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Intervention de Michel Vauzelle

Réunion du 30 juin 2010 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vauzelle, rapporteur :

La France et le royaume de Bahreïn, qui a remplacé l'Etat de Bahreïn, ont signé, en 1993, une convention permettant d'éviter les doubles impositions. Jusqu'à présent, ce texte ne comportait pas de stipulations relatives aux échanges d'information entre les administrations fiscales des deux pays.

Le présent avenant vise à porter la convention fiscale de 1993 aux standards internationaux dans le domaine précis de la coopération administrative.

Notre commission a déjà eu à se prononcer sur de nombreux textes aux intentions comparables. Quand aucune convention fiscale ne lie notre pays avec un autre, des accords spécifiques à l'échange d'informations ont été signés.

En revanche, si une telle convention existe, la France privilégie l'ajout d'un article plutôt que la signature d'un accord différent. C'est ainsi que notre pays a signé un avenant à sa convention fiscale avec le Qatar, et négocie une modification du traité fiscal signé avec l'Arabie Saoudite allant dans ce sens.

C'est également de cette manière que la France a procédé avec Bahreïn.

Bahreïn correspond, sur de nombreux points, à la définition, certes non académique mais facile à appréhender, d'un paradis fiscal. En l'absence de ressources pétrolières ou gazières, les autorités ont délibérément choisi d'attirer coûte que coûte les capitaux étrangers, et ont développé à l'extrême les services financiers, suscitant des interrogations quant à la possibilité de contrôler les flux transitant par le royaume.

Bahreïn est sorti de la liste des paradis fiscaux créée par l'OCDE en 2000, et de la liste « grise » des territoires n'appliquant pas pleinement les standards internationaux en matière de transparence et d'échanges d'information. Mais, plusieurs pratiques subsistent qui laissent songeur.

Ainsi, le royaume de Bahreïn pratique le secret bancaire. Les obligations de publicité sont extrêmement faibles en matière de comptes des sociétés, de composition de leur capital ou de l'identité de leurs propriétaires, de répartition des bénéfices. Il n'y a pas d'impôt sur le revenu.

Forte de ces mesures favorisant considérablement l'opacité, et d'une politique fiscale agressive, la place de Manama, capitale de Bahreïn, s'est imposée comme l'un sinon le tout premier pôle financier de la péninsule arabe. Elle devance aujourd'hui ses concurrents directs, pourtant plus connus, que sont Abou Dabi et Dubaï.

Comme à chaque fois que nous l'interrogeons sur ce point, l'administration fiscale française est incapable de nous donner une estimation des actifs français qui seraient placés à Bahreïn à des fins d'évasion fiscale. On peut toutefois imaginer que les montants, et donc les pertes fiscales pour notre pays, sont potentiellement importants.

En effet, Bahreïn, capitale financière de sa région, compte environ 400 banques et institutions financières implantées dans le royaume. De plus, de par sa spécialisation dans la finance islamique, la place de Manama a plutôt mieux résisté que d'autres au cataclysme financier de 2008. Bahreïn est devenu, pour les grands réseaux bancaires français, la tête de pont de toutes leurs activités dans la région.

Ces éléments soulignent à quel point la France a intérêt à développer les échanges d'information avec Bahreïn. C'est d'ailleurs l'objet du présent projet de loi.

L'avenant est parfaitement conforme aux standards de l'OCDE en matière de transparence et d'échanges de renseignements fiscaux. Il prévoit ainsi l'obligation de transmettre les renseignements « vraisemblablement pertinents » pour l'application de la législation fiscale d'une des parties, et interdit formellement d'opposer, pour justifier un éventuel refus par la partie requise, les arguments traditionnellement soulevés dans ce type de situations, notamment le secret bancaire.

Les possibilités ouvertes par le nouvel article qui serait inséré dans la convention fiscale en cas d'approbation de l'avenant sont donc très positives.

Toutefois, seule une détermination sans faille de notre pays permettra d'obtenir des résultats probants. La pression internationale, censée s'exercer au sein du forum global de l'OCDE pour la transparence, reste à ce jour quelque peu limitée.

Il faudra attendre la fin de cette année pour que la législation bahreïnie fasse l'objet d'une analyse détaillée par les autres membres du forum. Surtout, la première évaluation du caractère effectif de la coopération des autorités bahreïnies dans le domaine fiscal n'interviendra qu'au début de l'année 2013, selon le calendrier fixé par l'OCDE.

D'ici là, on peut craindre que la volonté internationale ne faiblisse, l'actualité portant sans cesse sur le devant de la scène de nouvelles crises et de nouveaux sujets d'action. Déjà, le sommet du G20 de Toronto n'a pas retenu la lutte contre les paradis fiscaux parmi ses quatre principaux thèmes de travail.

Ce n'est pas par la pression des pairs que notre pays fera respecter sa législation fiscale, mais par des actes et des efforts continus.

Attendre des paradis fiscaux qu'ils se réforment d'eux-mêmes révèle, plus que de la naïveté, une profonde incompréhension de ce phénomène. Les paradis fiscaux établissent leur législation interne dans le but d'organiser la fraude. Le royaume de Bahreïn, est à cet égard un élément exceptionnel d'opacité dans un système économique mondial déjà fort complexe.

Dans ce cas, comme dans les autres, la France est seule responsable de la lutte contre l'évasion fiscale. Nous, parlementaires, devons rester vigilants, et rappeler constamment au Gouvernement que la survivance des paradis fiscaux est une perte sèche pour nos finances publiques. Ce n'est qu'à cette condition que la mise en oeuvre de cet avenant à la convention fiscale franco-bahreïnie pourra être un franc succès.

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