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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 30 juin 2010 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, Rapporteur général :

Je partage tout à fait votre analyse. Je citerai un autre exemple : à la suite de l'arrêt Persche, rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, une entreprise française payant ses impôts en France peut bénéficier d'une réduction d'impôt en France au titre d'un don fait, par exemple, à un club de football de Lisbonne. Il faut donc faire très attention.

Il est effectivement beaucoup plus difficile d'évaluer l'efficacité d'une dépense fiscale que celle d'un crédit budgétaire.

Vous avez très bien perçu l'évolution de l'utilisation du plafonnement global dans l'avenir qui vise à définir un seuil de défiscalisation acceptable au regard des revenus dont dispose le contribuable. Depuis une quinzaine d'années, on a, en effet, perdu de vue la fonction première de l'impôt, qui est, au sens de la Déclaration des droits de l'homme, de couvrir les charges communes. L'image du couteau suisse que vous avez utilisée convient parfaitement, et tout cela mérite une réflexion de fond.

Deuxième sujet traité dans le rapport : le crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt, dont nous pouvons commencer à dresser un bilan.

L'application de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, rencontre plusieurs problèmes.

Premièrement, le crédit d'impôt n'est pas considéré comme un apport personnel ou un revenu. Les établissements publics n'en tiennent pas compte pour octroyer les prêts. Comme il est perçu avec un décalage – quatre ou cinq ans après l'acquisition du logement –, l'acquéreur a beaucoup de mal à mesurer son impact.

Il est vrai qu'en prenant à sa charge une fraction des intérêts, l'État redonne du revenu disponible au propriétaire et lui procure une petite bouffée d'oxygène. Mais, alors que la mesure était présentée au départ comme devant favoriser l'accession à la propriété, elle s'assimile0, en fait, à une mesure de pouvoir d'achat. Pourtant, ce que nous voulons vraiment favoriser, c'est l'accession à la propriété.

Deuxièmement, le dispositif est d'autant plus efficace que le montant des intérêts est élevé. Et ces derniers sont d'autant plus importants que le prix du logement est haut ou que le remboursement du prêt comporte un maximum d'intérêts au début, si bien que plus de 20 % des bénéficiaires du crédit d'impôt appartiennent aux 10 % des foyers fiscaux disposant du revenu fiscal de référence (RFR) le plus élevé.

Dans mon rapport relatif à la loi de finances de cette année, j'ai dressé un tableau indiquant l'évolution en fonction du revenu fiscal d'une part du prêt à taux zéro (PTZ) et, d'autre part, du crédit d'impôt TEPA pour les ménages bénéficiant d'un PTZ. La comparaison des deux courbes est intéressante : on y voit que le PTZ joue d'autant plus que le RFR est moins élevé, alors que c'est l'inverse pour le crédit d'impôt TEPA, et que les deux courbes se croisent donc en leur centre.

Nous devons revenir à l'idée de base du dispositif TEPA, à savoir donner à tous les Français un petit coup de pouce pour leur permettre d'accéder à la propriété : un gros effort était consenti en faveur du locatif social ; le PTZ avait été mis en place, sous condition de ressources ; on a cherché à créer un dispositif universel.

Or le contexte économique et budgétaire d'aujourd'hui n'étant plus celui de 2007, nous sommes conduits à revoir ce dispositif, d'autant que les coûts sont en train d'évoluer d'une manière exponentielle : ils sont passés de 900 millions d'euros en 2008 à 1 milliard en 2009 et à 1,5 milliard en 2010, et le dispositif atteindra son régime de croisière en 2013 avec un coût se situant entre 2,7 et 3 milliards. Par comparaison, le PTZ se monte à 900 millions en 2010 et à 1,1 milliard en 2011 après impôts, et l'épargne logement, à 1,8 milliard (dont 600 millions de dépense fiscale).

Pour ouvrir le débat, Michel Piron, membre de la Commission des affaires économiques, et moi-même avons déposé, lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010, un amendement « créatif », par lequel nous proposions de remplacer le dispositif TEPA par une sorte de PTZ bis : l'État prendrait à sa charge, non plus une fraction des intérêts versés par les propriétaires au titre des cinq années suivant l'acquisition de leur résidence principale, mais le montant des intérêts non versés par le ménage emprunteur au titre d'un prêt à taux zéro qui viendrait s'ajouter au PTZ, et qui compterait dans le plan de financement.

Notre proposition a rencontré un certain succès, ce qui prouve qu'il est faux de dire que le Parlement n'est pas écouté. Encore faut-il qu'il fasse des propositions. Quand il étudie les sujets en amont, comme cela a été le cas pour le crédit d'impôt TEPA et le plafonnement global, et comme cela a été fait sur le crédit d'impôt recherche et l'enseignement français à l'étranger par la MEC, qui est venue nous présenter ses travaux aujourd'hui, ses propositions sont prises en compte.

Le ministre du logement s'est saisi de l'idée et a travaillé sur le sujet. Un dispositif devrait être proposé dans le projet de loi de finances pour 2011. Nous pourrons alors procéder à des ajustements car plusieurs pistes méritent d'être étudiées : restreindre le dispositif à la primo-accession ; mettre le dispositif sous condition de ressources à des niveaux plus élevés que le PTZ actuel et affecter l'économie ainsi dégagée à la revalorisation des montants du PTZ ; revaloriser le PTZ actuel tout en maintenant un dispositif universel ciblé sur le neuf.

Les curseurs ne sont pas fixés, mais les bases de la réforme ont été posées par le Parlement, par le biais de l'amendement que nous avons déposé au mois de novembre dernier.

Nous sommes obligés d'agir. En effet, même si nous mettons fin au crédit d'impôt TEPA au 31 décembre 2010, comme il se déroule sur cinq ans, son coût restera à 2 milliards d'euros en 2011 et 2012. La mise en place d'un nouveau dispositif risque d'entraîner un petit surcoût que nous cherchons à traiter. Le ministère doit nous faire des propositions à ce sujet, lesquelles font actuellement l'objet d'arbitrages.

Le crédit d'impôt TEPA est d'application très large puisque le nombre de nouveaux bénéficiaires s'est élevé à 594 000 en 2009.

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