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Intervention de Michel Piron

Réunion du 1er juin 2010 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron, rapporteur :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui poursuit un objectif : réintégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général. Aujourd'hui, des préoccupations urbanistiques viennent se greffer péniblement à l'activité commerciale ; ce texte de loi propose l'inverse : que l'urbanisme organise la présence commerciale. En effet, la liberté d'entreprise ne doit pas être synonyme d'implantation anarchique.

À cet égard, l'alinéa 1 de l'article 1er constitue la base juridique de la déclinaison des différents périmètres. Dans la suite logique du Grenelle II, cette PPL prend en compte, au-delà de la concurrence, l'habitat, le travail, les services, la revitalisation des centres-villes, la cohérence entre les équipements commerciaux, la desserte en transports, la maîtrise de flux de marchandises et de personnes, la consommation économe de l'espace, la protection de l'environnement, des paysages et de l'architecture, et la diversité commerciale.

J'ai bien entendu ici ou là des objections d'ordre « européen », mais, en la matière, la France doit-elle être plus royaliste que le roi ? À cet égard, je vous invite à relire mon rapport qui présente des exemples européens très intéressants, comme ceux de l'Allemagne et de l'Italie.

Je voudrais m'arrêter quelques instants sur le cas allemand. Le code de l'urbanisme allemand comprend une typologie des commerces. Son article 34 prévoit que les projets situés à l'extérieur d'une agglomération ne doivent pas porter préjudice aux commerces de centre-ville ni aux commerces de quartier de la commune environnante. L'article 35 de ce code rappelle qu'un projet de construction n'est licite que lorsque des intérêts publics ne s'y opposent pas, et que des équipements collectifs suffisants sont assurés.

Les deux principaux objectifs du droit de l'urbanisme commercial allemand sont de garantir les fonctions essentielles d'approvisionnement dans les centres-villes, et de promouvoir l'aménagement du territoire et la protection de l'environnement. Les Allemands raisonnent d'abord en termes d'impact sur l'urbanisme, et non pas sur la seule concurrence, locale de surcroît. L'argument selon lequel cette PPL fausserait la concurrence à l'échelle européenne ne tient donc pas.

Pour en revenir à la proposition de loi, lorsque l'on définit une politique d'urbanisme, ce sont les élus qui en ont la définition. À cet égard, la disposition supprimant les CDAC et la CNAC est importante. Dès lors, les questions respectivement du périmètre, du document et de la gouvernance se posent. Se pose également la question de savoir quelle est la bonne adéquation entre surfaces de vente et besoins des habitants.

C'est à ces questions que la proposition de loi tente de répondre, en prônant un changement complet de pilotage.

Le périmètre de gouvernance que nous avons retenu est intercommunal dans sa dimension de bassin de vie, à l'échelle la plus pertinente possible. Le dispositif que nous vous proposons repose sur l'architecture suivante.

Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) sera le document maître en matière d'urbanisme commercial. C'est à lui qu'il reviendra de déterminer les localisations préférentielles des commerces, pour répondre à des objectifs d'aménagement du territoire rappelés plus haut : revitalisation des centres-villes, services de proximité, cohérence entre les commerces, les transports et la maîtrise des flux, consommation économe de l'espace, et protection de l'environnement et des paysages. À cet égard, nous nous inscrivons dans la continuité du Grenelle de l'environnement.

Le SCOT pourra déterminer des zones de centre-ville – ou zones de « centralité », pour tenir compte des centres de quartier dans les villes importantes – où seul le PLU réglementera l'urbanisme commercial. En dehors des centralités, il définira des zones où les implantations commerciales seront autorisées, à certaines conditions. Le SCOT précisera, sans descendre dans le détail, quels types de commerces peuvent être implantés dans la zone concernée.

Dans l'hypothèse, assez rare, où l'intercommunalité se sera dotée d'un plan local d'urbanisme, ce dernier pourra jouer le rôle du SCOT en matière d'urbanisme commercial. C'est ce que nous avons soutenu dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

Une intercommunalité non dotée d'un SCOT ou d'un PLU intercommunal pourra se saisir de la compétence en matière d'urbanisme commercial et élaborer un schéma d'orientation commerciale (SOC).

Enfin, en l'absence de structure intercommunale, ou lorsque l'intercommunalité ne se sera dotée ni d'un SCOT, ni d'un PLU, ni d'un SOC, les projets de commerce d'une surface supérieure à 500 m2 seront soumis à l'autorisation d'une commission régionale dont le rôle est exceptionnel. Quelques amendements portent sur la surface.

