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Intervention de Gérard Pellissier

Réunion du 8 juin 2010 à 17h00
Commission des affaires sociales

Gérard Pellissier, directeur de la CNAV-PL :

Nous savons depuis plus de vingt ans que nous serons confrontés un jour à des problèmes de retraite, et depuis vingt ans, les différentes caisses représentant les professions libérales s'y sont préparées en baissant la valeur du point pour les retraites complémentaires, en pratiquant une gestion prudentielle et en mettant de l'argent de côté.

En ce qui concerne la démographie, deux caisses sont particulièrement dynamiques : la CIPAV, qui enregistre, hors auto-entrepreneurs, 30 000 adhérents supplémentaires par an, et la caisse des auxiliaires médicaux (CARPIMKO), qui en accueille de 10 000 à 15 000.

La caisse des médecins, en revanche, est confrontée à une baisse de la démographie médicale due au numerus clausus, mais les médecins le savaient depuis longtemps. Il faudra une génération pour retrouver une situation stable. L'autre problème, qui concerne également les pharmaciens et les dentistes, vient de ce que les professionnels se regroupent de plus en plus au sein d'un cabinet. La caisse des médecins et celle des pharmaciens ont pris en compte cet élément pour établir les cotisations pour la retraite complémentaire.

Les caisses des notaires, des experts-comptables et des agents d'assurance connaissent une démographie à peu près stable, mais la façon dont les professionnels libéraux exercent leur profession est en pleine évolution. Certains se regroupent en société. Si, à une autre époque, ils ont fait le choix - qu'ils assument parfaitement – de peu cotiser, c'est que, d'une part, ils travaillaient beaucoup et que, d'autre part, une partie d'entre eux comptaient sur la vente de leur cabinet ou de leur officine pour se constituer une retraite. Cette situation est en train de changer. Je suis architecte : beaucoup de mes confrères se regroupent et créent une société dont ils deviennent les salariés. Ils quittent ainsi le système libéral, ce qui est dommageable pour notre caisse. Par ailleurs, les cabinets ne se revendent plus : un jeune médecin qui s'installe aujourd'hui ne rachète plus la clientèle de son confrère qui part en retraite. Comment travailleront les professionnels libéraux dans vingt ans, et comment rendre ces professions attrayantes pour éviter le regroupement en société ? Tel est le problème qui se pose à nous.

Ce rapport démographique globalement favorable nous amène à payer, au titre de la solidarité, une compensation démographique destinée à abonder les caisses déficitaires des artisans, des commerçants et des agriculteurs. Nous avons ainsi payé cette année 1 700 euros par professionnel libéral inscrit dans notre caisse – quel que soit le montant de la cotisation qu'il a acquittée –, soit au total de 500 millions d'euros ! C'est le résultat d'un calcul assez complexe, prenant en compte le nombre de cotisants rapporté à celui des retraités, ainsi qu'une prestation de retraite de référence, qui est d'environ 3 000 euros par an.

J'en viens au statut de l'auto-entrepreneur. Nous alertons depuis deux ans les pouvoirs publics et le ministère sur les problèmes graves que risque de poser cette innovation, par ailleurs bienvenue. En 2009, entre 100 000 et 130 000 auto-entrepreneurs ont intégré la CIPAV. Il semble que 60 % d'entre eux n'aient déclaré aucun revenu, et les 40 % restants entre 3 000 et 6 000 euros seulement pour l'année ! C'est pour cela que nous disons qu'il s'agit davantage de métiers d'appoint que de véritables activités libérales.

Cette situation ne peut pas durer. Suite à de nombreux échanges douloureux et infructueux, nous avons décidé de prendre en main notre communication sur ce dossier. Pour chacun de ces 130 000 auto-entrepreneurs, qui paiera 120 euros de cotisations par an, auxquelles s'ajoute une compensation de l'État de 200 ou 300 euros, notre caisse devra payer 1 700 euros par an. La CNAV-PL existe depuis 1949 et a toujours été excédentaire. Cette année, pour la première fois, elle sera déficitaire de 40 millions d'euros. Certes, comparée au trou de la sécurité sociale, cette somme est dérisoire, mais pour notre caisse qui fait des efforts depuis vingt ans, qui a réduit volontairement le rendement des cotisations, – en les augmentant de 70 % en dix ans sans revaloriser les retraites – et qui sera obligée de payer pour des auto-entrepreneurs qui ne sont pas des professionnels libéraux, c'est inacceptable ! Nous ne l'acceptons pas et nous le faisons savoir.

