Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Baroin

Réunion du 23 juin 2010 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Monsieur le rapporteur général, vous avez rappelé que la Cour des comptes évalue les dépenses de relance réellement exposées en 2009 à 8 milliards d'euros : il convient d'ajouter à cette somme 4 milliards d'euros pour le FCTVA, quelque 500 millions au titre du paiement accéléré des factures au ministère de la Défense, 2 milliards versés au fonds stratégique d'investissement, sans oublier 1 milliard pour couvrir diverses sources de dépenses supplémentaires. Le montant du dispositif de relance s'élève donc globalement à 15 milliards d'euros.

En matière de départs à la retraite, je rappellerai la différence entre les équivalents temps plein – ETP – et les équivalents temps plein travaillés – ETPT. Pour les ETPT, le différentiel s'élève à près de 2 900 entre les prévisions – 27 500 – et la réalisation – un peu moins de 24 600. Pour les ETP, il est de 5 800 entre les prévisions – 30 500 – et la réalisation – 24 500. De fait, en raison des craintes engendrées par la crise, le nombre de départs à la retraite a été inférieur aux prévisions – 60 000 contre 69 000. Ceux qui pouvaient partir ont préféré conserver leur pouvoir d'achat dans une période difficile. Ce phénomène a touché tous les ministères et l'ensemble de mes collègues font le même constat lors des comités RGPP, constat que nous devons prendre en compte dans la préparation du budget triennal 2011-2013. Il nous faudra en effet réévaluer nos objectifs afin de compenser la diminution du nombre des départs. Il n'est pas contestable que la sortie de la crise et la réforme des retraites accéléreront le processus de départ d'un nombre élevé de fonctionnaires.

En ce qui concerne les dépenses de personnels hors pension, alors que la masse salariale s'élève à 120 milliards d'euros, le dépassement est contenu puisqu'il atteint 600 millions, à savoir 0,5 % : il n'a donc rien de spectaculaire. Ce dépassement est lié, lui aussi, au nombre moins élevé de départs à la retraite que prévu – la différence, je la rappelle, est de 9 000.

En matière de recettes, le coût du crédit d'impôt dédié au développement durable a effectivement atteint 2,8 milliards d'euros pour une prévision de 1,5 milliard. Les bénéficiaires sont plus nombreux que prévus – 1,5 million contre moins de 1 million. Nous avons resserré le dispositif pour un gain attendu de 500 millions d'euros. Toutefois, dans l'intervalle, les fabricants ont modifié leur offre et augmenté leurs prix : le gain réel pour l'État n'est plus que de 150 millions d'euros.

Je suis absolument convaincu que l'examen des niches fiscales dans la loi de finances permettra d'en mieux maîtriser le coût. Toutefois, le débat que vous avez ouvert entre dépenses fiscales et subventions est pertinent. Ces dernières se traduisent en effet par un décaissement qui a une incidence directe sur le plan budgétaire, ce qui permet une meilleure maîtrise des dépenses, alors que les dépenses fiscales constituent autant d'exonérations dont nous ne pouvons pas maîtriser le coût. J'ai donc tendance à penser, comme vous, que la logique des dépenses fiscales permet une moins bonne maîtrise budgétaire que la logique des subventions. De toute façon, la maîtrise des dépenses publiques s'appuiera sur la question de la réforme des niches fiscales, lesquelles se sont additionnées, depuis plus de trois ans, par facilité politique : elles permettent en effet aux gouvernements de donner du poids à l'affichage de leurs priorités. Comme on a empilé les textes les uns sur les autres, chacun a sa part de responsabilité dans cette affaire. Soixante-quinze milliards d'euros dans le budget de l'État concernent des dépenses fiscales et 45 milliards des niches sociales : ces sommes représentent des marges considérables au moment où nous voulons réduire le déficit de deux points dès l'année prochaine.

Je souhaite du reste aller au-delà des 5 milliards d'euros prévus dans les lettres de cadrage du Premier ministre – je vous ferai des propositions en ce sens et j'attends les vôtres. En effet, la réforme des retraites s'appuiera sur une partie des dispositifs fiscaux et sociaux et il ne convient d'oublier ni la question de la CADES ni les exigences de la préparation budgétaire.

S'agissant de la prime pour l'emploi, le différentiel relevé entre le montant prévu et celui réalisé est lié au paiement d'arriérés dus pour les années antérieures. Pour y voir un peu plus clair, j'ai chargé l'inspection des finances d'une mission à ce sujet. Elle est en cours ; je vous en donnerai les conclusions dès que nous les aurons.

L'Agence France Trésor, chargée de la gestion de la dette, est probablement l'un des meilleurs organismes de ce genre au monde. Sa gestion des taux nous a permis de gagner un milliard d'euros. Ce n'est pas rien.

Nous évaluons l'impact d'une hausse de 1 % des taux d'intérêt à 2,3 milliards d'euros sur un an, entre 4 à 6 milliards sur trois ou quatre ans.

