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Intervention de Alain Marleix

Réunion du 23 juin 2010 à 11h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Alain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales :

Un peu plus de trois ans après le vote de la loi sur la fonction publique territoriale, ce bilan d'étape me semble intervenir à un bon moment. Nous disposons en effet de suffisamment de recul pour juger des premiers résultats.

À ce titre, permettez-moi d'adresser mes remerciements aux deux rapporteurs, pour la qualité de leur travail. Soyez assurés que j'y prête un grand intérêt et que, bien entendu, j'en tiendrai compte.

La loi du 19 février 2007 a profondément modernisé la fonction publique territoriale, tant en matière de formation qu'en matière d'organisation institutionnelle. Elle a rénové un grand nombre de dispositifs spécifiques en vue de simplifier les procédures.

Comme le rapport de MM. Piron et Derosier le souligne, le vaste chantier réglementaire qui a suivi cette loi est quasiment achevé. Une vingtaine de décrets d'application ont été publiés, sans compter la modification d'une vingtaine de décrets statutaires induite par la loi. S'agissant des trois décrets qui ne sont pas encore publiés, relatifs aux DGS des mairies d'arrondissement de la ville de Paris, à la protection sociale complémentaire et au remboursement de frais d'avocat, le retard tient au fait que nous sommes tributaires d'autres acteurs.

Mais si le chantier réglementaire touche à sa fin, les changements insufflés par la loi ne se sont pas encore tous concrétisés dans les pratiques, comme votre rapport le souligne. Au-delà de la réglementation, certaines ambitions impliquent une évolution des habitudes –qui se fait lentement, dans la fonction publique comme dans le secteur privé d'ailleurs. Je pense à la validation des acquis de l'expérience, ou encore à la promotion de la parité au sein de l'encadrement supérieur des collectivités territoriales. Je suis déterminé à accélérer ces mutations, y compris si cela implique de compléter certaines dispositions de la loi.

J'en viens, un peu plus dans le détail, au bilan de l'application de la loi de 2007.

Son volet le plus remarquable est sans doute la réforme de la formation professionnelle, dont elle a recentré le dispositif. Le législateur a fait le constat que le modèle traditionnel de formation initiale dans la fonction publique avait vécu. Autrefois, les agents entraient dans la fonction publique avec peu de diplômes, et la formation initiale en faisait des salariés plus qualifiés que la moyenne. Avec le temps, ce qui était un modèle a perdu de sa pertinence : les moyens les plus importants étaient paradoxalement affectés à la formation des agents de catégorie A, désormais surdiplômés, et les agents de catégorie C ne recevaient, pour la plupart, pas du tout de formation initiale, alors qu'ils représentent près de 75 % des agents territoriaux. En outre, après un gros effort au moment de la formation initiale, rien n'était prévu pour adapter la qualification des fonctionnaires aux évolutions technologiques et organisationnelles.

La loi a procédé à une révision complète du dispositif. D'une part, elle a réduit la formation initiale, désormais baptisée formation d'intégration, à cinq jours et l'a étendue aux agents de catégorie C. D'autre part, elle prévoit des formations de professionnalisation tout au long de la carrière et renforce les droits des agents en matière de formation, avec la création ou l'amélioration de plusieurs dispositifs – droit individuel à la formation, droit à congé pour validation des acquis de l'expérience, droit au congé pour bilan de compétences.

L'équilibre entre formation initiale et formation continue est désormais satisfaisant. Certaines organisations syndicales ont regretté que la formation initiale soit trop courte pour les catégories A et B, notamment par rapport aux formations des fonctionnaires de l'État. Je pense pour ma part qu'il faut sortir d'une forme de fétichisme de la formation initiale, qui serait le marqueur du niveau des différents corps ou cadres d'emplois. Cette vision est dépassée, et l'État a également commencé à réduire la durée de ses formations initiales. C'est plutôt la fonction publique territoriale qui a pris de l'avance en la matière.

La question qui se pose à présent est celle de la mise en oeuvre de ces dispositifs. Votre rapport fait le constat, que je partage, que la mise en marche est lente, malgré les efforts incontestables du CNFPT.