Cette situation est inacceptable encore à un autre titre. Les professions de briseur de cuirasses, plieur de parachutes, pousseur de parachutistes, irrigateur de côlon, psychologue et vigile n'ont rien à faire chez nous. En France, une activité devient « profession libérale » par défaut. Nous avons donc recherché une définition positive de ce qu'est une profession libérale. La catégorie des travailleurs indépendants compte des professionnels libéraux, des artisans et des commerçants. Mais certains travailleurs indépendants, qui ne relèvent d'aucune de ces catégories, se retrouvent affilés à la CIPAV, parce que le taux de cotisation de base est fixé à 18,6 % des revenus, contre 20-21 % pour le régime social des indépendants (RSI).

Lors de nos discussions dans les ministères, nous avons eu affaire à des cow-boys qui ne nous ont pas écoutés, préférant jouer avec leur Blackberry… Je trouve cela honteux et scandaleux !

Nous reconnaissons que le statut d'auto-entrepreneur permet des créations d'entreprise, mais 90 % de ces gens sont des salariés, des fonctionnaires, des retraités ou même des chômeurs, pour qui il s'agit plus d'un métier d'appoint que d'une réelle création d'emploi. Ce dispositif, plus politique qu'économique, doit donc être révisé.

Nous avons donc fait plusieurs propositions. Nous souhaitons tout d'abord que les auto-entrepreneurs salariés, ou déjà affiliés à une caisse, ne rejoignent pas la CIPAV. Nous acceptons naturellement, au titre de la solidarité, d'accueillir les jeunes qui n'ont pas d'affiliation et à qui le statut permet de créer leur emploi.

Nous souhaitons, par ailleurs, limiter le bénéfice de ce statut dans le temps. On ne peut rester auto-entrepreneur toute sa vie. Il y en aura toujours qui choisiront de cotiser un trimestre par an et deviendront des « sous-retraités », et l'État, au nom de la solidarité, nous demandera de les prendre en charge.

Nous proposons enfin d'exiger un minimum de 5 000 ou 6 000 euros par an de chiffre d'affaires annuel pour l'affiliation obligatoire à la caisse.

Nous avons été auditionnés par la commission des affaires sociales du Sénat, dans le cadre d'une table ronde au cours de laquelle je me suis montré virulent face à M. Hervé Novelli. Celui-ci a entendu nos arguments, mais rien n'a été fait depuis.

Définir avec précision ce qu'est une profession libérale permettrait de sortir de la CNAV-PL tous ceux qui n'ont rien à y faire. Cela dit, nous ne sommes pas opposés à la possibilité d'accueillir de nouveaux métiers. M. Hervé Novelli s'est étonné que nous ne nous réjouissions pas d'accueillir 100 000 nouveaux adhérents. Mais s'ils ne paient pas un euro, ils ne présentent aucun intérêt pour nous. En outre, notre rôle est d'accompagner ceux qui créent une vraie entreprise.

Le ministre nous indique que le chiffre d'affaires des auto-entrepreneurs s'élève en moyenne à 12 000 euros. Mais, on est loin du plafond, fixé à 32 000 euros pour le secteur des prestations de services et à 80 000 pour les artisans et commerçants, et surtout il s'agit d'une moyenne : on omet de dire que 50 % d'entre eux ont déclaré un chiffre d'affaires nul !

Ni Mme Devaud ni moi-même n'acceptons le déficit de la CNAV-PL. Si nos caisses accueillent 300 000 ou 400 000 auto-entrepreneurs qui ne réalisent aucun bénéfice, nous serons contraints d'augmenter de 20 à 30 % la cotisation de base – ou de baisser le niveau des retraites, ce qui est hors de question !

Nous sommes tous solidaires dans le cadre de la retraite de base et toutes les caisses paient la compensation nationale, mais c'est la CIPAV qui accueille une grande part des nouveaux professionnels libéraux, car elle a vocation à accueillir les professions libérales non réglementées. Nous pensions que la création du statut d'auto-entrepreneur allait ralentir la croissance des effectifs « classiques » de la CIPAV, or elle a enregistré quand même 30 000 nouvelles adhésions.

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