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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 16 juin 2010 à 11h00
Commission des affaires sociales

Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

Pour répondre à M. Denis Jacquat sur la CADES et le Fonds de réserve pour les retraites, j'indiquerai que celui-ci gère aujourd'hui pour son propre compte, alors qu'il gérera demain pour la CADES. Il y aura des actifs décaissés sur plusieurs années pour permettre à la CADES de rembourser le déficit, avec un système qui tend à l'équilibre en 2018. De la même manière, l'abondement de 1,5 milliard d'euros au fonds de réserve, transféré à la CADES, poursuit la même fin. C'est un processus clair. Le fond de réserve ne liquidera pas ses actifs en une seule fois, il n'en est pas question. C'est un problème technique et je ne comprends pas pourquoi le parti socialiste politise à ce point cette question.

Le Président de la République et le Premier ministre ont indiqué que toutes les dispositions financières devraient figurer désormais dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est une revendication normale, gage de clarté, que j'appelais également de mes voeux lorsque j'étais ministre des comptes publics. L'ensemble des mesures financières figurera donc dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de la rentrée. Elles vous sont présentées aujourd'hui, mais seront discutées dans un texte différent.

Je vous confirme par ailleurs que nous allons pérenniser le dispositif d'assurance veuvage.

S'agissant des carrières longues, le dispositif permettra de partir en retraite à 60 ans au maximum, lorsqu'on a débuté une carrière à 17 ans. Cette mesure coûtera 1,3 milliard d'euros de plus par rapport à la prolongation du système mis en place en 2003, mais permettra de prendre en compte la longueur des carrières.

Avec Mme Marisol Touraine, il s'agit d'un débat plus politique et je n'entends pas répondre à tous les points abordés. Vous ne parlez d'abord pas vraiment de la réforme des retraites, comme c'est votre habitude depuis vingt ans déjà. En fait, la réforme comptable, c'est vous qui la prônez : vous dites qu'il faut 30 à 40 milliards de prélèvements supplémentaires, mais ce n'est que de la fausse monnaie ! Si vous voulez augmenter les prélèvements à cette hauteur, vous réalisez en fait une énorme subvention aux délocalisations, avec une augmentation du chômage à la clef. Vous ne voulez pas admettre que la limite de 60 ans n'est pas gravée dans le marbre. Pourquoi ce sujet ne serait-il tabou qu'en France ? Les Italiens, Allemands, Danois, Espagnols et Suédois sont-ils moins fatigués ? D'autres pays évolués ont déjà suivi la même démarche que la France, pourquoi avez-vous donc systématiquement peur de la question des retraites ? En outre, si François Mitterrand a bien fixé l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans en 1981, cet âge correspondrait aujourd'hui, avec les gains d'espérance de vie, à 62 ans. C'est cela la réalité ! Vous ne raisonnez qu'en termes de photographies argentiques et en noir et blanc. La durée de vie a été prolongée et il est donc normal de la prolonger également au travail. Avec cette réforme, nous prenons en compte de façon responsable et sérieuse ceux qui ont commencé leur carrière plus tôt, ainsi que ceux qui souffrent de la pénibilité dans leur travail. On pourrait bien sûr dire que tous les métiers, que le travail en général, comme la vie d'ailleurs, sont fatigants ; c'est vrai que quand on est éveillé, c'est plus fatigant que lorsque l'on dort ! Mais nous devons prendre en compte la véritable pénibilité au travail, c'est-à-dire les séquelles dues au métier, constatées par un médecin. Avec cette réforme, on passe le taux d'incapacité à 20 % dans le cadre du dispositif accident du travail-maladies professionnelles qui est un système bien normé de relations matricielles entre les postes occupés et les maladies professionnelles. Dans ce cadre, la réforme donnera accès à la retraite à 60 ans. C'est un avantage financier majeur donnant droit à un taux plein quel que soit le nombre de trimestres cotisés. Le dispositif est généreux et juste et ouvre un droit nouveau pour 10 000 personnes.

S'agissant des seniors, l'objectif est d'améliorer leur taux d'emploi. Il est insultant pour eux de présenter la réforme comme un contrat à durée déterminée pour seniors. La situation de ceux qui se trouvent sur le marché du travail à partir de 55 ans est compliquée. Tout le monde le sait. Il y a une dimension culturelle dans la situation actuelle. C'est pourquoi il faut prolonger l'emploi des seniors sous toutes ses formes, avec l'aide des entreprises.

