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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 3 juin 2010 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Beaucoup de questions ont été posées, qui trouvent pour certaines des réponses dans la Constitution, dans la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) et dans les dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. À ce jour, les commissions des Finances et des Affaires sociales des deux assemblées peuvent demander des enquêtes à la Cour des comptes. La Constitution vient, d'autre part, de confier au Parlement et à la Cour une mission nouvelle d'évaluation des politiques publiques. Pour concrétiser cette avancée, vous avez installé un Comité d'évaluation et de contrôle. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartient à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance. Cette observation a conduit le Président Accoyer à rédiger une proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

Ainsi, pour le moment, la loi offre à des commissions permanentes la possibilité de saisir la Cour des comptes. Dans le même temps, celle-ci continue de remplir ses missions habituelles et d'établir des rapports, qui sont à la disposition de toutes les commissions. Lorsqu'une de celles-ci souhaite des informations particulières sur un des rapports que nous avons publiés ou sur un des référés que nous adressons à la commission des Finances et que nous diffusons aussi largement que possible, nous déférons à sa demande. Ainsi, M. Jean Picq, président de la troisième chambre, sera entendu prochainement par la commission des Affaires culturelles de votre assemblée et par celle du Sénat sur notre rapport d'évaluation relatif à l'éducation. Voilà pour les rapports que nous publions.

J'en viens à la mission d'évaluation. Comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé, la Cour des comptes est indépendante. Cette indépendance s'illustre notamment dans sa capacité à programmer ses travaux. Par ailleurs, la Cour a reçu mission d'assister le Parlement dans l'évaluation des politiques publiques mais, en l'état de la législation, votre Comité n'est pas encore en mesure de saisir la Cour d'une demande d'évaluation. Je comprends l'impatience manifestée à ce sujet par MM. Mallot et Goasguen et, je le redis, nous sommes prêts à anticiper le vote de la loi pour traiter vos demandes. Mais, afin que nous soyons le plus efficaces possible, il faudra, comme l'ont souligné MM. Carrez et Giscard d'Estaing, cerner soigneusement les sujets à propos desquels vous souhaitez notre contribution.

Il ne m'appartient pas de commenter les relations entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je souhaite cependant insister, comme l'avait fait Philippe Séguin avant moi, sur la nécessité d'un filtrage, par chaque président d'assemblée, des demandes d'évaluation adressées à la Cour des comptes. Qui trop embrasse, mal étreint – si nous ployons sous les demandes de vos commissions, nous ne serons pas en mesure de répondre à chacune. C'est bien pourquoi, d'ailleurs, vous avez créé le Comité d'évaluation et de contrôle.

Nous ne demandons pas de moyens supplémentaires, mais nous demandons à conserver ceux que nous avons. J'y insiste : la Cour des comptes ne peut en même temps voir ses missions augmenter, comme c'est le cas depuis plusieurs années, et ses effectifs se réduire. Ce serait un mauvais coup pour le fonctionnement de la République et pour le Parlement. Comme M. Claude Goasguen, je souhaite que le projet de réforme des juridictions financières vienne le plus vite possible devant vous. J'ai eu l'occasion d'évoquer cette question avec le Président de la République et avec le Premier ministre; il se pourrait que l'occasion se présente en octobre. Je le souhaite.

Nous devons aussi adapter notre organisation pour répondre à vos demandes nouvelles sans remettre en cause nos missions traditionnelles de contrôle organique et de certification des comptes. Cette réorganisation implique obligatoirement la modification des relations entre la Cour et les chambres régionales des comptes, et celle de l'organisation des chambres régionales. Comme Philippe Séguin avant moi, j'estime indispensable que les chambres régionales atteignent une taille critique pour permettre que la collégialité et le contradictoire s'exercent effectivement et que les missions nouvelles soient remplies. Je milite donc en faveur de regroupements interrégionaux. Le projet de loi portant réforme des juridictions financières tend à conforter les chambres en région ; ne rien changer à leur organisation actuelle conduirait à les affaiblir très rapidement. Certaines chambres ne comptent que quatre ou cinq magistrats. Comment peuvent-elles répondre à toutes les demandes qui leur sont faites, alors que les élus locaux leur adressent des demandes nouvelles de conseil et d'assistance ? La réactivité manque, notamment pour ce qui touche aux finances locales. Il faut renforcer la coopération entre la Cour et les chambres en région et, pour ces dernières, opérer l'indispensable réorganisation qui leur permettra d'atteindre la taille critique nécessaire. Cette réforme dépasse les clivages partisans : il est de l'intérêt du Parlement que l'ensemble des juridictions financières lui soit le plus utile possible.

Pour ce qui est des études d'impact, il est inconcevable, monsieur Carré, que la Cour des comptes aille sur le terrain de l'opportunité. Ce n'est pas notre travail, et nous ne le ferons pas. Nous évaluons une politique donnée, mais c'est le Parlement qui vote la loi.

Si vous nous sollicitez en amont, cela peut poser quelques problèmes, sauf si nous avons des études en stock sur les sujets qui vous intéressent. Or, nous en avons beaucoup, dans de très nombreux domaines. Nous sommes prêts à dépêcher un magistrat ou un président de chambre qui apportera à votre Comité ou à celles de vos commissions qui le souhaitent les informations qui leur sont nécessaires. C'est dans ce cadre que nos relations peuvent vous être utiles.

En évoquant les problèmes de moyens, j'avais surtout à l'esprit le recours à des expertises extérieures, qu'il faudra payer. Il peut être utile au Parlement que la Cour, pour les missions qu'il lui confie, joue le rôle d'« ensemblier ». Mais il va sans dire que, comme pour la certification des comptes, il serait inconcevable que la Cour soit en concurrence avec des cabinets privés. D'ailleurs, en raison de notre indépendance et parce que nos travaux sont pour beaucoup fondés sur la collégialité et sur le contradictoire, nos procédures vous apportent beaucoup plus de garanties que d'autres procédures ou d'autres méthodes de travail.

La Constitution nous a confié la mission d'assister le Parlement dans l'évaluation des politiques publiques. Nous sommes prêts à l'assumer, dans le respect de notre indépendance et des méthodes de travail qui sont les nôtres, avec le souci d'être le plus réactifs possible. Des sujets ciblés nous permettront de vous répondre dans un délai raisonnable. Si les demandes sont plus complexes, il nous faudra davantage de temps – sachant que nous devrons insérer les études demandées dans notre programme de travail général. D'autre part, il serait bon de ne pas s'éparpiller : lancer des enquêtes sur de trop nombreux sujets en même temps conduirait à une dispersion, avec un résultat moins intéressant. La Cour des comptes est à votre disposition. Si les commissions traitent de sujets sur lesquels nous avons publié des rapports, ou sur lesquels des rapports sont en cours de publication, nous vous les communiquerons très volontiers.

M. le Président Bernard Accoyer. Monsieur le Premier président, je vous remercie. Je prêterai la plus grande attention à l'évolution du calendrier d'examen des deux textes évoqués. J'ai pris note de la préoccupation que vous avez exprimée sur le volume des demandes et leur nombre ; c'est au moins autant la mienne. M. Méhaignerie l'a souligné, de nombreuses informations sont déjà disponibles que nos services sauront recenser. Nous nous efforcerons naturellement de ne pas demander à la Cour des études qui se révèleraient redondantes.

Je me fais l'interprète de tous les membres du Comité pour vous dire très amicalement, Monsieur le Premier président, le plaisir que nous avons eu à vous accueillir, ainsi que les magistrats qui vous accompagnent.

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