Les agents ne sont pas toujours informés par leur collectivité des modalités de formation, qui relèvent pourtant largement de leur initiative. J'interviendrai auprès du CNFPT, dont je salue le président Deluga ici présent, pour que l'effort d'information ne soit pas relâché et que le nombre d'agents profitant des nouveaux dispositifs de formation progresse rapidement.

Vous soulignez également que le congé pour validation des acquis de l'expérience professionnelle ne permet pas de couvrir l'intégralité de la démarche. Celle-ci, souvent longue, n'a pas vocation à se dérouler entièrement sur le temps de travail. En revanche, je conviens que la validation des expériences ne doit pas se transformer en une formation « bis », mais bien valider les compétences déjà acquises. Les dispositions réglementaires relatives à la VAE des auxiliaires de puériculture ont d'ailleurs été récemment fortement allégées.

J'en viens à l'organisation institutionnelle de la fonction publique territoriale.

À ce sujet, je veux tout d'abord revenir sur le rôle du collège employeurs du CSFPT, dont je salue le président Derosier.

Je partage tout à fait votre souhait que les employeurs territoriaux s'affirment davantage en amont des décisions. Le Gouvernement a d'ailleurs consulté à cinq reprises le collège employeurs depuis la loi du 19 février 2007. Depuis que j'exerce mes fonctions, le collège employeurs a été consulté ou informé à plusieurs reprises, à ma demande – sur des mesures salariales, incluant notamment la réforme de la catégorie B, sur les modalités de transposition de la prime de fonctions et de résultats, sur la réforme de la catégorie A, sur les mesures relatives à l'encadrement supérieur.

De même, à l'instigation de mon collègue Éric Woerth, le collège employeurs du CSFPT a participé aux réunions de négociations, avant d'être signataire fin 2009, de l'accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique.

Je souhaite poursuivre dans cette voie. Je soumettrai au collège employeurs, début septembre, des projets de décrets relatifs à l'encadrement supérieur des collectivités territoriales, en amont du CSFPT, de façon à pouvoir, le cas échéant, amender les textes avant leur finalisation.

Cependant, il est difficile de demander à cette instance de délibérer sur un texte, alors que les négociations en cours avec les syndicats peuvent nécessiter de le faire évoluer. C'est la raison pour laquelle des réunions informelles ont lieu régulièrement avec les grandes associations représentatives des élus. J'ai tenu à ce qu'un représentant du collège employeurs soit invité à ces réunions. Mes collègues Éric Woerth et Georges Tron font de même pour les sujets communs aux trois fonctions publiques.

Dans ce cadre, il faudrait sans doute renforcer la possibilité pour le collège employeurs de désigner formellement un mandataire parmi ses élus, qui aurait le pouvoir de négocier. Je suis prêt à y travailler avec vous.

Parallèlement, il me semble nécessaire de renforcer les liens entre le collège employeurs et les grandes associations représentatives des élus. En effet le Gouvernement ne peut ignorer la position des associations d'élus sur des sujets qui engagent parfois lourdement les finances des collectivités territoriales. Or ces associations ne se sentent pas toujours complètement engagées par l'avis de leurs représentants au CSFPT. Une meilleure coordination entre le collège employeurs et les associations d'élus permettrait au collège employeurs de devenir le lieu de débat entre élus et de faire émerger une position commune aux diverses catégories de collectivités locales.

Par ailleurs, la loi sur la réforme du dialogue social dans la fonction publique devrait permettre au collège employeurs de s'affirmer davantage. En effet le vote par collèges conduira à mieux distinguer sa position de celle des représentants du personnel. De même, la présence de représentants des employeurs territoriaux, dont le président du CSFPT, au sein du Conseil commun de la fonction publique renforcera leur implication sur les dossiers communs aux trois fonctions publiques.

S'agissant toujours des questions institutionnelles, l'organisation des centres de gestion reste un sujet d'actualité.

La mise en oeuvre des dispositions de la loi relatives à ces centres a été particulièrement complexe. Il était prévu que les centres de gestion coordonnateurs et le CNFPT règlent entre eux les conditions de transfert, sur la base d'une convention-type. L'État ne devait intervenir qu'en cas de défaillance de cette procédure.

