue : dès lors que l'âge de départ en retraite est reporté de deux ans, l'effet de bosse est en partie traité.

Par ailleurs, le fonds a accumulé 33 milliards d'euros de réserve, somme inférieure à la totalité des dettes cumulées par la CNAV et le FSV depuis 1999. Tous les pays qui ont créé des fonds de ce type l'ont fait à une époque où ils dégageaient des excédents, dans le but de les utiliser pendant les périodes de déficit. Dès lors que nous avons vingt ans d'avance sur les déficits en points de PIB, il est logique de l'utiliser. Il n'y a pas lieu de parler de hold-up, c'est un débat technique. Si nous n'utilisions pas le fonds de réserve, les déficits accumulés entre 2011 et 2018 seraient financés par la dette, c'est-à-dire qu'ils seraient payés par les générations suivantes, ce qui serait injuste. D'ailleurs, la première personne à avoir effectué une ponction sur le fonds est Mme Martine Aubry, qui, aussitôt après la création de celui-ci, l'a utilisé pour financer les 35 heures !

Quant à la retraite choisie, cette notion existe déjà en France. Il est prévu une date d'entrée dans les droits, et une autre à partir de laquelle on peut exercer ces droits sans décote, quelle que soit la durée de cotisation. Aujourd'hui, ces seuils sont respectivement de 60 et de 65 ans ; à partir de 2018, la retraite sera choisie entre 62 et 67 ans. Si quelqu'un veut continuer à travailler, il bénéficie d'une surcote ; s'il veut partir à 60 ans sans disposer de tous ses trimestres, il subit une décote. Il s'agit donc bien d'une retraite « à la carte », valable pendant une période donnée.

Il est par ailleurs logique qu'une telle période soit fixée. Alors que dans un régime par capitalisation, on peut partir en retraite quand on le veut, dès lors que le contrat le permet, dans un régime par répartition, il est normal que les générations suivantes – dans la mesure où elles paient les pensions – vous donnent, au moment où elles le jugent légitime, l'autorisation de liquider votre retraite. C'est bien sur ce point, que se joue le débat sur la solidarité entre les générations.

Monsieur Muzeau, ce n'est pas parce que le texte ne fait pas l'unanimité, notamment à gauche, qu'il n'y a pas eu de concertation. Celle-ci a duré deux mois et demi, et a donné des résultats intéressants, en matière par exemple de pénibilité, de carrières longues ou d'âge. En revanche, il n'y a eu – la notion est différente – aucune négociation : les partenaires sociaux n'y étaient pas prêts, parce qu'ils refusaient les mesures d'âge. Le Parti socialiste a eu d'ailleurs la même attitude, ce qui est son droit – même si nous pensons qu'il a profondément tort. Quoi qu'il en soit, il est difficile de négocier quoi que ce soit avec des gens qui refusent l'idée selon laquelle la notion d'âge intervient en matière de retraite.

En ce qui concerne l'égalité professionnelle, il est vrai qu'en dépit du grand nombre de textes adoptés, les choses n'ont pas vraiment évolué. Le fait que, à travail et à responsabilités égaux, les femmes soient moins bien payées que les hommes, est un véritable scandale social. L'écart s'est un peu réduit, mais il reste conséquent. J'ai donc l'intention de prendre des mesures fortes sur ce sujet dans les mois qui viennent – mais pas à l'occasion du texte sur les retraites, dans lequel on ne peut pas tout mettre.

Par principe, monsieur Préel, les amendements sont naturellement possibles, et vous n'avez nullement besoin de mon accord pour en déposer.

Pourquoi n'avoir pas fait le choix d'un système par points, ou en comptes notionnels ? Tout d'abord, un tel système ne permet pas de résorber les déficits. Quand on prévoit un déficit de plus de 40 milliards d'euros dans les dix ans à venir, ce n'est pas un changement de système qui peut résoudre le problème. On cite toujours l'exemple des Suédois, mais ceux-ci viennent justement de baisser de 3 % le montant des pensions. C'est leur variable d'ajustement. Il en est de même pour le système allemand, madame Touraine : les 35 années de cotisations en Allemagne ne sont pas équivalentes aux 41 années de cotisations en France, car il n'existe pas là-bas les majorations de durée d'assurance que nous avons ici. On ne peut donc pas faire cette comparaison.

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