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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 16 juin 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Comme le rapporteur l'a rappelé, les conclusions formulées par le Conseil d'État en mars dernier ne font nullement obstacle à ce projet de loi, l'ordre public social étant une réalité dans sa jurisprudence comme dans celle du Conseil constitutionnel, où il est évoqué sous les vocables d'intérêt général ou d'intérêt national.

Quant à l'idée de renforcer la sanction dans le cas où la victime est mineure, elle me paraît pouvoir donner lieu à un amendement. Nous avons en effet toujours souhaité protéger les personnes en situation de faiblesse.

S'agissant de la liste des exceptions, certes je souhaite que la loi soit compréhensible par tous, mais on sait bien que toute énumération emporte le risque d'un oubli. Sans doute faudra-t-il marier les deux approches, peut-être en faisant référence à des circonstances – médicales, sportives…– et en les illustrant par des exemples.

Je ne suis pas contre le principe d'un bilan, à condition de fixer des critères permettant de procéder à des comparaisons.

Madame Karamanli, le texte vise l'espace public au sens large, mais il ne concerne pas les moyens de communication audiovisuelle et Internet.

Vous avez également parlé d'injonction de médiation sociale. Ce que nous voulons faire relève bien de la médiation sociale, notamment le stage de citoyenneté. Nous verrons s'il faut utiliser ce vocable, mais il ne faut pas oublier le sens précis qu'il peut avoir. Quoi qu'il en soit, les décisions relèveront du juge.

Que M. Glavany soit rassuré. L'arrêt Ahmet Arslan du 23 février 2010 concernait le port d'un turban et le fait que la Turquie, en l'espèce, avait considéré que le port d'un signe religieux menaçait la sécurité publique. La CEDH ne s'est nullement prononcée sur un fondement qui pourrait s'appliquer aux dispositions que nous proposons. En revanche, la dignité de la personne humaine justifie, pour la CEDH, que des limitations soient apportées aux pratiques qui y portent atteinte.

Le risque juridique est donc limité, tant au regard de la Convention européenne que dans notre ordre interne ; et choisir de ne rien faire serait un véritable cadeau aux extrémistes.

Oui, l'application de la loi sera difficile, j'en suis bien consciente. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous voulons user de pédagogie. Disant cela, je réponds aussi à M. Aly : le mieux serait que la pédagogie nous permette d'éliminer le problème avant d'avoir eu besoin d'appliquer des sanctions.

Les femmes sont, en effet, des victimes – de leurs maris ou des intégristes qui les persuadent. J'ai d'ailleurs lu à ce sujet un livre remarquable, intitulé La République ou la burqa, de Dounia Bouzar et Lylia Bouzar. C'est bien parce que nous pensons que les femmes sont d'abord des victimes que nous donnons la priorité au stage de citoyenneté.

Monsieur Lagarde, le stage de citoyenneté est en effet un outil pédagogique. Le problème de la récidive ne me paraît pas se poser, dès lors que les personnes seront en général sur leur lieu de vie, où elles sont donc connues.

Dans les services publics, une information des agents sera en effet nécessaire pour les aider à adopter le comportement adéquat.

La question de la hiérarchie des contraventions sort du cadre de notre débat, mais il serait en effet très intéressant, monsieur le président, de revoir la hiérarchie des peines dans l'ensemble de notre code pénal.

Monsieur Urvoas, notre droit ne fait pas de place aux interdictions générales lorsqu'il s'agit de l'ordre public matériel, lequel impose l'application d'une règle de proportionnalité aux risques encourus ; mais notre projet concerne l'ordre public social.

L'éventualité d'une saisine du Conseil constitutionnel par le Premier ministre mérite d'être examinée. L'avantage serait de stabiliser très vite la situation.

Madame Pinel, les différentes sortes de violences faites aux femmes ont déjà fait l'objet d'autres débats. Rien ne vous empêchera, lors du débat en séance publique, de replacer la discussion de ce texte dans un cadre plus général. Toutefois il ne vous faudra pas oublier le fait que ce projet n'a pas pour seul objet le port du voile intégral ; il est important de le répéter.

Oui, les forces de l'ordre, comme les agents des services publics, auront besoin d'une formation.

Si nous considérons que les sanctions doivent être différées, c'est parce que les femmes qui portent le voile intégral sont d'abord des victimes qui doivent être aidées.

Monsieur Quentin, le stage de citoyenneté a pour objet de rappeler à la personne les valeurs républicaines, les valeurs du vivre ensemble, fondées sur la confiance. Je vous renvoie à l'article 131-5-1 du code pénal. Nous proposerons des modules de formation adaptés.

Monsieur Aly, certes le port du voile intégral ne se pratique pas à Mayotte, mais il n'en va pas de même dans la zone géographique environnante. Je suis d'accord avec vous pour développer l'enseignement sur les valeurs de la République ; les cours d'éducation civique dès l'enseignement primaire devraient d'ailleurs normalement permettre de répondre à votre préoccupation. En revanche, je ne peux pas vous suivre quand vous affirmez que ce texte serait liberticide : c'est le contraire. Ou alors, il vous faut dire que la loi qui interdit de se promener tout nu dans la rue est liberticide !

Madame Pau-Langevin, le fait d'interdire tout contrat signifie interdire d'aller acheter du pain, de recevoir des prestations sociales ou de recevoir des soins… Les valeurs du vivre ensemble ne se restreignent pas au contrat. Le vivre ensemble, c'est l'échange, lequel repose sur la confiance ; et celle-ci suppose de montrer son visage. Tout le monde doit contribuer à aider les femmes à s'émanciper, en particulier les responsables du CFCM, les collectivités locales et les associations.

Monsieur Geoffroy, les modules de formation proposés dans le cadre des stages de citoyenneté seront validés par le procureur de la République.

Madame Mazetier, les lieux de culte font en effet partie des lieux ouverts au public, mais à l'intérieur de ces lieux de culte, l'application des règles relève des responsables religieux, qui sont seuls compétents pour faire appel aux forces de l'ordre.

Monsieur Diard, vous avez rappelé l'analyse juridique qui nous a conduits à nous appuyer sur l'ordre public, mais sans nous limiter à l'ordre public matériel, notre premier souci étant de réaffirmer les valeurs de la République et de notre vivre ensemble.

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