Malheureusement, le CNFPT et les centres de gestion n'ont pas pu s'entendre. Les négociations nationales n'aboutissant pas, j'ai demandé, avec l'accord des parties, à un magistrat de la Cour des Comptes, M. Capdeboscq, un rapport d'évaluation des montants financiers devant faire l'objet d'une compensation.

Malgré cette base de travail, le CNFPT et les centres de gestion n'ont signé aucune convention locale, si bien que le Gouvernement a dû décider par décret des modalités de transfert.

L'évolution ultérieure des montants financiers est déjà prévue par les décrets, puisque ceux-ci fixent la compensation des compétences transférées en pourcentage – 1 % – de la cotisation au CNFPT. Par conséquent, cette compensation évoluera annuellement parallèlement à la masse salariale globale. Dans ce cadre, il n'y a pas lieu de prévoir une clause de revoyure financière.

Vous évoquez par ailleurs la possibilité pour les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale, y compris celles qui sont affiliées à un centre de gestion, de transférer la gestion des commissions administratives paritaires à l'EPCI. Un amendement au projet de loi de réforme des collectivités territoriales vient d'ailleurs d'être voté à l'Assemblée nationale en ce sens.

Je suis ouvert à une réflexion sur ce sujet. En effet les centres de gestion ont été créés à l'origine pour mutualiser un certain nombre de missions, mais certaines missions opérationnelles pourraient à présent être gérées plus près du terrain. Cependant il ne faut pas précipiter les choses car la réforme issue de la loi de 2007 n'est pas encore complètement mise en oeuvre et il ne faut pas fragiliser les centres de gestion. Il me semble donc préférable d'envisager le sujet de façon globale et sans précipitation, en donnant le temps aux centres de gestion de se recentrer sur des missions d'intérêt commun dont l'échelle dépasse le niveau intercommunal. Le lien avec les collectivités non affiliées aurait, dans ce cadre, vocation à être repensé.

Vous revenez également sur le sujet du centre national de coordination des centres de gestion, dont le Sénat n'avait pas souhaité la création. Depuis la loi s'est fait jour, au sein de la Fédération nationale des centres de gestion, le souhait de certains présidents de créer une structure parallèle, sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP). Je n'ai pas avalisé la création de ce GIP, parce qu'une telle division dans la représentation des centres de gestion me semblait préjudiciable. Aujourd'hui les centres de gestion semblent d'ailleurs se rassembler à nouveau autour de la Fédération. Je pense qu'il est sage, dans un premier temps, de parachever la mise en oeuvre de la loi de 2007, notamment pour ce qui concerne les centres coordonnateurs, et de réfléchir à l'évolution des missions des centres de gestion, avant d'envisager de nouvelles structures nationales.

Je terminerai en évoquant les autres dispositions de la loi sur la fonction publique territoriale.

Les décrets sur la protection sociale complémentaire devraient pouvoir être présentés rapidement au CSFPT. Je comprends votre impatience et je la partage. Parce qu'il a été décidé de mettre au point un dispositif spécifique à la fonction publique territoriale, la Commission européenne a multiplié ses exigences, qui ont conduit à revoir le dispositif. Les projets de textes sont à présents stabilisés et ont fait l'objet d'une validation interministérielle. Les responsables de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) se rendent à Bruxelles le 7 juillet pour une ultime présentation avant la notification officielle et, je l'espère, une consultation du CSFPT en octobre.

La situation des agents non titulaires fera l'objet d'un projet de loi à la fin de l'année. Il convient de préserver un équilibre entre, d'une part, les légitimes aspirations des non titulaires qui exercent leurs fonctions dans les administrations et, d'autre part, la préservation du recrutement de personnels statutaires comme règle de droit commun. Une concertation s'est ouverte avec les employeurs et les organisations syndicales, sous la direction de mon collègue Georges Tron, sur les thèmes suivants : cas de recours au contrat ; conditions de renouvellement des contrats ; conditions d'accès à un emploi de titulaire ; conditions d'emploi des agents non titulaires. Cette concertation conduira éventuellement à réexaminer la question de la mobilité des agents titulaires de CDI.

Je renouvelle mes remerciements aux rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui permettra d'améliorer la mise en oeuvre de la loi du 19 février 2007 et d'enrichir le débat sur les évolutions futures de la fonction publique territoriale, tant dans l'intérêt des collectivités territoriales que dans celui des agents.

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