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Intervention de Jean-Martin Cohen-Solal

Réunion du 8 novembre 2007 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean-Martin Cohen-Solal :

Merci de nous avoir invités. Je vous prie d'accepter les excuses de M. Daniel Lenoir, qui a eu un empêchement de dernière minute.

Le sujet du médicament nous préoccupe et notre fédération y travaille depuis de très longues années. Le poste « médicament », pour les mutuelles que nous représentons, est le premier poste de dépenses, soit 34 % de celles-ci. Si cette proportion est stable, son volume croît chaque année de 5 %. C'est donc un sujet majeur, en termes à la fois quantitatifs et qualitatifs.

Depuis très longtemps, la mutualité communique sur le médicament. Nous avons été les premiers à parler des génériques. Cela paraissait assez étonnant à l'époque, on s'interrogeait même sur notre légitimité à en parler comme sur l'intérêt des génériques. Or il y a deux jours, un sondage a révélé que, maintenant, 80 % des Français y sont favorables.

S'agissant de l'admission des médicaments au remboursement, la mutualité a proposé, lors de son congrès de Toulouse en 2003, la création d'une haute autorité de santé. Nous avons donc été très été satisfaits de sa création par la loi du 13 août 2004. Nous attendions, avec les autres organismes chargés du médicament, que cette Haute Autorité de santé (HAS) procède à un classement et donne un avis très précis sur la nécessité ou non d'admettre le remboursement. Nous avons regretté que le Gouvernement ne suive pas les avis de la HAS jusqu'au bout et maintienne un remboursement minimum pour certains médicaments à service médical rendu insuffisant ; il s'agissait des veinotoniques. La mutualité, qui représente 38 millions de personnes protégées, a pris alors une décision collective consistant à ne pas rembourser les médicaments remboursés à hauteur de 15 %, les médicaments à vignette orange. Elle suivait en cela l'esprit de la recommandation de la HAS. Cela a provoqué une forte baisse de la prescription, donc de la consommation de ces médicaments en 2006 et 2007.

Pour nous, il est effectivement important que la HAS puisse faire un choix et donner un avis sur l'utilité médicale majeure de tel ou tel produit pharmaceutique. Le poste du médicament croît tous les ans de façon importante. La presse évoque presque quotidiennement le problème de la surconsommation des médicaments en France. Il vaudrait mieux utiliser ces sommes importantes à des médicaments vraiment innovants et vraiment efficaces. Pour cela, nous faisons confiance aux organisations qui sont chargées de le faire.

Nous nous inquiétons de toutes les manoeuvres de contournement comme les me too, de l'insuffisance de développement de la politique du générique – même si cela a beaucoup évolué – et de la politique des marges arrières qui nous semble contestable. Un rapport d'IMS Health a montré, la semaine dernière, que la différence de prix des médicaments génériques par rapport aux médicaments princeps n'était pas supérieure à 40 % en France contre 60 à 80 % dans les pays scandinaves probablement, en particulier, à cause des marges arrières. On peut donc aller plus loin dans la politique du générique, ce qui permettrait de consacrer le juste prix aux médicaments.

Nous disposons d'un tableau qui, en tant que professionnel de santé, me paraît intéressant. Il est fait sur la base de molécules phares. S'agissant des antiulcéreux, la différence de prix entre le Mopral princeps – 28 comprimés de 20 mg – et l'Oméprazol générique – 28 comprimés de 20 mg – est de 41,5 %. C'est la même molécule et l'efficacité thérapeutique est la même. Cela représente des sommes non négligeables, qui devraient être mieux utilisées dans le système de santé. Le cas des statines est encore plus marquant : entre le Tahor, le plus prescrit et le plus cher, et la prévastatine en générique, sous une même présentation et le même conditionnement, la différence est de 61,5 % : 37,81 euros et 14,57 euros. Je pourrais vous laisser ce tableau, s'il vous intéresse. Il porte sur des médicaments totalement comparables en termes d'efficacité, sinon des génériques purs. Des économies non négligeables pourraient donc être réalisées, sans diminuer en rien la qualité de la santé publique.

La mutualité a clairement exprimé son opposition au principe même des franchises. Nous estimons que ce n'est pas une bonne solution. Quant à la fixer à 50 centimes par boîte de médicament, cela nous semble étonnant à plusieurs titres.

Premièrement, ce n'est pas l'assuré qui décide de la prescription, c'est le médecin. J'exerce encore comme médecin libéral, je fais des ordonnances, je prescris et je choisis les médicaments pour le patient.

Deuxièmement, l'idée de la franchise est de responsabiliser financièrement le patient en disant que ce dernier va se rendre compte du coût du médicament et qu'il va réfléchir. Mais le prescripteur connaît-il lui-même le coût du médicament qu'il indique sur l'ordonnance ? Je veux bien faire le pari que non. On peut faire l'effort et chercher sur le Vidal le prix du médicament, mais ce n'est pas spontané. Jamais on ne responsabilise le prescripteur sur le prix des médicaments, des analyses ou des examens. Plutôt que de culpabiliser le patient sur la consommation de médicaments, on ferait mieux de sensibiliser le prescripteur à son rôle économique.

Plus généralement, à la mutualité, nous pensons que le corps médical dans son ensemble n'intègre pas suffisamment le fait qu'il est aussi un acteur économique. Quand on fait une prescription, quelle qu'elle soit, on génère une dépense sur des fonds collectifs ou sur des fonds privés, souvent mutualisés. Cette prescription a donc un coût que la collectivité subit. Il ne semblerait pas aberrant d'aller vers des modes de prescription qui permettent au prescripteur de le percevoir. Je pense notamment à des logiciels d'aide à la prescription.

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