Les déficits seront progressivement absorbés jusqu'en 2018 et, à partir de cette date, le système sera équilibré. La participation de l'État au régime des retraites des fonctionnaires de l'État sera gelée à hauteur de 15 milliards d'euros. C'est possible, parce que les mesures d'âge joueront et que la fonction publique est amenée à contribuer à la réforme à hauteur de 4 milliards d'euros supplémentaires. La réforme des retraites est ainsi entièrement financée à ce jour.

Lorsque Mme Martine Billard évoque le sujet des femmes, c'est d'abord un problème d'inégalité salariale au travail qui est en cause, et la retraite n'est que le miroir de la carrière. Elle ne peut pas tout réparer. Il est important d'agir sur les indemnités de maternité. Dès la fin de l'année, des sanctions financières seront prises contre les entreprises qui n'auront pas pris de mesures destinées à lutter contre ces inégalités salariales. C'est seulement 15 à 16 % de salariés qui prennent leur retraite à 65 ans, dont 60 % de femmes qui, pour la plupart, ne sont plus en activité. Cette population est deux fois moins au minimum vieillesse que le reste de la population.

Lorsque vous évoquez le sujet des femmes fonctionnaires, je vous invite à aller voir ce qui se fait ailleurs. Les fonctionnaires ont un travail intéressant, avec la sécurité de l'emploi. Certes, ils vont travailler plus longtemps et cotiser un peu plus, mais ils continueront à bénéficier de la règle des six derniers mois de traitement, car on a considéré qu'il serait compliqué de réintégrer les primes, car la part de celles-ci est très variable selon les catégories. En réalité, les fonctionnaires ont à peu près le même type de revenu et de pension que les travailleurs du privé. La seule question pertinente consistait à savoir si, à pension égale, ils cotisaient de manière égale. C'est à cet objectif que nous nous sommes attachés. Je rappelle que la mesure des 15 ans et trois enfants est en réalité une préretraite, car ces personnes continuent de travailler. Ce n'est pas un avantage familial, et il convient d'arrêter ces préretraites, comme on l'a fait dans le privé.

Vous m'avez posé, comme hier M. Ayrault lors des questions au Gouvernement, la question de l'utilisation éventuelle de la procédure d'urgence, qui s'appelle en fait désormais « procédure d'examen accélérée ». Il s'agit d'une règle démocratique de notre Parlement qui a été votée normalement, et on verra bien, le moment venu, si cette règle sera utilisée.

Pour répondre à M. Jean-Luc Préel, le taux de remplacement est une vraie question. Le Gouvernement s'est engagé à ne pas baisser le niveau des pensions, et il ne le fera pas, contrairement à ce qui s'est passé dans certains pays. Les pensions continueront d'être indexées sur les prix et leur niveau devrait augmenter de 20 % d'ici quinze ans.

Lorsque le parti socialiste a créé le Fond de réserve pour les retraites, qui est sa seule contribution en la matière, il n'y a adossé aucune réforme. Les conditions de l'équilibre financier du régime des retraites sont détaillées dans le dossier de presse qui a été diffusé. Cet équilibre sera assuré à partir de 2018, et les régimes des retraites seront en léger excédent jusqu'en 2020. Nous aurons de toute façon un rendez-vous démocratique en 2018, pour reparler des questions d'âge. Je pense que les Français croient surtout à des mesures concrètes et applicables dans un temps crédible. 2018 est un horizon bien perceptible. Qu'aurait-on dit si le Gouvernement avait décidé de reporter l'équilibre à 2025 ou 2030 ?

La pénibilité se mesure évidemment sur des critères médicaux. Je ne connais pas d'autre méthode. J'avoue ne pas comprendre cette suspicion à l'égard des médecins. Ils ont un rôle à jouer, sachant que je conçois bien que la pénibilité doit également être traitée tout au long de la vie au travail. Nous allons travailler avec l'ensemble des médecins du travail, des ergonomes, des psychothérapeutes sur ce dossier.

Vous m'avez interrogé sur une réforme systémique, mais il convient d'abord de bien réformer le système par répartition avant d'envisager un débat sur un autre système possible.

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