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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 10 juin 2010 à 9h30
Régulation bancaire et financière — Discussion d'un projet de loi

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

La Commission européenne s'est engagée à aller plus loin. Elle fera, d'ici à la fin de l'année, des propositions pour renforcer la concurrence entre agences et réduire la dépendance de nos économies, notamment de certaines de nos banques, à leur égard. Je soutiens totalement cette initiative et salue l'engagement en ce sens du commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, Michel Barnier.

Jamais plus non plus de marchés dérivés non régulés. C'est un débat que nous aurons longuement, car il est important. L'absence de régulation de ces marchés n'est pas acceptable quand ils sont le cadre de transactions se chiffrant en centaines de trilliards de dollars. Elle est d'autant moins acceptable que les responsables publics, qui ont en charge l'intérêt général, ne sont pas, jusqu'à ce jour en tout cas, en mesure de connaître les positions spéculatives sur des dettes souveraines, comme nous l'avons vu avec la Grèce.

Pour plus de transparence et mettre fin au principe d'obscurité, le G 20 de Washington a décidé la création de registres pour toutes les transactions. Il a également décidé de la sécurité en exigeant que les transactions sur dérivés soient compensées dans des chambres de compensation. D'ici à l'été, la Commission européenne proposera un règlement européen pour mettre en oeuvre ces décisions. Hier matin, le Président de la République et la Chancelière allemande en ont saisi ensemble le président pour lui demander d'accélérer les travaux, car nous ne pouvons ni attendre ni travailler en cavalier seul. C'est un sujet sur lequel je me suis longuement exprimée et dont j'ai débattu avec mon collègue allemand.

Jamais plus, enfin, de fonds alternatifs sans contrôle ni régulation. Comme pour les marchés dérivés, l'opacité qui règne sur ces fonds doit cesser. Ils peuvent être considérés à juste titre comme des trous noirs du système financier alors que, certains jours, plus de 50 % des transactions boursières transitent par ces fonds alternatifs.

Le G 20 de Londres a décidé que les fonds feront l'objet d'un agrément et seront soumis à des règles de transparence. Les ministres européens des finances, à l'occasion de la réunion ÉCOFIN de mai 2010, ont approuvé un projet de directive européenne sur les fonds alternatifs qui consacre en particulier : l'agrément obligatoire des gestionnaires de fonds ; l'application des règles du G 20 en matière de rémunération aux gérants des fonds ; la soumission des fonds à des règles de transparence sur leurs transactions, le recours à des ventes à découvert et leur levier. Grâce à cette directive, les autorités nationales seront dotées de réels pouvoirs, avec notamment la possibilité de plafonner le levier en cas de circonstances exceptionnelles. Pour ma part, je resterai inflexible pour empêcher les fonds alternatifs de bénéficier du passeport européen dès lors qu'ils seraient situés dans des territoires offshore – je ne parle pas de leurs gestionnaires.

Opérateurs de marchés, agences de notation, marchés dérivés, fonds alternatifs : là où il n'y avait aucune régulation, le G 20 a appelé à certains principes et l'Union européenne, par le biais de règlements d'application immédiate pour la plupart ou par le biais de directives souvent prises en codécision, est en train de mettre en oeuvre dans sa réglementation l'ensemble des règles indispensables dans ces secteurs.

S'il fallait créer la régulation là où elle n'existait pas, il faut aussi l'améliorer là où elle existe. Durant la crise, face au risque de thrombose du système financier, les États sont intervenus au niveau interbancaire et ont soutenu la consolidation de fonds propres pendant une période déterminée. La leçon à en tirer c'est que, pour améliorer la résilience des banques, il est indispensable d'augmenter les exigences en capital, en particulier en liquidités. C'est donc à la fois sur l'augmentation en quantité et en qualité du capital des banques et sur l'amélioration de la gestion des risques de liquidités que se penche également l'Union européenne. Nous avons adopté, à l'automne 2009, la deuxième directive bancaire qui encadre rigoureusement les activités de titrisation. Nous adopterons, en octobre prochain, une troisième directive qui exigera des banques trois fois plus de fonds propres en regard de leurs activités de marchés. La Commission européenne proposera, à la fin de 2010, une quatrième directive bancaire pour réduire les risques de liquidités et lutter contre la procyclicité. Nous disposerons alors d'un arsenal complet et sûr qui devra être mis en oeuvre dans les meilleurs délais.

Il y a un an, le Président de la République m'avait demandé de proposer un projet de loi de régulation bancaire et financière pour mettre en oeuvre les décisions du G 20 au niveau national. Ce projet de loi vient compléter l'édifice que la France a contribué à bâtir en Europe et au sein du G 20. Certaines mesures trouvent naturellement à s'appliquer dans le cadre national, complétant sans s'y substituer ce qui doit intervenir au niveau européen.

Avec ce projet de loi, nous étendons la régulation à de nouveaux territoires comme les ventes à découvert. Nous consacrons le renforcement des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers et la refonte de notre système de contrôle du secteur financier. Avant de vous en présenter les grandes lignes, je voudrais remercier votre rapporteur Jérôme Chartier pour la qualité de ses analyses, la variété et l'intelligence de ses propositions qui visent à améliorer le texte et qui lui tiennent à coeur.

Pour la première fois en France, le projet de loi prévoit un cadre de régulation pour les ventes à découvert. Grâce à la loi de régulation, l'AMF pourra interdire les ventes à découvert en cas de circonstances exceptionnelles. Elle pourra également imposer la transparence sur ce type de ventes. Au passage, je rappelle que depuis le mois de septembre 2008, la France n'a cessé d'interdire les ventes à découvert sur les valeurs financières, qui sont aujourd'hui au nombre de quinze. Nous n'avons pas l'intention lever cette interdiction.

Le projet de loi renforce considérablement les pouvoirs d'intervention et, grâce à certains de vos amendements, de sanction de l'Autorité des marchés financiers, notre gendarme des marchés.

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