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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 23 juin 2010 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Aussi bien le rapport de la Cour des comptes que les estimations de la Commission européenne et d'autres institutions montrent que le déficit de la France se partage de manière dramatique : deux tiers de déficit structurel, un tiers de déficit conjoncturel. Sur les 7,5 points de PIB de déficit, 1,5 point est dû à la conjoncture – et, disant cela, je prends presque l'hypothèse haute, la Cour des comptes retenant une fourchette de 1,1 à 1,6 point – et 1 point à l'effort de relance. On peut donc attribuer, en tout, 2,5 points de déficit à la crise. Les 5 autres points relèvent d'un déficit structurel. Il s'explique par le fait que la France a abordé la crise avec un déficit structurel déjà excessif puisque proche de 4 %, qu'elle a continué d'aggraver de près d'un point de 2008 à 2009. La Cour des comptes évalue à 0,6 point de déficit l'effet de la baisse des prélèvements intervenue en 2009, baisse qui a contribué à l'augmentation du déficit structurel ; elle évoque aussi de 0,3 à 0,6 point dû à la croissance des dépenses publiques.

Notre pays se trouve donc affligé d'un déficit structurel considérable. La France et l'Allemagne présentaient toutes deux un déficit excessif en 2005. Celui de l'Allemagne était alors un peu supérieur au nôtre, mais elle l'a ramené à zéro en 2008 cependant que la France laissait son déficit dériver, si bien qu'en 2009 le déficit de l'Allemagne est de 3,3 points quand le nôtre s'établit à 7,5 points. Cet écart s'explique à la fois par les politiques économiques antérieures à la crise et par celles qui ont été suivies depuis son déclenchement. Avec un déficit de 3,3 points, l'Allemagne a connu une augmentation de son déficit en 2009 du même ordre que la nôtre avec une récession beaucoup plus forte. En fait, l'aggravation du déficit français est du même ordre que celle constatée dans les pays européens qui ont le plus souffert de la crise, tels que l'Irlande ou l'Espagne. Cela rejoint les observations de la Cour des comptes, selon lesquelles le déficit de 2009 incorpore une augmentation du déficit structurel. C'est cela qui, outre le montant du déficit, est inquiétant.

La norme de croissance des dépenses n'a pas non plus été respectée ; certes l'écart n'est pas considérable, mais elle s'est établie, la Cour le dit, à 0,4 en valeur et à 0,3 en volume pour l'État stricto sensu.

On constate une perte de recettes due à l'allégement des prélèvements obligatoires, perte qui se retrouve dans le déficit structurel. Autant dire que le pays est dans une situation budgétaire extrêmement difficile – et je continue à dire qu'il s'y est mis. Nous saurions gérer un déficit conjoncturel de 2,5 points, dont un point de relance et 1,5 point de perte de recettes. Si la France avait abordé la crise dans des conditions normales, en ayant mis à profit le cycle de croissance mondiale exceptionnelle de 5 % qui a caractérisé les années 2002-2008, nous n'en serions pas là. Certes, ce taux de croissance n'était pas celui de l'Europe, mais l'Europe a fait un peu mieux que la France et, en tout cas, de nombreux pays européens dont nos plus proches voisins ont réduit leur déficit dans ce contexte. La situation budgétaire que nous connaissons aujourd'hui est en grande partie le fruit de politiques irresponsables qui ont laissé le déficit dériver quand il fallait le réduire.

Vous nous parlez de raboter les niches fiscales. Mais c'est une révision générale des niches fiscales qu'il faut ! On ne peut continuer d'avoir un impôt sur le revenu miné par 490 niches fiscales et un impôt sur les sociétés tout aussi miné. On aboutit au résultat paradoxal que les taux stricts d'imposition ne sont pas du tout ceux qui sont affichés : pour les plus grandes entreprises, le taux de l'impôt sur les sociétés est de 13 % et non de 33 % et, pour les dix plus hauts revenus, le taux de l'impôt sur le revenu est de 20 % et non des 40 % que l'on pourrait normalement atteindre ! Une révision générale des niches fiscales s'impose et non, seulement, un coup de rabot. Il faut transformer celles des niches fiscales qui ont un sens en crédit d'impôt ou en subvention. En tout cas il faut parvenir à maîtriser ces dépenses fiscales et, surtout, à un impôt compréhensible pour tous les citoyens. Notre fiscalité actuelle est illisible.

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