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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 26 mai 2010 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes :

Les dépenses fiscales, évoquées par plusieurs d'entre vous, renvoient à plusieurs types de questions, et d'abord celle de leur définition. Ces dépenses ont tendance à augmenter sans cesse : nous en avons identifié 506 en 2009, quand il n'y avait que 486 il y a deux ou trois ans. Malgré les recommandations de la Cour et les observations des uns et des autres, des dépenses fiscales continuent à être votées par le Parlement et leur volume augmente.

L'idée d'imposer une validation des dépenses fiscales dans la loi de finances initiale ou dans la loi de financement de la sécurité sociale pourrait être une réponse, mais elle me semble difficile à appliquer : un certain temps s'écoulera entre le moment où la disposition aura été votée dans une loi ordinaire et celui où elle sera validée dans une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Le comportement des acteurs économiques risque d'en être affecté. Il ne nous appartient pas de nous substituer aux responsables politiques en indiquant quelles mesures il faudrait adopter, mais nous formulerons un certain nombre de recommandations que je vous présenterai le 23 juin. J'observe, par ailleurs, qu'il existe déjà une règle imposant que toute nouvelle dépense fiscale soit gagée. Respecter cette règle serait un premier pas. Avant d'envisager de nouvelles règles, il conviendrait peut-être de s'interroger sur le respect de celles qui existent.

Il ne m'appartient pas de commenter les annonces relatives à l'introduction de nouvelles règles dans la Constitution ou dans la loi organique, mais j'observe qu'une telle initiative pourrait être utile dans le cadre d'une concertation au plan européen. Le fait que les pays de la zone euro se dotent d'un certain nombre de règles pourrait produire un effet d'affichage intéressant vis-à-vis de nos partenaires. Quoi qu'on dise et quoi qu'on pense, plus notre endettement augmente et plus nous dépendons des autres. La France n'est pas dans la même situation que le Japon, dont 94 % de la dette sont détenus par des Japonais : 68 % de notre dette sont aujourd'hui entre les mains de résidents étrangers. Nous sommes plus dépendants que d'autres pays et nous devons tenir compte de notre environnement extérieur.

Une modification constitutionnelle pourrait donner une plus grande solidité juridique à une loi organique qui viendrait préciser un certain nombre de règles, mais il n'appartient pas à la Cour d'en décider. C'est à vous qu'il reviendra de vous prononcer sur les propositions qui seront faites par le Président de la République et par le Gouvernement. Si la Cour peut jouer un rôle dans ce processus, ce ne sera pas tant en amont, même si nous pouvons être consultés à ce stade, que dans le suivi de l'application et de l'exécution des règles.

À titre personnel, le débat relatif à la consultation a priori de la Commission européenne sur les lois de finances initiales me semble quelque peu surréaliste : le problème n'est pas tant l'élaboration des lois de finances initiales que leur exécution et l'application des règles en vigueur. On ne peut tirer que peu d'enseignement des lois de finances initiales. L'adoption des perspectives financières et d'un plan de stabilité, ainsi que le suivi de l'exécution des dépenses et de la déclinaison des lois de programmation me paraissent, en revanche, essentiels. Bien que la France dispose déjà d'un certain nombre d'outils, en particulier grâce à la LOLF, on peut envisager d'aller plus loin, de manière ponctuelle, afin d'améliorer le pilotage des finances publiques. Mais l'essentiel reste, à mes yeux, le respect des règles.

S'agissant des dépenses, quelques nuances séparent l'analyse du Gouvernement et celle de la Cour, le Gouvernement faisant état d'une progression des dépenses de 0,1 % en volume, hors plan de relance, et la Cour d'une progression de 0,4 %. Nous nous en expliquons dans le rapport, mais ce n'est pas la question la plus importante. Ce qui compte le plus, c'est la détermination de la norme de progression des dépenses. Bien des éléments ne sont pas pris en compte à ce jour – je pense notamment à la transformation de certaines dépenses budgétaires en dépenses fiscales et aux dépenses réalisées par l'intermédiaire des opérateurs et des comptes spéciaux. La Cour propose d'instaurer une norme qui s'ajouterait à celle qui est utilisée par le Gouvernement, car il serait tout à fait compréhensible de préserver la norme actuelle afin de permettre une comparaison avec les exercices antérieurs : il ne faudrait pas changer sans cesse de références.

