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Intervention de Laurence Dumont

Réunion du 30 juin 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Je félicite la rapporteure Bérengère Poletti ainsi que l'ensemble des membres de la mission pour l'excellent travail accompli, qui facilitera la compréhension du fonctionnement et du financement du secteur médico-social.

Cette mission a été créée à la demande des députés socialistes. Cinq ans après la mise en place effective de la CNSA, nous nous devions de faire toute la lumière sur la nature et l'utilisation des excédents budgétaires de la caisse, dont le montant s'élève à près de 2 milliards d'euros depuis sa création. Nous devions aussi éclairer la Représentation nationale sur le débasage opéré par le Gouvernement, à savoir le reversement d'une partie des excédents budgétaires de la CNSA à l'Assurance maladie, qui contrevient au principe de sanctuarisation des crédits de la caisse inscrit dans la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Ces excédents budgétaires résultent essentiellement de la sous-consommation des dotations destinées aux établissements et services pour personnes âgées. Les députés du groupe socialiste, radical et citoyen ainsi que les professionnels et les associations du secteur avaient dénoncé à plusieurs reprises ce phénomène, qui est incompréhensible lorsque l'on connaît l'importance des besoins de financement non satisfaits sur le terrain.

Le rapport d'information présente de façon claire et précise le fonctionnement et le financement, pourtant très complexes, du secteur médico-social et de la CNSA. Les constats dressés par la mission révèlent des dysfonctionnements en matière de gouvernance, d'absence de suivi réel des engagements, de rigidité comptable et de complexité extrême des circuits de financement. Je n'oublierai jamais l'audition d'un responsable éminent, qui a expliqué doctement que la CNSA avait pour mission de distribuer 18 milliards d'euros, mais pas de suivre et contrôler leur destination exacte. Cette situation est intolérable lorsque l'on se soucie de l'utilisation des fonds publics et il convient dès lors d'avancer des propositions pour remédier à cette situation, comme cela a été excellemment fait dans ce rapport.

Il faut cependant reconnaître qu'en l'espace de cinq ans, la CNSA est devenue un acteur incontournable dans le domaine de la dépendance ; il y a un constat unanime sur ce point. Pour ne pas entretenir inutilement le suspense, je précise de suite que les députés du groupe socialiste, radical et citoyen, membres de la mission, ont voté en faveur de ce rapport dans la mesure où, à leur demande, sa première proposition exige la fin du débasage et le respect de la loi du 30 juin 2004. Le groupe SRC avait déjà défendu cette position lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Je souhaite rappeler le contexte de la création de la CNSA. En juin 2004, le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin avait affirmé que le rôle principal de la CNSA serait de garantir l'affectation des ressources issues de la journée de solidarité, une journée de travail supplémentaire non rémunérée imposée aux seuls salariés, sans concertation et contre l'avis de beaucoup à l'époque dont les députés socialistes. La loi du 30 juin 2004 a cependant été votée en urgence suite à la canicule de l'été 2003 dont le bilan – il faut le rappeler – a été de 15 000 victimes.

Certaines personnalités évoquent pourtant aujourd'hui l'idée d'instaurer une deuxième journée de solidarité. Je pense par exemple à M. Philippe Bas, qui a publié un article en ce sens dans Le Monde en août dernier, ou à Hervé Mariton, qui a mentionné cette idée lors de l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, la semaine dernière. Plutôt que d'instituer une seconde journée de solidarité, il me semble clairement plus urgent de s'inquiéter de la réelle sanctuarisation des fonds de la caisse : par précaution, les députés socialistes tiennent donc à affirmer leur totale opposition à la création d'une deuxième journée de solidarité. Il ne saurait être question de faire de nouveau appel à la seule solidarité des salariés. En revanche, il convient de prendre rapidement les mesures d'urgence correctrices qui ont été parfaitement identifiées par cette mission, et de réaffirmer la sanctuarisation des fonds.

Plusieurs rapports établis depuis la mise en place de la CNSA ont identifié les causes de la sous-consommation de ses crédits. Le dernier en date, celui des inspections générales des affaires sociales et des finances sur la consommation des crédits de la caisse, a été publié en mars 2010, alors que nous l'avions réclamé dès le mois de janvier. Les travaux des deux inspections ont d'ailleurs servi de fondement au débasage décidé par le Gouvernement l'année dernière.