Pour ce qui concerne la CADES, je rappelle avoir créé la commission de la dette sociale, groupe de travail parlementaire composé de cinq députés et cinq sénateurs membres des commissions concernées. Cette commission a déjà tenu deux réunions ; elle en tiendra une dernière la semaine prochaine, qui portera sur l'allongement de trois ou quatre ans de la durée de vie de la CADES. Je proposerai de modifier la loi organique à cet effet. Un prélèvement de 3,5 à 3,7 milliards d'euros sera nécessaire, sur les modalités duquel nous travaillons, en le liant à la préparation du budget et à l'affectation d'une partie de la réduction des niches fiscales. Le ministre du Travail l'a annoncé, une part de l'utilisation du fonds de réserve et de la cession des actifs lui sera consacrée, ainsi que 1,5 milliard d'euros du fonds de roulement. Nous avons un solde de 87 milliards d'euros à gérer, et une dette de crise de 50 milliards d'euros. L'allongement de la durée de vie de la CADES de 2021 à 2024-2025 nous permettra de travailler sur les stocks mais aussi sur les flux : il nous faut anticiper l'évolution. La matrice, c'est la reprise de la croissance et la baisse du chômage, et nos perspectives sont guidées par le consensus des économistes.

Nous envisageons effectivement de clarifier le statut de la CADES en la rattachant aux comptes sociaux.

Pour ce qui est des recettes 2010, les rentrées de l'impôt sur les sociétés me permettent de vous dire que nous sommes en ligne avec la loi de finances initiale.

Monsieur Michel Bouvard, nous estimons à 5 points le déficit dû à la crise et à 3 points le déficit structurel, soit 8 points en tout. On voit bien, sur le plan budgétaire, l'impact de la crise et du plan de relance. Un débat politique récurrent m'oppose à M. Muet à propos de l'élasticité, mais les faits sont les faits : l'élasticité à la baisse est spectaculaire, supérieure à 1,2 – et cela avec une chute de 60 % des recettes de l'impôt sur les sociétés.

Récupérera-t-on les 5 points de déficit ou une partie seulement ? Dans ce cas, nous serons contraints de faire davantage en matière de niches fiscales. Le coup de rabot uniforme n'est peut-être pas le procédé le plus puissant sur le plan intellectuel, mais il a pour vertu d'être le plus juste et d'être incontestable puisqu'il s'appliquera à toutes les niches. Cela ne nous empêchera pas d'en raboter certaines de plus de 10 % pour en protéger d'autres, créatrices d'emplois ou d'activité économique.

La méthode retenue est précise. À mon arrivée au ministère, j'ai demandé à la direction de la législation fiscale et à l'inspection générale des finances de constituer des groupes de travail sur ces questions. Leurs rapports me seront remis, pour certains dans le cadre de l'élaboration du projet de loi de finances, pour d'autres au printemps prochain. J'ai demandé à l'inspection générale des finances de ne pas privilégier une approche toute en mesure de pourcentages, solde de dépenses et dispositifs fiscaux, mais de s'appuyer sur une série d'indicateurs économiques, afin que nous soyons sûrs de la pertinence et de l'efficacité des politiques publiques tournées vers l'emploi en période de crise. Notre méthode est donc rigoureuse, et notre objectif est plus élevé que ce qui a été initialement annoncé. Nous vous dirons rapidement ce qu'il en est. Je me présenterai devant votre Commission la semaine prochaine pour débattre de l'orientation des finances publiques avant la déclaration du Gouvernement et le débat à ce sujet, qui auront lieu le 6 juillet en séance publique ; nous aurons les lettres plafond du Premier ministre d'ici à la fin de semaine prochaine. J'ajoute que l'arbitrage sur les niches fiscales aura lieu pour une très large part fin juillet et que les dernières décisions seront prises fin août. Vous le voyez, nous procédons sans précipitation mais avec fermeté.

Le traitement des opérateurs figure dans la lettre de cadrage du Premier ministre. La question est des plus difficiles, car les opérateurs ont pris de très mauvaises habitudes, sinon d'indépendance, au moins d'autonomie renforcée. M. Woerth a agi fermement, y compris par le biais de la rémunération de certains dirigeants, mais aussi par la menace d'une réduction des subventions aux opérateurs. L'objectif visé était double : y voir plus clair sur leur patrimoine – c'est fait – et sur leur capacité à appliquer le dispositif de réduction des dépenses de l'État. Tout cela figure dans leurs lettres de cadrage. Des discussions transversales ont eu lieu à ce sujet. La réduction de 10 % des moyens de fonctionnement vaut pour l'administration des ministères et pour chaque opérateur dépendant d'un ministère : il n'est pas question de jouer au bonneteau sur le mode « si je fais plus d'efforts au ministère, j'en ferai moins chez les opérateurs », ou inversement. Nous veillerons scrupuleusement à ce que la norme transversale soit respectée par tous les opérateurs. Ils ont longtemps été pour nous une grande source d'inquiétude. Nous reprenons la main ; il faut la reprendre totalement et veiller à ce qu'ils s'inscrivent tous dans les dispositifs voulus - RGPP et maîtrise des dépenses.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion