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Intervention de vice-amiral Xavier Magne

Réunion du 30 avril 2009 à 10h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

vice-amiral Xavier Magne :

Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je suis un peu gêné pour parler d'opérations extérieures, car contrairement à l'armée de terre ou à l'armée de l'air, cette notion n'a pas vraiment de sens pour la marine. Initialement, ces deux armées ont en effet été conçues pour défendre le territoire national et sont, de ce fait, structurellement sédentaires. Cela ne signifie pas qu'elles le soient aujourd'hui, mais elles ont été organisées pour cela. Dans l'armée de terre, les troupes de marine rassemblaient les unités ayant vocation à être projetées, c'était le corps expéditionnaire. Aujourd'hui ce n'est plus vrai : c'est l'ensemble de l'armée de terre qui se projette. À l'inverse, de tout temps, la marine a eu pour mission d'opérer sur les mers, donc par définition à l'extérieur du territoire national. C'est la raison pour laquelle nous sommes embarrassés par la notion d'opérations extérieures, en particulier, s'agissant de l'aspect financier de ces opérations dites « extérieures », car pour la marine sont des opérations normales.

La construction financière de la marine avait été conçue pour tenir compte de l'éloignement et d'un certain nombre d'autres considérations. Nous avons notamment un système de majorations lorsque les personnels sont embarqués. Est prise en compte la dimension de diplomatie navale avec la question des « pertes au change », lorsque les bâtiments sont en escale. Ces dispositions, qui avaient été bâties pour la marine depuis des années et qui fonctionnaient bien, ont été bouleversées par l'apparition de la notion d'opérations extérieures.

Le précédent chef d'état-major de la marine ne voulait d'ailleurs pas rentrer, au début, dans la logique des opérations extérieures, considérant qu'un bâtiment avait vocation à se déployer hors de son port base, et que cela faisait partie des coûts normaux de fonctionnement de la marine. C'est pourquoi nous avons toujours essayé de planifier notre activité, y compris en tenant compte des opérations imprévues ou ordonnées avec peu de préavis.

L'indemnité de sujétion pour service extérieur (ISSE) a probablement fait l'objet d'un certain nombre de confusions et constitue une des difficultés sur lesquelles nous butons : beaucoup la confondent avec une prime de risque ou de danger, ce qu'elle n'est évidemment pas. L'ISSE est une prime de résidence, ou l'alignement d'une prime de résidence sur une sorte de socle commun. L'ISSE n'est pas non plus un moyen de compenser l'érosion du pouvoir d'achat. Ces confusions ont causé beaucoup de tort.

La raison pour laquelle le précédent chef d'état-major de la marine s'était senti obligé d'entrer dans la logique de l'ISSE est liée au fait qu'entre le système ancien de primes et l'attribution de l'ISSE, existent des différences qui apparaissent inéquitables. Prenons l'exemple du Nivôse, bâtiment qui navigue actuellement dans l'océan Indien. Qu'il travaille pour l'opération internationale Atalanta, liée à la lutte contre la piraterie, ou pour le compte d'une opération nationale, il n'y a pas fondamentalement de différence pour l'équipage : le bâtiment est éloigné de son port base pour une longue durée. Il faut donc donner aux familles les moyens de gérer convenablement l'absence du chef de famille ; c'était là l'objet des primes d'éloignement et d'embarquement.

Cela explique pourquoi la notion récente d'Opex nous met mal à l'aise. C'est presque une prime au mauvais élève, une incitation à ne pas déployer les forces. Je constate, après trente–trois ans d'expérience dans les armées, que nous n'avons pas la possibilité de définir des indicateurs de performance. Nous ne produisons rien en réalité, si ce n'est de la sécurité et de la paix. Et cela ne se mesure pas, ou alors en négatif, en cas d'échec. Si par hasard nous ne sécurisons pas le détroit de Bab el Mandeb ou une route maritime, l'effet négatif sur l'économie ou sur l'industrie se ressent immédiatement. A contrario, l'on ne verra pas l'effet de quarante ou soixante ans de paix, ce qui est d'ailleurs une des difficultés de lisibilité de la dissuasion nucléaire.

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