Le rapport de la mission d'information intervient à un moment charnière. Premièrement, la convention d'objectifs et de gestion entre la CNSA et l'État est en cours de renégociation. Deuxièmement, les agences régionales de santé, chargées de coordonner la politique sanitaire et médico-sociale, ont été créées le 1er avril dernier. Or, chaque agence n'a pas intégré de la même manière le secteur médico-social, ce qui soulève des inquiétudes. Troisièmement, un projet de loi sur la mise en place d'un cinquième risque – dans lequel la CNSA devrait jouer un rôle majeur – a été annoncé pour la fin de l'année. Malheureusement, il semble qu'il soit désormais envisagé de fonder la couverture de ce risque essentiellement sur un système d'assurance privée et je m'interroge sur la part dévolue au débat parlementaire lorsque l'on constate que les arbitrages essentiels sur la création de ce risque semblent déjà avoir été pris. Quatrièmement, la crise économique et sociale que traverse notre pays a un impact direct sur les ressources de la CNSA qui a enregistré cette année un résultat déficitaire. Enfin, la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a commencé et il serait très utile que les propositions de la mission d'information soient prises en compte. Dans ce contexte, les préconisations du rapport peuvent et doivent être rapidement mises en oeuvre.

Je souhaite revenir sur le reversement des excédents budgétaires de la CNSA vers l'Assurance maladie, une pratique qui doit être bannie à l'avenir. L'année dernière, en effet, une partie des excédents budgétaires de la CNSA a été reversée à l'Assurance maladie, ce qui a d'ailleurs entraîné une situation de crise au sein de son conseil et démontré la nécessité de faire le point sur la journée de solidarité et la CNSA, six ans après leur création.

Je tiens à préciser que je n'ai jamais parlé de « détournement » – terme qui suppose une intention frauduleuse – concernant ces excédents. Toutefois, si la lettre de la loi a peut-être été respectée, son esprit a été violé : les textes imposent en effet le report des excédents budgétaires de la CNSA sur le budget de l'année suivante. La rectification en cours d'année de l'ONDAM médico-social, pour diminuer le montant de la contribution de l'Assurance maladie au budget de la CNSA, a sérieusement écorné le principe de sanctuarisation des crédits. En effet, il ne reste simplement plus d'excédents budgétaires à reporter en fin de l'année, puisqu'ils ont été déjà reversés.

Les causes de la sous-consommation identifiées par la mission ne font pas état d'une enveloppe trop importante, mais de dysfonctionnements de nature à en empêcher la consommation. En d'autres termes, il n'y a pas trop d'argent mais des problèmes de gestion, de suivi et de gouvernance. En tout état de cause, ces crédits doivent demeurer dans le budget de la CNSA.

Les propositions de la mission d'information doivent être mises en oeuvre dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous nous félicitons que le principe de la sanctuarisation des crédits de la CNSA ait été adopté, à notre initiative, comme recommandation centrale parmi les conclusions de la mission. C'était la condition posée à notre soutien au rapport. Néanmoins, je regrette qu'il n'ait pas été préconisé une interdiction de tout débasage, et qu'ait été retenue une formulation molle : « Éviter à l'avenir tout débasage ».

Une fois réaffirmé ce principe essentiel, la refonte de l'approche budgétaire et la mise en oeuvre d'un système d'information sont les deux éléments majeurs à mettre en oeuvre pour éviter la sous-consommation des crédits.

Nous souscrivons aussi à la proposition de centraliser tous les moyens financiers dévolus aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) auprès de la CNSA et de maintenir le caractère obligatoire du plan personnalisé de compensation du handicap, qui avait été remis en question lors de l'examen de la proposition de loi de simplification et d'amélioration du droit déposée par M. Jean-Luc Warsmann.

Encore une fois, nous approuvons vivement la réaffirmation du principe de sanctuarisation des fonds. La mission d'information a accompli un grand travail. Il nous faut maintenant être vigilants pour que les propositions du rapport soient prises en compte dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et que le Gouvernement s'engage à respecter la première préconisation.

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