J'en viens aux questions portant sur le plan de relance de l'économie. Nous faisons le même constat que le rapporteur général en ce qui concerne l'anticipation du remboursement du FCTVA. Je pourrais vous donner dès maintenant quelques indications, mais nous aurons l'occasion d'apporter des éléments complémentaires dans le cadre du rapport qui nous a été commandé au titre de l'article 58, alinéa 2, de la loi organique relative aux finances publiques.

Le plafond d'emploi fixé dans le budget a été respecté en 2009. Nous constatons, en revanche, une inversion de tendance en ce qui concerne les départs à la retraite. D'autres facteurs ont également contribué à majorer les dépenses, en particulier des mesures catégorielles et l'évolution de certains déterminants du glissement vieillesse technicité, le GVT.

Notre rapport sur la LOLF pourra être l'occasion de revenir sur ses rapports avec la RGPP. Comme nous l'avons déjà indiqué l'an dernier, la RGPP est loin de porter sur l'ensemble du budget alors que l'ensemble des dépenses d'intervention devrait faire l'objet d'une revue générale. En outre, force est de constater que la logique de la LOLF et celle de la RGPP ne coïncident pas totalement, la première faisant référence à des missions et à des programmes, tandis que cette dernière se contente de suivre l'organisation administrative de l'État. Elle ne constitue donc pas une révision générale des programmes telle qu'on pouvait l'envisager dans le cadre de la LOLF.

Nous sommes prêts à réaliser l'évaluation d'un certain nombre de dépenses fiscales, étant entendu que cela représente un travail considérable. Cela prendra du temps, alors que certaines mesures pourraient être adoptées en urgence dans ce domaine. Sans attendre les propositions que nous formulerons, il me semblerait possible de renforcer l'application de la règle du gage.

La Cour formule des observations sévères sur Chorus. Si vous le souhaitez, vous pourrez auditionner le président Babusiaux en compagnie des magistrats qui ont participé à la rédaction du référé sur ce sujet. Il faut reconnaître qu'il existe un certain nombre de circonstances atténuantes : compte tenu de la complexité de la question, on peut comprendre certains dysfonctionnements, mais leur persistance est plus difficile à admettre une fois qu'ils ont été identifiés. Il est encore temps de corriger le tir, mais on peut douter que nous puissions disposer à très court terme d'éléments permettant d'apprécier les coûts, alors que c'était précisément le but de Chorus, qui devait non seulement renforcer l'information et la transparence, mais aussi fournir un outil de bonne gestion. C'est une ambition de la LOLF que le système actuel ne permet pas de réaliser pour le moment.

Vous me permettrez d'attendre le 23 juin prochain pour répondre à la question portant sur la part respective du déficit conjoncturel et du déficit structurel. Nous avons besoin d'encore un peu de temps pour prendre en compte la croissance potentielle, ainsi que pour actualiser et affiner les observations et les propositions que nous avons formulées l'an dernier.

Les services du ministère des finances ont visiblement pris des décisions pertinentes en matière de partage entre la dette à court terme et la dette à long terme, mais une telle « gestion active de la dette » n'est pas sans risque. Des ajustements rapides pourraient être nécessaires : chacun est conscient des conséquences que peut entraîner un accroissement rapide de la dette à court terme si les taux d'intérêt évoluent. L'exécutif sait qu'il faut être attentif à la ligne de partage entre dette à court terme et dette à long terme.

M. Christian Babusiaux vous répondra mieux sur la CADES, ainsi que sur la certification. Je me contenterai de rappeler, pour ma part, que le nombre des réserves les plus substantielles a diminué : nous en avons levé trois au total. Cela étant, les réserves qui demeurent ne sont pas dénuées d'importance.

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