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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 30 juin 2010 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, Rapporteur général :

Si j'ai choisi de faire le bilan, dans mon rapport d'information sur l'application de la loi fiscale, des trois réformes fiscales que vous avez citées, monsieur le président, c'est dans la perspective des débats budgétaires de l'automne. Je me réjouis, à cet égard, que la MEC ait présenté devant la commission des Finances, ce matin, son rapport sur le crédit d'impôt-recherche et, il y a un instant, celui sur l'enseignement français à l'étranger : ils se révéleront très utiles lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, au cours duquel devront être évaluées et recalibrées un certain nombre de dépenses fiscales.

Comme chaque année, mon rapport comporte, en seconde partie, une analyse des conditions juridiques d'application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances.

Les trois sujets traités dans la première partie de mon rapport sont tout à fait d'actualité.

Concernant le premier, le plafonnement global des niches fiscales, il me paraît important de souligner qu'il a été proposé, non pas par le Gouvernement, mais par le Parlement : ce dispositif a été introduit dans la loi de finances pour 2009 par le biais d'un amendement de la commission des Finances, qu'elle avait adopté à l'unanimité, et est le fruit d'un travail réalisé au sein d'une mission réunie spécialement sur le sujet.

Nos propositions comportaient trois étages.

Usant de notre pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, Didier Migaud et moi-même nous étions fait communiquer par Bercy, à l'automne 2008, des études très précises sur la défiscalisation au titre de l'impôt sur le revenu. Les résultats avaient été édifiants : non seulement des contribuables pouvaient défiscaliser près d'un million d'euros en recourant à un seul dispositif, mais encore ils pouvaient se loger dans plusieurs niches – on en compte quelque 250 sur l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, certaines niches étaient des réductions d'impôt tandis que d'autres fonctionnaient en mesures d'assiette, avec imputation de déficits sur le revenu imposable. C'est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel avait annulé notre première tentative de plafonnement global de 2006 : il avait déclaré le dispositif illisible car il aurait obligé le contribuable qui aurait souhaité connaître l'effet du plafonnement à reconstituer les montants d'économies d'impôt issues de dispositifs qui diminuaient l'assiette imposable.

Ces trois constats nous ont conduits, premièrement, à plafonner les quatre niches qui ne l'étaient pas – les deux dispositifs outre-mer, le dispositif Malraux et le dispositif concernant les meublés professionnels –, deuxièmement, à transformer certaines niches en réductions d'impôts et, troisièmement, à proposer un plafonnement global.

Si le Gouvernement était d'accord pour plafonner des niches qui ne l'étaient pas et pour transformer certaines d'entre elles en réductions d'impôt, il ne l'était pas du tout pour le plafonnement global de celles-ci. Or, à eux seuls, les aménagements des niches les plus coûteuses ne permettaient pas de mettre fin aux situations d'optimisation fiscale excessive et nous avons fait valoir qu'il était également nécessaire d'introduire un plafonnement global des niches fiscales pour éviter que les contribuables les plus aisés ne s'exonèrent du paiement de tout impôt.

Il m'a paru utile de rappeler l'historique de cette disposition car il sera important de l'avoir en tête lorsque nous examinerons de nouveau la question des niches fiscales en vue d'en réduire certaines, voire de les supprimer.

Dans la loi de finances pour 2009, le plafonnement global des niches fiscales a été établi à 25 000 euros plus 10 % du revenu imposable. Ce montant et ce taux peuvent paraître élevés mais, comme le plafonnement global ne peut pas, en toute logique, être inférieur au plafond d'une niche particulière, il a été fixé au regard du niveau de plafonnement des niches fiscales les plus avantageuses, qui sont celles concernant les investissements productifs neufs en outre-mer régis par l'article 199 undecies B du code général des impôts. Un travail approfondi a été réalisé sur la question à l'initiative de Gaël Yanno, qui a abouti à la fixation du plafond global que je viens d'indiquer.

Celui-ci s'est appliqué à l'imposition des revenus de 2009, sans rétroactivité sur ceux de 2008 car cela aurait modifié l'équilibre économique des investissements réalisés.

Nous ne disposons pas de données précises aujourd'hui. Il faudra attendre l'exploitation des déclarations de revenus de 2009 pour disposer d'une analyse fine des effets du plafonnement global.

La somme de 22 millions d'euros, que j'entends citer par nombre de collègues, de tous bords, n'a aucun sens. Elle repose sur des projections fondées sur les investissements des contribuables ayant ouvert droit à réduction d'impôt sur le revenu au titre des revenus de 2007, donc à une époque où il n'était pas question de plafonnement global.

En pratique, le champ des contribuables concernés est appelé à être nul du fait de l'existence d'un plafond global. Un contribuable qui continuera à défiscaliser à l'excès au point de dépasser le plafond fixé aura une démarche irrationnelle. Il y aura certainement encore de tels contribuables, mais l'objectif du plafonnement global est justement d'obliger les contribuables à changer de comportement et à s'autolimiter.

Il est donc absurde d'espérer un rendement budgétaire du plafonnement global, et encore plus de le qualifier d'inefficace s'il rapporte peu. Il est censé inciter à réduire le recours aux niches pour, par suite, se traduire par une limitation du coût pour l'État.

Il constitue un outil très intéressant dans la mesure où on peut le faire évoluer, ce que nos collègues sénateurs ont fait puisque, dans la loi de finances pour 2010, il a été abaissé respectivement à 20 000 euros plus 8 % du revenu imposable.

Pourquoi avoir adjoint un pourcentage à un montant forfaitaire ? Pour permettre à de très gros revenus d'investir dans des dispositions faisant l'objet d'incitations fiscales. Si, dans chaque niche, il y a un chien qui mord, le mot « niche » ne doit pas pour autant être considéré comme péjoratif. Les dépenses fiscales que représentent les niches ne doivent pas faire oublier leur intérêt économique.

Il faudra probablement encore faire évoluer cet instrument que nous nous sommes donné. C'est un point que nous aurons à examiner à la rentrée mais nous n'aurons peut-être pas un recul suffisant quant à son application. Au regard du « coup de rabot », peut-être faudra-t-il revoir ce plafonnement à nouveau à la baisse.

Lors de notre tentative de mise en place d'un plafond global en 2006, qui s'est soldée par une annulation par le Conseil constitutionnel, le gouvernement de l'époque avait suggéré d'établir une distinction entre les avantages fiscaux « subis », c'est-à-dire ceux attribués en raison de situations subies, comme le handicap, et les avantages fiscaux « choisis », résultant de décisions d'investissement ou du recours à certaines prestations.

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