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Intervention de Béatrice Pavy

Réunion du 30 juin 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Pavy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde agricole n'est pas épargné par la crise économique conjoncturelle qui sévit, les agriculteurs voient s'effondrer leurs revenus et perdent également peu à peu leur dignité. Si leur situation est souvent incomprise du grand public, qui a tendance à stigmatiser une profession à qui il reproche de vivre sur les aides de l'Europe, soulignons le sentiment de manque de considération ressenti par cette profession qui, rappelons-le, paie un lourd tribut en termes de suicides, tant la détresse est profonde. Longtemps évoquée comme un phénomène urbain, la précarité n'épargne ni le milieu rural ni la population agricole, sur le plan économique comme sur le plan social. La précarité peut certes passer plus inaperçue à la campagne, mais on y compte plus de 26 % de ménages pauvres, la consommation des agriculteurs est inférieure de 20 % en moyenne à celle des autres actifs et les minima sociaux, notamment l'allocation du fonds de solidarité vieillesse, y sont plus distribués qu'ailleurs.

Face à une perte globale de compétitivité de l'ensemble des filières françaises par rapport à celles des autres pays d'Europe, et alors que des différences notables existent entre les différentes professions, tant au niveau des productions que de leur commercialisation et des revenus qu'elles génèrent, face à un monde agricole qui s'est transformé au cours des vingt dernières années et qui est aujourd'hui confronté à une crise structurelle profonde, nous sommes amenés à moderniser la loi afin de donner aux agriculteurs les moyens de relever les défis de demain.

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche vise à assurer la pérennité de ces deux secteurs et a notamment pour objectif de stabiliser le revenu des agriculteurs, tout en renforçant la compétitivité de l'agriculture française face à un marché ouvert sur le monde.

Rappelons tout d'abord que l'agriculture n'a pas échappé à la logique globale de développement de l'économie. Cette même logique a entraîné une concentration des exploitations et une amélioration des hauts revenus, qui restent cependant en faible nombre. Dans le même temps, les petits revenus subsistent, et représentent plus de 40 % de l'ensemble. L'enjeu d'un tel projet de loi réside donc dans la nécessité de rééquilibrer durablement l'agriculture française afin d'éviter les clivages au sein même de la profession tout en assurant aux agriculteurs un niveau de vie rémunérateur de leur travail. Là où les crises sectorielles se succèdent et s'ajoutent les unes aux autres depuis quelques années, c'est, pour l'avenir, un véritable capital-confiance qu'il faut redonner aux agriculteurs, et plus largement au monde agricole.

Alors que les producteurs laitiers, étranglés par la baisse des prix, ont exprimé leur désarroi lors des grèves du lait au dernier trimestre 2009, le revenu moyen des agriculteurs avait déjà baissé de 20 % en 2008, avant de chuter de 34 % en 2009. Malgré le plan d'urgence lancé par le Gouvernement, leur situation reste des plus précaires.

Je pense aussi à la situation des arboriculteurs, dont ceux du Val-de-Loir, dans ma circonscription sarthoise, qui emploient tout de même plus de 2 000 personnes : elle est tout aussi préoccupante, avec des variations brutales de prix et une concurrence forte des pays de l'hémisphère sud, qui n'ont pas les mêmes contraintes sociales, sanitaires et environnementales. Nous ne pourrons pas à terme nous dispenser d'une réflexion sur une taxation spécifique appliquée aux productions qui ne répondent pas aux mêmes exigences qu'en France.

Pour protéger l'agriculture de ces fluctuations erratiques, le projet de loi fait du contrat écrit la base des relations commerciales entre producteurs et acheteurs. Il doit permettre à l'agriculteur de connaître à l'avance les volumes de livraison et les prix, réajustant ainsi le rapport de forces entre les producteurs et la grande distribution. Toutefois, l'engagement de modération des marges signé récemment à l'Élysée ne concerne que la relation distributeurs-consommateurs. S'il est souhaitable que les agriculteurs puissent anticiper d'éventuels retournements du marché, dans une optique plus large de construction de filières durables et de moralisation du commerce, encore faut-il que les contrats fixent des prix justes.

De plus, la définition de la crise conjoncturelle, qui figure déjà dans le code rural, doit être adaptée pour prendre en compte les coûts de production, et non plus un prix de vente particulier par rapport à une moyenne de prix de vente qui ne peut être qu'inexorablement faible. Cette modification permettrait précisément de soutenir les producteurs de produits périssables, tels le lait, les fruits, les légumes, ou encore les champignons, filière souvent oubliée et qui souffre de la concurrence polonaise, notamment du cours du zloty.

Pour renforcer la compétitivité et mieux peser face à la grande distribution, la solution la plus pérenne semble la fusion d'organisations de producteurs. Or, dans la filière des fruits et légumes, seule une exploitation sur deux adhère à l'une des 285 organisations de producteurs, ce qui fragilise grandement les négociations avec les centrales d'achat. Ce sont bien les interprofessions qu'il faut renforcer afin de rendre possible le dialogue et la prise de décision entre tous les acteurs d'un secteur. Il ne faut plus de filières insuffisamment structurées, prises au dépourvu lors des crises.

Par ailleurs, si la suppression des remises, rabais et ristournes dont les distributeurs bénéficient pour l'achat de fruits et de légumes constitue une véritable avancée, le cadre juridique commun à tous les producteurs de frais, qui interdit la vente à perte tout en tolérant la revente à perte, doit être révisé.

Enfin, je souhaite évoquer un dernier point : les missions d'accompagnement à l'installation des jeunes agriculteurs et la transmission d'entreprises agricoles. Je voudrais être assurée que le transfert de compétence dans certains départements entre les ADASEA – les associations ou organismes départementaux pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles – et les chambres d'agriculture sera accompagné du transfert intégral des financements, et que les évolutions se feront de façon progressive, en concertation, et dans le respect de l'entité « jeunes agriculteurs ».

Certes, le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche propose des avancées significatives pour doter la France de moyens lui permettant de faire face à la compétitivité et à la concurrence internationales, mais n'oublions pas que l'avenir des agriculteurs dépend aussi de la politique agricole européenne. À cet égard, je salue à mon tour votre travail, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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