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Intervention de Michel Piron

Réunion du 23 juin 2010 à 11h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron, rapporteur et Bernard Derosier :

La loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale, que je rapportais en 2007 au nom de la commission des lois, avait fait l'objet d'un relatif consensus, y compris entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Elle a modifié de nombreux pans du droit de cette fonction publique, notamment en matière de formation, d'institutions et de gestion des agents.

En premier lieu, elle a effectué une réforme complète de la formation professionnelle.

La publication des décrets d'application, entre décembre 2007 et août 2008, a permis une entrée en vigueur des principales dispositions au cours de l'année 2008.

Le droit individuel à la formation (DIF), entré en vigueur en février 2008, mais qui a permis d'acquérir des droits à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 19 février 2007, offre aux agents territoriaux 20 heures de formation par an. Il peut être capitalisé, dans la limite de 120 heures, et l'agent est à l'initiative des formations.

La formation d'intégration a été généralisée à l'ensemble des agents territoriaux, y compris les agents de catégorie C, à compter du 1er juillet 2008. Ainsi, près de 48 000 agents de catégorie C sont concernés par cette formation nouvelle chaque année. La durée de formation d'intégration retenue pour la plupart des cadres d'emplois, quelle que soit leur catégorie, est de cinq jours.

La formation de professionnalisation a été redéfinie et précisée pour les différents cadres d'emploi.

Le congé pour bilan de compétences, de même que le congé pour validation des acquis de l'expérience (VAE), sont entrés en vigueur à compter de janvier 2008 et permettent aux agents d'obtenir un congé rémunéré, correspondant au maximum à 24 heures de service, pour effectuer un bilan de compétence – une fois tous les dix ans –, ou acquérir un diplôme validant leur expérience professionnelle.

Enfin, le livret individuel de formation, qui a dû être délivré à chaque agent territorial au plus tard le 1er mars 2009, doit désormais accompagner chaque agent tout au long de sa carrière.

Les agents doivent maintenant s'approprier ces différents dispositifs, destinés à développer la culture de la formation continue au sein des collectivités territoriales et à promouvoir parmi eux une démarche volontaire. Passer d'une formation hyper-réglementée à une formation plus souple et à la demande de l'agent suppose une évolution des comportements qui, constatons-le, n'en est qu'à ses débuts.

En deuxième lieu, la loi du 19 février 2007 a prévu une réforme des institutions de la fonction publique territoriale. Cette réforme consistait principalement à recentrer le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, sur sa mission de formation. Ses autres missions, notamment en matière d'organisation de concours, de gestion des carrières ou de prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d'emploi, ont été transférées aux centres de gestion.

Ces transferts de compétences ne se sont pas déroulés de manière très satisfaisante. La négociation entre le CNFPT et les centres de gestion sur les modalités de compensation financière n'a pu aboutir, ce qui a obligé le Gouvernement à fixer d'office le montant de cette compensation, après un audit confié à un conseiller maître honoraire de la Cour des comptes. L'impasse de la négociation a eu pour conséquence, bien entendu, que le calendrier des transferts a pris du retard par rapport aux prévisions initiales. J'ajoute que les négociations ultérieures relatives aux transferts des agents du CNFPT responsables des missions transférées n'ont guère plus abouti. En règle générale, les centres de gestion ont refusé de reprendre les agents du CNFPT, au sein duquel ils ont donc dû être reclassés. Je ne suis pas sûr que c'était la solution la plus efficace.

Un autre pan de la réforme institutionnelle consistait à créer une coordination régionale et nationale des centres de gestion, notamment pour faciliter l'exercice des compétences qui leur étaient transférées. Là aussi, l'application est plutôt décevante.

La coordination régionale s'est mise en place avec retard par rapport au calendrier fixé par la loi, mais tous les centres de gestion ont pu finalement signer une charte désignant un centre de gestion coordonnateur au niveau régional. On peut regretter que seules quatre régions aient décidé un regroupement interrégional, dans le « Grand Est », alors que cela permet de réaliser des économies d'échelle indiscutables, notamment pour l'organisation des concours. En outre, la Fédération nationale des centres de gestion nous a fait part de nombreuses dissensions entre les centres de gestion et leur centre coordonnateur, avec, parfois, l'organisation de « concours dissidents » par certains départements.

