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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 13 juillet 2010 à 11h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Je voudrais dire tout d'abord à quel point nous sommes choqués par les propos de ceux qui, comme le Président de la République hier, nous accusent de favoriser un climat délétère dans notre pays pour éviter de débattre de la réforme des retraites. De telles insinuations sont d'autant plus indignes que c'est la majorité qui ne cesse d'osciller entre deux attitudes contradictoires : alors que, fidèle à la stratégie de votre groupe, madame Valérie Rosso-Debord, vous nous reprochez de ne rien proposer, le Président de la République a contesté, hier, le bien-fondé de nos propositions : c'est bien la preuve que nous en avons.

Nous sommes évidemment prêts à une confrontation d'idées et de projets, et il serait légitime que vous y soyez également disposés. Mais, si la majorité aborde ce débat avec l'idée qu'elle seule connaît la bonne solution et que seule la réforme qu'elle propose est à même de résoudre le problème des retraites, nous allons au-devant de débats houleux. Il nous est quand même loisible, monsieur le président, tout en admettant la nécessité d'une réforme, de faire nos propositions et d'avoir notre avis sur les mesures qu'on nous présente. Il est insupportable de vous entendre prétendre que nous ne contribuons pas au débat public.

Il est tout aussi insupportable que vous tentiez de faire accroire à nos concitoyens que les Français vivraient dans je ne sais quel paradis social. Puisque vous citez des exemples étrangers, comparez ce qui est comparable. En France comme dans ces pays, l'âge de la retraite à taux plein est de 65 ans. Dans la plupart de ces pays, la durée de cotisation exigée est de 35 annuités, et non pas de 40 ou 41. Allez donc jusqu'au bout : ayez le courage de dire à nos concitoyens qu'aux termes de votre réforme, le système français sera le plus dur d'Europe. C'est d'ailleurs la teneur des propos de Mme Lagarde devant la presse économique. À l'en croire, les marchés peuvent dormir sur leurs deux oreilles : la France ira plus vite que l'Allemagne ou que le Royaume-Uni.

Vos propositions nous ont d'autant moins convaincus, monsieur le ministre, qu'elles sont strictement identiques à celles que vous aviez présentées il y a quelques semaines : on se demande à quoi aura servi la consultation des organisations syndicales. Il est vrai que le Président de la République nous a assuré qu'aucune opposition ni manifestation ne changerait un iota au fond de la réforme.

Votre projet est à la fois injuste, imprévoyant et inefficace. Il est injuste, parce qu'il fait reposer tout l'effort sur les salariés, en particulier sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont eu une carrière hachée. La prise en compte de la pénibilité, que vous nous proposez, ne peut être considérée comme une avancée sociale : ce n'est rien d'autre que le droit pour les malades ou les invalides d'être reconnus comme tels, et cela existe déjà. Quant au dispositif prévu pour les carrières longues, il faudra, pour en bénéficier, avoir cotisé au moins 43 ans et demi. Autant dire qu'il ne s'agit pas non plus d'une grande avancée sociale.

Votre réforme est également imprévoyante. Comment prétendre qu'elle évitera de transférer la dette aux générations futures, alors que celles-ci seront les premières pénalisées par le hold-up que vous opérez sur le Fonds de réserve pour les retraites ? Avec les mesures que vous nous annoncez et celles que contiendra le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoit l'allongement de la durée de vie de la CADES, le Gouvernement prélève les ressources destinées aux générations futures sans garantir le financement du système après 2018, alors qu'on attend à cette date un choc démographique extrêmement fort.

Enfin, la réforme est inefficace, puisque, par idéologie, par dogmatisme, vous refusez d'opérer des prélèvements sur les revenus du capital ou ceux des plus riches. Ce n'est pas avec des recettes de 4 milliards d'euros, dont deux prélevés sur les revenus d'entreprises, que vous parviendrez à l'équilibre. Par ailleurs, le tiers au moins du financement de la réforme nous est inconnu. C'est pourquoi je relaie la demande de Laurent Hénart : comme lui, je souhaite que vous nous transmettiez un tableau du financement prévu à l'horizon de 2020, voire après cette date, afin de comprendre comment vous gérerez dans la durée le déficit de la CNAV et des caisses de retraites.

Au nom du groupe socialiste, je regrette que le président de la Commission des affaires sociales et le Bureau aient refusé d'ouvrir à la presse nos débats en commission. Cependant, nous abordons la discussion dans un esprit constructif, qui tient non au projet du Gouvernement mais aux préoccupations des Français.

Nous souhaitons une réforme qui s'inscrive dans la durée, à l'horizon de 2025, et qui s'appuie sur un financement équilibré, ce qui suppose une mise à contribution significative des revenus du capital. Nous souhaitons aussi une réforme qui, sans faire l'impasse sur le travail ni sur l'emploi des seniors, propose des mesures raisonnables, comme l'allongement de la durée de cotisation et l'incitation, pour ceux qui le peuvent et qui le souhaitent, à travailler plus longtemps. C'est ce que nous appelons la retraite choisie. Là où la droite impose, les socialistes entendent privilégier la liberté de choix et l'incitation.

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