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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 28 juin 2010 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur :

Parmi les différences d'approche que l'on peut relever entre l'Assemblée nationale et le Sénat, l'une des plus importantes concerne la façon de travailler. Le choix que nous avons fait de constituer une commission spéciale pour étudier cette proposition de loi n'est en effet pas neutre – nos collègues sénateurs, eux, ont préféré confier le texte à la Commission des lois. Je suis persuadé que la constitution d'une commission spéciale au Sénat aurait conduit, comme à l'Assemblée, à porter sur le sujet un regard multiple. Cela doit être pour nous une leçon, et il serait sans doute souhaitable que cette façon de procéder s'applique plus systématiquement aux sujets situés à la frontière des compétences des commissions permanentes.

M. Goldberg a évoqué la question du titre de la proposition de loi. Quand François Pillet, rapporteur au Sénat, m'a consulté sur l'opportunité de le modifier, j'ai indiqué que la référence aux femmes était un point sur lequel je n'accepterais pas de revenir. En effet, même si nos travaux nous ont conduits à nous intéresser plus particulièrement aux violences au sein du couple, je n'oublie pas que notre point de départ était la lutte contre les violences de genre. Et c'est pourquoi, dans le titre retenu par le Sénat, les virgules prennent tout leur sens : « Proposition de loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ». Ainsi, l'intitulé met en exergue notre intention initiale, tient compte du fait que le texte s'applique également aux violences pouvant être commises sur les hommes, et indique que certaines dispositions du texte concernent les enfants. On peut peut-être faire certains reproches aux sénateurs, mais certainement pas celui d'avoir négligé la volonté du Parlement de traiter spécifiquement la question des violences de genre.

En ce qui concerne la position que le Gouvernement sera conduit à prendre en séance publique, les nombreux contacts que j'ai entretenus avec les différents ministres, leurs collaborateurs ainsi que les personnes chargées du travail interministériel à Matignon me permettent de clarifier les choses. Certes, au Sénat, le Gouvernement n'a pu obtenir satisfaction sur un sujet particulier, mais il sait en effet que le dépôt d'un amendement pourrait finalement conduire à ce que le texte se perde dans les sables, chacun rejetant sur les autres la responsabilité de la situation. C'est ce que nous voulons absolument éviter. Il approuve donc notre volonté de mener cette proposition de loi à son terme en adoptant sans modification le texte transmis par le Sénat.

Comme l'a noté Mme Billard, une grande partie des dispositions de cette proposition de loi sont bâties à partir des réflexions suscitées par la mise en oeuvre de la loi de 2006. Nous devons nous donner les moyens de vérifier que la future loi sera bien mise en oeuvre dans les délais prévus, que les dispositions de nature réglementaire nécessaires à leur application seront prises et que les politiques publiques indispensables l'accompagneront. Dès lors se pose la question de la pérennité de la suite de nos travaux. En effet, dans les mois suivant l'adoption d'une loi, les commissions permanentes mettent généralement en place un binôme constitué d'un député de la majorité et d'un député de l'opposition pour effectuer le suivi de son application. Serons-nous en mesure de le faire dès lors que la commission spéciale n'aura plus de raisons d'exister ? Faudra-t-il passer par le Comité d'évaluation et de contrôle, dont la mission est justement d'évaluer l'application des politiques transversales ? S'agissant d'un texte aussi important, cette dernière formule ne me semblerait pas mauvaise.

J'en viens maintenant aux grandes lignes du texte tel qu'il nous revient du Sénat. Au préalable, je dois rappeler qu'aucune des grandes avancées portées par le texte initial n'a été remise en cause par la Haute assemblée. C'est par exemple le cas de l'ordonnance de protection. L'idée circulait que nous étions allés trop loin en donnant au juge aux affaires familiales la possibilité de prendre, dans le cadre de l'ordonnance de protection, des dispositions de nature pénale. Mais le choix du juge aux affaires familiales n'était pas de notre fait. On nous a simplement fait observer qu'il ne serait pas pertinent de confier au juge chargé des victimes le travail conduisant à l'ordonnance de protection. C'est en effet le bon sens. La garantie nous avait donc été donnée que les attributions du juge aux affaires familiales seraient modifiées de façon à lui permettre d'appliquer toutes les dispositions, y compris de nature pénale, relevant de l'ordonnance de protection.

De même, le délit de violence psychologique a été maintenu, en dépit des interrogations qu'il suscitait auprès de nos collègues sénateurs. J'avais indiqué, au nom de la commission spéciale, que je n'accepterais pas de voir son existence remise en cause. Sa création est donc acquise : on pourra peut-être aller encore plus loin, mais je n'imagine pas que l'on puisse revenir en arrière dans ce domaine.

