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Intervention de Rolande Ruellan

Réunion du 27 septembre 2007 à 11h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Rolande Ruellan :

On dénombre onze taxes d'importance très inégale, qui ont rapporté un milliard d'euros en 2006, représentant 4 % du chiffre d'affaires des industries.

Elles ont deux grandes finalités : d'une part, la rémunération d'un service rendu et, d'autre part, l'apport de ressources à l'assurance maladie.

La taxe perçue par la HAS, pour l'inscription d'un médicament sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables ou la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques, couvre 90 % du coût de fonctionnement de la commission de la transparence.

Certaines personnes sont parfois choquées que le contrôleur soit payé par le contrôlé. C'est une pratique assez courante. Toutes les hautes autorités de contrôle indépendantes qui oeuvrent dans le domaine financier sont financées par les contrôlés. D'ailleurs, en 1945, le contrôle général de la sécurité sociale était censé être financé par les caisses. Cela ne s'est jamais fait parce que les partenaires sociaux et l'État n'avaient pas des relations suffisamment confraternelles pour assumer ce financement.

L'AFSSAPS perçoit cinq taxes qui concernent, d'une part, les demandes d'AMM, que ce soit un premier examen, un renouvellement ou une modification, et, d'autre part, le contrôle de la publicité, la pharmacovigilance. Elles représentent 55 % du budget de l'AFSSAPS.

Le nombre de dossiers d'AMM soumis à l'AFSSAPS baisse du fait de la montée en charge du dispositif d'AMM européenne. Les médicaments passant par l'agence française sont surtout des génériques et des me too. Les nouvelles molécules, les nouveaux principes actifs et les nouvelles indications, eux, sont traités au niveau européen. L'AFSSAPS participe à l'instruction des dossiers de l'agence européenne et est rémunérée à cette fin mais c'est en dehors de cette question de taxe.

Il n'y a pas de problème particulier de recouvrement des taxes de la HAS et de l'AFSSAPS. La Cour a simplement noté qu'il n'y avait eu aucun contrôle effectué sur l'assiette. Les deux agences ne sont pas des percepteurs. C'est pourquoi la Cour a de nouveau préconisé que la collecte de la taxe annuelle sur le chiffre d'affaires soit recouvrée par la direction générale des impôts (DGI) avec la TVA. Mais sa recommandation n'a pas eu beaucoup de succès chez les intéressées.

Les taxes affectées à l'assurance maladie sont plus importantes.

Elles ont deux finalités essentielles : maîtriser la dépense de médicament, et procurer des recettes à l'assurance maladie.

La première taxe destinée à maîtriser la dépense de médicaments est celle sur les dépenses de promotion des médicaments. Elle pose un énorme problème d'assiette suscitant des contestations contentieuses. Son champ n'est pas bien précisé. Une circulaire à son sujet tarde à être publiée.

En fait, c'est son principe même qui est contesté. Elle est ancienne, puisqu'elle a été instaurée en 1983 et est toujours aussi mal supportée par les laboratoires.

La Cour a suggéré que l'on en évalue l'impact sur les dépenses de promotion des laboratoires – a-t-elle un caractère dissuasif et limitatif ? – et d'examiner sa cohérence et sa complémentarité avec des dispositifs plus nouveaux : la charte de la visite médicale et la certification par des organismes accrédités de la conformité de la visite médicale à ladite charte. Néanmoins cette dernière est en cours de mise en oeuvre et ne permet donc pas de faire cet examen.

La seconde taxe destinée à maîtriser la dépense de médicaments est la contribution de la clause de sauvegarde de l'ONDAM, appelée parfois, en raccourci, clause de sauvegarde, créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Elle est calculée d'une façon extrêmement complexe. Elle s'applique quand l'évolution du chiffre d'affaires hors taxe en France en spécialités remboursables – sauf médicaments orphelins – est supérieure au fameux taux K fixé en loi de financement de la sécurité sociale, et qui est, depuis plusieurs années, à 1 %, et ne concerne que les entreprises qui n'ont pas passé convention avec le CEPS, lesquelles sont très minoritaires. La taxe est ensuite répartie entre les laboratoires en fonction de trois éléments : le chiffre d'affaires, la progression de celui-ci et les dépenses promotionnelles.

La complexité de la méthode de calcul est accrue du fait que celle-ci doit tenir compte du montant versé au titre de la taxe sur les dépenses de promotion, lequel est connu avec retard. Le périmètre des débiteurs est très difficile à établir, du fait de la mobilité du tissu industriel. Les recouvreurs, qui sont les URSSAF de Paris et de Lyon, sont obligés de faire des enquêtes presque policières pour connaître le fichier éventuel des débiteurs, et sont donc en relation avec le CEPS.

En outre, cette taxation déclenchée sur la base d'une évolution du chiffre d'affaires global du secteur peut avoir pour résultat qu'une entreprise non conventionnée dont le chiffre d'affaires progresse plus que le taux K échappe à toute taxation si le chiffre d'affaires des produits remboursables n'a pas excédé ce taux, et inversement.

Depuis plusieurs années, cette taxe n'a aucun rendement. Son seul objet est finalement d'inciter au conventionnement avec le CEPS.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, elle est applicable aux spécialités rétrocédées. Mais les textes d'application n'ont pas été publiés.

La première taxe destinée à procurer des recettes à l'assurance maladie est celle sur les grossistes répartiteurs, due par les entreprises de vente en gros et les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités quand elles vendent en gros. Elle est assise sur le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France sur les spécialités remboursables hors médicaments orphelins.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a créé une contribution exceptionnelle de régulation assise sur le chiffre d'affaires hors taxe pour l'année civile 2006 réalisé en France auprès des pharmacies d'officine, mutualistes et due par les mêmes. Son rendement initialement de 50 millions d'euros a été ramené à 37 millions du fait de la baisse du taux de 0,28 à 0,21 % au cours de la discussion parlementaire.

La seconde taxe destinée à procurer des recettes à l'assurance maladie est celle sur le chiffre d'affaires, créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et pérennisée par la loi du 13 août 2004. Elle est appliquée au chiffre d'affaires hors taxe de toutes les entreprises qui exploitent des médicaments ayant une AMM, en dehors des génériques – à l'exception de ceux qui sont remboursés sur la base d'un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) – et des médicaments orphelins. Son taux est passé de 0,6 % à 1,76 % en 2006 et est revenu à 1 % en 2007.

La Cour a observé, sans trouver d'explication, qu'on avait, dans la même loi, la baisse du taux de la taxe sur le chiffre d'affaires et la création d'une contribution exceptionnelle applicable aux grossistes répartiteurs.

Enfin, la TVA brute collectée par les commerçants en gros en produits pharmaceutiques fait partie du panier fiscal affecté par la loi de finances pour 2006 à la compensation des exonérations de cotisations générales sur les bas salaires. La plus grosse part va à l'assurance maladie.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, ces quatre taxes – grossistes répartiteurs, clause de sauvegarde, taxe sur le chiffre d'affaires et taxe sur les dépenses de promotion – sont recouvrées, non plus par l'ACOSS, qui n'était pas très outillée pour procéder aux recouvrements, mais par les deux URSSAF de Paris et de Lyon.

Le coût de recouvrement est estimé à 325 000 euros en 2005. En 2006, le plan de contrôle des deux URSSAF a rapporté 126 000 euros pour trente et une entreprises contrôlées.

Les entreprises contestent ces contrôles et jusqu'à la compétence des inspecteurs du recouvrement. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a dû valider les opérations de contrôle appuyées sur le motif de l'irrégularité de l'agrément des inspecteurs. Cependant des actions sont pendantes devant la cour administrative d'appel de Paris.

Le rendement des taxes affectées à l'assurance maladie est de 961 millions d'euros en 2006 – à comparer au milliard rapporté par l'ensemble des taxes. Ce rendement est très sensible à la hausse des taux puisque la majoration de la taxe sur le chiffre d'affaires de 0,6 % à 1,76 % en 2006 a provoqué une augmentation de 40 % du produit global des taxes.

La fiscalité du médicament souffre d'une grande complexité due à des règles qui varient d'une taxe à l'autre, alors qu'elles visent les mêmes entreprises, à la mobilité du secteur – fusions, cessions, disparitions, remariages –, et à la tendance procédurale des débiteurs.

La conclusion de la Cour est modeste car elle n'a voulu ni faire perdre des ressources à l'assurance maladie, ni empiéter sur un domaine qui est éminemment de la compétence du Parlement. Elle estime cependant indispensable de revoir la pertinence de ces taxes, d'en réduire le nombre, d'en stabiliser et d'en simplifier le mode de calcul. Tout ce qui est compliqué est mal appliqué, est source de contentieux et de conflits et aboutit finalement à des pertes d'argent.

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