En résumé, dès lors qu'une intercommunalité se sera dotée d'un document de planification, les autorisations commerciales disparaîtront et seul subsistera le permis de construire auquel le SCOT sera directement opposable en l'absence de PLU.

La commission régionale n'a donc qu'un rôle transitoire à jouer, et la PPL constitue une incitation forte à se doter d'une structure intercommunale qui dispose d'instruments de planification couvrant ce périmètre.

Point essentiel : notre proposition de loi supprime la Commission nationale et les commissions départementales d'aménagement commercial. Les dispositions de la LME en matière de seuils sont également abrogées de sorte que les dispositions d'urbanisme commercial disparaîtront du code de commerce. Le contentieux entrera dans le droit commun du contentieux de l'urbanisme, qui est un contentieux administratif classique.

Plusieurs dispositions visent à ménager des transitions dans le temps et dans l'espace.

Dans le temps, la transition est ménagée par des commissions régionales qui ne joueront un rôle que tant que les collectivités territoriales ne se seront pas dotées de l'instrument de planification adéquat ; je précise à cet égard que le territoire national a vocation à être couvert de SCOT à l'horizon de 2017.

Dans l'espace, il reviendra au préfet de jouer un rôle de coordination aux frontières entre deux SCOT. De même, les commissions régionales joueront un rôle essentiel pour éviter les logiques de cavalier seul en périphérie des SCOT.

Voilà pour ce qui est de la structure de la proposition de loi.

Maintenant, il nous faut préciser que le texte a été examiné dans des délais très contraints. Certains amendements, susceptibles d'ajustement avant la discussion en séance publique, vous seront donc proposés.

Le premier amendement vise à préciser, au sein de la loi, le seuil de 1 000 m2 de surface hors oeuvre nette – SHON – au delà duquel le SCOT doit autoriser les implantations commerciales. Avec le président et quelques collègues, nous vous proposons là un compromis, après de très longues discussions Je précise que toutes les références au droit de l'urbanisme utilisent l'appellation « surface hors oeuvre nette ».

Un deuxième amendement précise que la typologie des commerces sera définie par décret en Conseil d'État, car elle doit être clarifiée. Nous souhaitons cependant que le SCOT puisse distinguer quatre catégories de commerces : commerces de consommation courante ; commerces de consommation non courante ; centres commerciaux regroupant ces deux types de commerces ; commerces de gros.

La notion de « consommation courante », qui sera également précisée par décret en Conseil d'État, renvoie aux produits occupant une faible surface de vente en raison de leurs dimensions réduites, qui attirent beaucoup de clients, qui sont souvent demandés et que l'on trouve essentiellement proposés à la vente en centre-ville ou à proximité.

Un troisième amendement permet au règlement du PLU de prévoir des règles visant à maintenir la diversité commerciale des quartiers et à préserver les espaces nécessaires aux commerces de proximité satisfaisant la diversité des besoins des habitants de ces quartiers. En effet, il est essentiel que les surfaces d'offre commerciale soient adaptées à la démographie, à l'âge et aux capacités d'achat des populations concernées par une zone de chalandise.

Quatrième point, nous souhaitons que, lors de la délivrance du permis de construire relatif à un commerce dont la surface dépasse le seuil fixé par le document d'urbanisme intercommunal couvrant un territoire donné, le maire recueille l'avis de l'EPCI ayant établi ce document d'urbanisme. En effet, le permis de construire doit être assis juridiquement sur des bases solides. Nous serons ouverts à la discussion s'agissant de cet amendement.

En cinquième lieu, si la PPL prévoit que la commission régionale délivre des autorisations en cas de projet de commerce d'une surface hors oeuvre nette supérieure à 500 m2, nous proposons de ramener ce seuil à 300 m2. J'y insiste : il s'agit du cas où il n'y aucun document d'urbanisme. Il est important, en effet, de disposer d'un seuil relativement bas pour les projets se situant en dehors des territoires couverts par un document d'urbanisme, en cohérence avec les objectifs du Grenelle de l'environnement. Il s'agit donc d'une forte incitation à se doter des documents de planification. Il faut en effet éviter les « effets de frontière » pour les territoires situés en périphérie immédiate de territoires couverts par un document d'urbanisme intercommunal. Sans seuil suffisamment limité, on risquerait de ne pas être suffisamment incitatif. Cette disposition est cohérente avec la règle de constructibilité limitée devant s'appliquer à tous les territoires non couverts par un SCOT à l'horizon 2017, ainsi que le prévoit le Grenelle de l'environnement.

Enfin, nous proposons de renforcer la présence des élus au sein de la commission régionale.

Moyennant ces modifications, nous vous proposerons d'adopter cette proposition de loi.

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