S'agissant de l'encadrement de la médiation pénale, nous avions adopté une première rédaction modifiée par un amendement, adopté contre mon avis par notre Assemblée. Le Sénat a souhaité revenir à la rédaction initiale. Je peux vous assurer que dans leur rédaction actuelle, les dispositions proposées sont nécessaires et suffisantes pour assurer la protection des femmes victimes de violences dans le cas d'un recours à la médiation pénale.

Nous avions par ailleurs pris des dispositions pour que les femmes amenées à révéler certains faits dans le cadre d'une procédure destinée à obtenir une ordonnance de protection ne puissent être accusées de dénonciation calomnieuse si leur bonne foi est avérée. Nos collègues sénateurs ont consolidé ce principe fondamental.

De même, nous avions pris des dispositions très fortes de façon à permettre aux femmes en situation irrégulière, victimes de violences, d'accéder à l'aide juridictionnelle et de bénéficier d'une stabilisation provisoire de leur situation administrative. Les sénateurs ne les ont pas remises en cause, bien au contraire.

Un amendement du Gouvernement, présenté par Mme Morano, avait prévu la possibilité d'instituer une surveillance électronique mobile pour faits de violence au sein du couple et la mise en place d'un dispositif expérimental de téléprotection. Ces dispositions sont conservées, au moins dans leur principe. Toutefois, je trouve dommage que cette question ait fait l'objet d'une incompréhension entre le Sénat et le Gouvernement. Nous avions prévu que le dispositif de bracelet électronique pourrait être applicable dès lors que la peine encourue serait de plus de cinq ans. Nos collègues sénateurs, puristes du droit, soucieux d'éviter tout risque constitutionnel, ont souhaité pour leur part que l'on parlât non de peine encourue, mais de peine effectivement prononcée.

Un accord aurait pu être trouvé autour d'une peine effectivement prononcée, quelle que soit la peine encourue, d'au moins deux ans de prison, sursis inclus. Cela n'a finalement pas été le cas. Je le regrette, car c'est indispensable au dispositif tel que je l'ai vu fonctionner en Espagne. Il ne faudrait pas que cela soit mal compris par nos concitoyens.

En ce qui concerne la prévention, toutes les dispositions que nous avions prises en matière tant de formation, notamment en milieu scolaire – même si l'article 40 nous a privés de mesures que le Gouvernement n'avait pas contestées –, que de médias, grâce à Martine Billard, et de logement, y compris les amendements relatifs au logement des étudiantes, se retrouvent dans le texte issu du Sénat.

Bien sûr, il y a des désaccords. Je continue à regretter, par exemple, que les sénateurs aient supprimé la définition de l'intérêt de l'enfant, à l'article 371-1 du code civil, ou les dispositions adoptées relatives au droit de visite et d'hébergement. Ils ont fait état de ce qu'elles étaient satisfaites par la législation actuelle, dans le cadre du pouvoir d'appréciation du juge. Certes, mais cela reste à la discrétion du juge. Par ailleurs, nos collègues sénateurs ont modifié l'intitulé de la loi en considérant que si les violences, en particulier au sein du couple, touchaient à 90 % des femmes, il fallait aussi faire mention des hommes concernés. Nous n'avions pas dit le contraire. J'en prends acte, mais j'insiste solennellement sur l'importance de tout faire pour privilégier les violences de genre, c'est-à-dire les violences faites aux femmes du fait qu'elles sont des femmes.

Le Sénat a aussi apporté des améliorations au texte. Ainsi, il a autorisé le placement en rétention dès lors qu'il existerait une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne concernée a manqué à ses obligations. Il en est de même à propos de l'extension du suivi socio-judiciaire aux personnes reconnues coupables de menaces à l'encontre de leur conjoint, ainsi que du visa de retour automatiquement délivré aux femmes victimes de violences à l'étranger.

Pour conclure, je vois un verre aux trois quarts plein, le dernier quart étant celui des regrets, mais l'équilibre général de nos travaux s'y retrouve. Personne ne souhaite une navette et si, pour répondre à M. Goldberg, nous nous trouvons dans une seringue, ce n'est pas du fait du Gouvernement, mais de notre propre ambition. Il avait été difficile de faire inscrire le texte à l'ordre du jour du 25 février, dernière séance avant les élections régionales. Nous l'avons obtenu, et évité que le texte ne fasse partie d'une journée réservée aux groupes. C'était important. Et maintenant, ce texte si important nous revient du Sénat avant la date butoir du 30 juin que nous avions fixée. Certes, c'est une contrainte, mais nécessaire pour aller jusqu'au bout de notre démarche. Et, au risque de surprendre Mme Marie-George Buffet, je reprends pour une fois à mon compte cette formule cent fois entendue : ce n'est qu'un début !

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