La coordination nationale, quant à elle, est globalement restée lettre morte. La loi avait institué une conférence nationale des centres de gestion coordonnateurs, qui devait se réunir au moins une fois par an. Une réunion d'installation a eu lieu en février 2008, mais n'a été suivie d'aucune autre, notamment parce que plusieurs centres de gestion coordonnateurs ont refusé d'y participer.

Ce constat conduit à s'interroger sur la pertinence de l'échelon départemental des centres de gestion. Bien que de nombreux centres, notamment en zone rurale, rencontrent de grandes difficultés pour financer leurs missions, la coordination au niveau régional ou interrégional reste très limitée. Cela conforte également la position du Parlement qui, en 2007, avait jugé que la création d'un centre national en plus des centres de gestion départementaux engendrerait plus de confusion que de coordination.

En troisième lieu, la loi du 19 février 2007 prévoyait diverses mesures tendant à faciliter la gestion des agents territoriaux. La grande majorité de ces mesures n'a pas posé de problèmes d'application particuliers. C'est le cas, par exemple, de la prise en compte de l'expérience professionnelle dans les concours, de la régulation des mutations pendant les trois premières années de la carrière, de l'abaissement des seuils permettant de créer des emplois fonctionnels, de l'assouplissement du recrutement par contrat de secrétaires de mairie ou d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), de l'intégration des emplois spécifiques de catégorie A, du remplacement des quotas d'avancement par des ratios promuspromouvables ou de la conservation du régime indemnitaire antérieur en cas de transferts de services entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Nous avons cependant un problème avec les dispositions réglementaires concernant les contractuels à durée indéterminée. Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat comme l'Assemblée nationale avaient refusé d'autoriser la mise à disposition des agents contractuels, en indiquant explicitement que celle-ci était autorisée uniquement dans le cadre de mutualisations de services entre communes et EPCI. La position des deux rapporteurs, Mme Gourault au Sénat et moi-même, était que les agents contractuels ne doivent pas devenir des quasi-fonctionnaires. Si un agent contractuel souhaite aller travailler dans une autre collectivité, il doit s'y faire embaucher, et non être mis à disposition par sa collectivité d'origine avec le droit de revenir quand il le souhaite. Ce n'est pas aux collectivités territoriales d'organiser la mobilité de leurs agents contractuels. Le Gouvernement n'ayant pas eu gain de cause sur ce point, il a eu recours à un moyen détourné : il a créé un « congé de mobilité » qui ressemble très fortement à une mise à disposition. Ce congé permet, comme la mise à disposition, d'être employé par une autre personne publique pendant une durée de trois ans, renouvelable une fois. Quoi qu'on pense, sur le fond, de cette mesure, il n'est pas très plaisant que le vote du Parlement soit contourné de cette manière.

Enfin, plus de trois ans après la publication de la loi, quelques décrets d'application n'ont toujours pas été publiés. Il s'agit notamment du décret relatif à la protection sociale complémentaire des agents, qui permet aux collectivités territoriales de participer au financement de contrats de protection sociale complémentaire. Nous espérons qu'il pourra être publié dans les plus brefs délais, car il s'agit d'une mesure importante.

Manquent encore, également, le décret portant sur le statut des directeurs généraux des services (DGS) des mairies d'arrondissement de Paris, ainsi que le décret plafonnant le montant de la prise en charge des honoraires d'avocat de l'ordonnateur en cas d'examen de sa gestion par la chambre régionale des comptes. Selon les informations qui nous ont été communiquées, le premier devrait être publié prochainement et a déjà été soumis au Conseil d'État. Le deuxième, en revanche, ne semble pas être en cours de rédaction. Certes la disposition en cause, qui résultait d'un amendement sénatorial, n'avait pas de rapport avec la fonction publique territoriale, mais ce n'est pas une raison pour ne pas publier le décret – en l'absence duquel une collectivité territoriale peut être amenée à rembourser la totalité des honoraires d'avocat d'un ancien élu, sans plafond. Le plafonnement est un garde-fou indispensable.

Pour conclure, l'application de la loi du 19 février 2007 est satisfaisante, malgré quelques retards imputables à des causes diverses – y compris aux échelons territoriaux. Il reste encore aux agents comme aux employeurs territoriaux à se saisir pleinement des nouvelles possibilités ouvertes par cette loi pour faciliter la gestion des ressources humaines et améliorer le déroulement de carrière des agents.

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