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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 23 juin 2010 à 11h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier, co-rapporteur :

La loi du 19 février 2007 n'a apporté que des changements limités. Des inquiétudes et des incertitudes demeurent. Ce rapport d'application vise à les mettre en évidence, afin que le Gouvernement prenne éventuellement des dispositions.

En ce qui concerne la formation professionnelle, notre collègue Michel Piron a exposé l'ensemble des nouveaux droits ouverts aux agents territoriaux. Je voudrais quant à moi évoquer certains défauts du dispositif actuel.

Le législateur avait souhaité que le plan de formation élaboré par chaque collectivité ait un caractère annuel ou pluriannuel. Or les petites collectivités sont encore nombreuses à ne pas élaborer ce plan de formation, qui est pourtant la base à partir de laquelle doit se développer le droit individuel à la formation.

Quant à la validation des acquis de l'expérience, le décret du 26 décembre 2007 permet d'accorder un congé de 24 heures de service pour sa préparation ; mais certaines VAE exigeant une formation complémentaire longue, notamment dans le champ médico-social, se pose la question des moyens dont dispose l'agent pour trouver le temps nécessaire. L'ajout des heures dont il peut bénéficier au titre du DIF peut ne pas suffire.

Enfin, le DIF est un droit correspondant à 20 heures par an, cumulable dans la limite de 120 heures. Mais si le décret d'application exige une information périodique sur le niveau des droits acquis par l'agent, il ne précise pas la périodicité de cette information. Le pouvoir réglementaire devrait pouvoir remédier à cette lacune.

En ce qui concerne, en deuxième lieu, les aspects institutionnels, je partage le constat de M. Piron sur le caractère insatisfaisant du déroulement des transferts de compétences entre le Centre national de la fonction publique territoriale – dont je salue ici le président – et les centres de gestion, ainsi que sur les insuffisances de la coordination régionale et nationale de ces centres. Cependant je n'en tire pas les mêmes conclusions que lui – ce qui n'est pas étonnant car nous avions eu des divergences lors du débat sur le projet de loi. Il me semble que la logique d'incitation des centres de gestion à se coordonner a montré ses limites.

Dans le projet de loi initial, il était prévu de créer un centre national de coordination des centres de gestion. Cet établissement public administratif aurait été chargé de la gestion des agents de catégorie A et de la coordination de l'action des centres de gestion pour les autres catégories. L'existence d'une structure nationale aurait permis de mieux encadrer les modalités de gestion des agents sur l'ensemble du territoire et de favoriser la mutualisation des actions des centres de gestion. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), lorsqu'il avait été consulté sur le projet, s'était déclaré favorable à cette disposition.

Par ailleurs, je voudrais faire part de l'insatisfaction des membres du collège employeurs du CSFPT sur les conditions dans lesquelles ce collège est consulté. Il devait en effet être associé aux décisions du Gouvernement en matière salariale et, éventuellement, sur toute autre question relative à l'emploi public territorial. Or son rôle est resté mineur. Il a été réuni environ deux fois an, sur des questions telles que l'évolution du point d'indice, la garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA), la monétisation des comptes épargne-temps, l'action sociale, les régimes indemnitaires ou encore la réforme de certaines catégories. Mais ces réunions ne peuvent pas être dénommées « consultations » car elles se sont limitées à une présentation, par les représentants de l'État, de mesures déjà décidées et préalablement discutées avec les organisations syndicales, sans véritable échange avec les représentants des collectivités territoriales.

Le calendrier de transfert des concours pose également problème. Les centres de gestion ne sont devenus compétents en matière de concours qu'à partir du 1er janvier 2010 et n'ont donc pas pu, avant cette date, commencer à prendre des mesures d'organisation telles que l'ouverture des concours. En conséquence, aucun concours n'a pu se dérouler dans les premiers mois de l'année 2010. Ce report aura des conséquences dommageables pour les candidats comme pour les collectivités territoriales désirant recruter.

J'observe par ailleurs que plusieurs tâches de gestion des agents territoriaux peuvent désormais être confiées aux EPCI plutôt qu'aux centres de gestion. La loi du 19 février 2007 permet à des communes et à l'EPCI dont elles sont membres de gérer eux-mêmes leur comité technique ; et le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit de leur permettre de gérer leur propre commission administrative paritaire. Cela pourrait avoir comme conséquence de réduire les responsabilités des centres de gestion et, en définitive, de remettre en cause le principe de mutualisation à l'échelon départemental, voire régional.

En troisième lieu, je constate les ambiguïtés persistantes sur la question des agents non titulaires sous contrats à durée indéterminée.

Comme l'a indiqué notre collègue Piron, cette loi tend à les transformer en « quasi-fonctionnaires » en calquant leur déroulement de carrière sur celui de la fonction publique. Or la règle est que les emplois permanents doivent être occupés par des fonctionnaires, le recours aux contractuels étant réservé aux besoins ponctuels ou très spécifiques des collectivités.

On peut donc se demander si l'on ne se dirige pas vers la constitution d'une fonction publique bis, composée d'agents qui ne seraient pas recrutés dans les conditions égalitaires du concours et qui ne bénéficieraient ni des mêmes garanties que les fonctionnaires, ni des dispositions du code du travail. Une clarification s'impose. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas donné suite au rapport que notre collègue Bertrand Pancher et moi-même avions présenté en juillet 2008 sur l'application de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique – et qui comportait diverses préconisations visant à mieux encadrer l'emploi des contractuels à durée indéterminée et à atténuer la précarité de leur situation. Un engagement avait pourtant été pris à l'époque par le secrétaire d'État en charge de la fonction publique, M. Santini.

Par ailleurs, si la loi du 19 février 2007 a consacré le principe d'une contribution des collectivités territoriales au financement des prestations d'action sociale au bénéfice de leurs agents, je regrette que beaucoup de communes n'aient pas délibéré pour déterminer ces actions et que tous les agents territoriaux ne puissent pas bénéficier d'une action sociale.

Enfin, je tiens à signaler que le retard pris pour l'adoption du décret permettant la participation des employeurs territoriaux au financement de la protection sociale complémentaire est particulièrement dommageable. Très attendue par les agents, cette mesure est restée longtemps suspendue aux négociations avec la Commission européenne pour trouver un système d'aides publiques qui ne soit pas contraire au droit de l'Union ; cette difficulté ayant été levée en 2007 pour la fonction publique de l'État, l'État a lancé cette année-là des appels d'offres auprès d'organismes mutualistes pour les fonctionnaires de l'État. Le retard pris pour l'application de ce dispositif à la fonction publique territoriale est donc difficilement compréhensible par les agents.

Tels sont les compléments que je tenais à apporter aux propos de mon collègue Piron, avec lesquels je suis, pour le reste, parfaitement d'accord.

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