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Intervention de François Asensi

Réunion du 19 mai 2010 à 15h00
Débat sur la politique de la ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me félicite que notre assemblée se saisisse, sur proposition du groupe GDR et de ma collègue Marie-Hélène Amiable, de la question de la réduction des inégalités territoriales.

Car, malgré les déclarations volontaristes, une évidence s'impose : la politique de la ville est le parent pauvre de l'action gouvernementale. Les budgets fondent, les arbitrages cruciaux sont repoussés depuis plus d'un an. Cette navigation à vue place les élus locaux et les acteurs associatifs dans l'incertitude.

Pendant ce temps, la crise économique frappe durement les habitants précaires des banlieues. La fracture entre ce qu'on appelle des ghettos de pauvres et ce qu'il convient d'appeler des ghettos de riches s'aggrave dangereusement. « Ces poches de misère sont des bombes à retardement. À trop attendre pour les faire disparaître, il risque d'être trop tard pour éviter l'instauration d'un mur d'incompréhension et d'intolérance » : à ce cri de colère que je poussais déjà dans cet hémicycle en 1990, je n'ai malheureusement rien à retrancher aujourd'hui.

Des violences inacceptables se sont produites récemment à Tremblay-en-France, comme dans bien d'autres villes. Cette violence met à jour une profonde relégation sociale que je combats en tant que maire depuis des années, mais dont l'État n'a jamais pris toute la mesure. Ne nous y trompons pas : nous ne sommes pas dans un état de guerre, mais en état d'urgence sociale.

Comment accepter que la région Île-de-France, plus riche région d'Europe, concentre des territoires d'extrême pauvreté ? La moitié des jeunes de moins de dix-huit ans de Seine-Saint-Denis vit sous le seuil de pauvreté, contre 8 % dans les Yvelines. L'échec scolaire y est de dix points supérieur à la moyenne nationale. Le revenu fiscal moyen d'un habitant de Clichy-sous-Bois atteint péniblement le quart de celui d'un habitant de Neuilly-sur-Seine.

Derrière la froideur des chiffres, ce sont des citoyens qui subissent au quotidien la négation même du principe d'égalité républicaine. L'État a une responsabilité écrasante dans la spécialisation des territoires, car il a soutenu un capitalisme créateur d'inégalités.

N'oublions pas que la politique de la ville est née de cet échec. Par une politique de classe, l'État a regroupé les populations laborieuses dans des cités-dortoirs, et imposé un urbanisme de tours et de barres. Par choix idéologique, l'État a créé des pôles d'extrême richesse, comme à La Défense, sans veiller à la mixité sociale.

Les banlieues restent meurtries par ces fractures urbaines au coeur des villes. Je salue l'engagement des élus locaux, de tous mes collègues, qui se sont battus pour en faire des lieux de vie, pour les doter d'équipements et de services publics dignes de ce nom, car aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n'a placé la banlieue au coeur des politiques publiques.

La politique de la ville est indispensable dans une logique de rattrapage. Mais elle demeurera un supplément d'âme inefficace tant que les orientations libérales du Gouvernement renforceront les inégalités scolaires, économiques ou locatives.

La flexibilisation du marché du travail accentue la précarité. La privatisation des services publics brise le lien social. Un chômage de masse s'ancre dans les quartiers : il dépasse 17 % en zone urbaine sensible, contre 7 % hors de ces quartiers.

Le Gouvernement a renoncé à l'objectif de mixité sociale. Les surloyers déstabilisent des villes à l'équilibre précaire en chassant les classes moyennes. La Caisse des dépôts se retire du financement du logement social, désormais promis aux populations en extrême pauvreté.

L'affectation des contingents préfectoraux s'inscrit dans cette logique de ghettoïsation. Dans les immeubles les plus fragilisés de Tremblay-en-France, notamment dans le Grand Ensemble, où l'on compte zéro cadre et 74 % d'ouvriers, l'État reloge depuis plusieurs années majoritairement des familles en grande difficulté, provenant à près de 80 % de zones ANRU. C'est irresponsable ! Comment la municipalité pourrait-elle rétablir l'équilibre avec trente-cinq attributions par an sur un parc social de 3 000 logements ?

La quasi-totalité des reconstructions ANRU de la Seine-Saint-Denis se fait sur site, à cause du manque de solidarité de certaines communes. Yazid Sabeg a ainsi souligné les lacunes de la rénovation urbaine sur le plan de la mixité.

Quand allez-vous sanctionner ces villes hors-la-loi qui violent le quota SRU de logement social ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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