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Intervention de François Brottes

Réunion du 15 juin 2010 à 15h00
Marché de l'électricité — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Parce que votre gouvernement a renoncé à se battre au niveau européen pour que la fourniture d'électricité, laquelle est – rappelons-le – un bien essentiel de première consommation, de surcroît non stockable, puisse être reconnue comme un service qui accomplit une « mission particulière ». L'article 106 du traité en vigueur le permet pourtant, et cela donnerait de claires limites à une application débile – pardonnez-moi ce mot – et impossible des règles de la concurrence chères à Jean Dionis du Séjour.

Votre gouvernement s'arc-boute sur la transposition d'une directive énergie qui ne prend en compte ni le paquet « énergie-climat » et ses recommandations en matière d'économie d'énergie, ni la spécificité française d'un mix énergétique à nul autre pareil, compte tenu du poids conjugué du nucléaire et de l'hydraulique.

Vous inventez pour l'électricité une usine à gaz qui fera date dans l'imbroglio des solutions introuvables, avec la création en plein vol – je veux dire : en séance – d'une nouvelle institution que personne ici ne « NOME » encore (Sourires), et qui sera chargée de contractualiser avec les clients masqués et néanmoins concurrents d'EDF.

Après le régulateur, après le médiateur, voici venu le temps de l'« inter-médiateur » : l'opérateur dont on ne sait toujours pas qui il est, et qui sera chargé d'accomplir une oeuvre comparable à celle qui, dans le football – actualité oblige –, consiste à régler les questions délicatement opaques du mercato entre deux saisons.

Pourquoi être équitable quand on peut aggraver les injustices, la précarité énergétique et la désindustrialisation ? Un coup vous augmentez l'abonnement, un coup vous augmentez les tarifs de consommation.

Dans la jungle du « qui perd gagne » – investir pour la production, améliorer le transport et la distribution, financer les obligations d'achat pour l'énergie renouvelable – il y a toujours une bonne raison pour expliquer au consommateur qu'il doit payer plus cher, et même qu'il a de la chance, car nous serions parmi les pays les moins chers d'Europe. C'est d'ailleurs un mensonge, comme l'a expliqué Frédérique Massat, puisque sept pays de l'Union européenne sont moins chers que nous, sans compter la Norvège et d'autres pays ou continents – le Canada, l'Amérique du Sud, l'Australie, l'Afrique du Sud, Taiwan et j'en passe –, et que les délocalisations de nos industries sont nombreuses, alors même que le prix de l'électricité chez nous constituait un atout pour le maintien de l'emploi industriel.

Alors, pourquoi est-ce que les prix augmentent ? Est-ce du masochisme ? Non, c'est simplement que beaucoup d'opérateurs veulent se nourrir sur la bête, que tout est organisé pour que ce secteur de l'énergie soit en tension et que cela tire les prix et les profits vers le haut.

En effet, vous avez renoncé à vous battre sur la question de la pointe de consommation, qui coûte cher et aggrave la pollution, puisque ce n'est plus d'un « accès régulé à la base » qu'il s'agit à la sortie de nos débats, mais seulement d'un « accès régulé à l'électricité nucléaire historique », ce que vous avez baptisé, monsieur le rapporteur, l'ARENH.

Après la jungle des tarifs illisibles et incompréhensibles, voici l'ARENH où les consommateurs, devenus gladiateurs, devront vendre cher leur peau pour se chauffer et s'éclairer ! (Sourires.)

Alors, pourquoi faire cadeau aux Français de la rente nucléaire, qu'ils ont acceptée et financée, en leur vendant une électricité moins chère, alors qu'on peut permettre aux concurrents d'EDF d'en profiter et aux consommateurs français de payer les pots cassés en augmentant leur facture ?

Cette question, qui porte en elle-même la manière dont vous y répondez, est au fondement de notre vote négatif sur ce texte qui, de plus, a failli privatiser, au détour d'un amendement présenté par le président de la commission du développement des profits durables (Sourires), la Compagnie nationale du Rhône ! Il semblerait d'ailleurs que, finalement, le Gouvernement ait choisi d'attendre le passage au Sénat pour commettre cette oeuvre au fil de l'eau de la navette législative.

En conclusion, chers collègues, comme aurait pu l'écrire le poète :

« Sur la lampe qui s'allume

Sur la lampe qui s'éteint

Sur les factures qui augmentent

Sur le service public qui recule

J'écris ton NOME

Liberté... du marché ! » (Rires.)

Si vous en doutiez, je vous le confirme : le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre ce texte qui instaure à très court terme une augmentation des tarifs pour tous les consommateurs. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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