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Intervention de Jean-Daniel Tordjman

Réunion du 3 juin 2009 à 14h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Jean-Daniel Tordjman, Ambassadeur délégué aux pôles de compétitivit :

S'agissant de la gouvernance, les 70 pôles paient 300 personnes qui ont autour d'elles plusieurs milliers de bénévoles. Les gens sont en nombre très limité, très jeunes, et les pôles sont surtout, pour l'instant, des machines à monter des projets. Tel ou tel responsable local ou national leur demande de l'accompagner en Tunisie, au Mexique, mais il n'y a ni réelle organisation ni partenariats essentiels pour faire du business.

Dans les entreprises où je me suis rendu, on trouve très souvent des personnes talentueuses en matières scientifique et technologique, mais pas assez de spécialistes du commerce, de la finance et de l'industrie. En partant de start-up, les Américains arrivent à créer des géants comme Intel ou Google grâce à leur marché unifié – le nôtre est encore fragmenté –, mais surtout parce qu'ils ont intégré dès le départ l'idée qu'un scientifique, même génial, n'a ni le profil ni les compétences pour lancer une entreprise. J'ai écrit un ou deux articles sur ce thème : il est vain d'envoyer un scientifique trois semaines à HEC ou à Science Po !

Pour l'instant, le capital-risque est écarté des pôles. J'ai organisé la première réunion entre les pôles mondiaux et les patrons du capital-risque français il y a quelques semaines, après avoir constaté qu'ils ne se connaissaient pas et même qu'ils se regardaient les autres avec un peu de recul. Nous sommes en outre extrêmement individualistes par rapport aux Américains, qui échouent s'ils n'ont pas l'esprit d'équipe. Je conseille donc aux pôles de former des équipes, d'avoir des contacts et de fixer, dès le départ, des règles du jeu – par exemple 20 % pour le scientifique, 30 % pour le commercial, etc. –, car ce serait folie de se disputer au moment où ça marche ! Et il faut aussi des commerciaux dès le départ !

Nous n'avons pas de pôle spécialisé marketing. Comme la formule des pôles a marché, il pourrait être intéressant d'y trouver des gens spécialisés dans ce domaine, comme à Cosmetic Valley, ou des personnes très orientées vers le commerce, qui pourraient apprendre des choses aux autres. Certains pôles sont dominés par les ingénieurs et les scientifiques.

La création d'un pôle Finance Innovation a été une excellente chose. Même s'il faudrait y faire entrer davantage le capital-risque, il donne des conseils aux uns et aux autres. Mais il ne comporte pas de vendeurs.

Aucun pôle n'existe dans les domaines où nous sommes, avec les Italiens, les meilleurs depuis des siècles : la créativité, le design et le luxe. Le monde changeant à une vitesse vertigineuse, il faut trouver de nouveaux produits et de nouveaux marchés, et ce sont des gens à l'esprit ouverts qui pourront s'adapter.

La France n'est plus compétitive dans quantité de secteurs où s'engouffrent massivement les Chinois et bien d'autres. Sans parler du jouet et du textile, le luxe sera touché, notamment l'image de la femme. Dans un article paru dans Le Figaro et intitulé « Demain, la beauté sera asiatique », j'explique que le Japon, pays asiatique le plus avancé en matière de développement industriel et financier, ne considère pas que ses femmes peuvent être des icônes mondiales, au contraire des Chinois et des Coréens ! Voyez le film La Cité interdite avec Gong Li et toutes ces jeunes chinoises bien en chair : c'est un manifeste qui affirme que leurs femmes sont aussi belles que les nôtres et qu'ils vont envahir les marchés ! Ce n'est pas du tout anecdotique ! Les marges dans le domaine des cosmétiques et des parfums sont de 70 %. La France vit en grande partie sur l'industrie du luxe et elle va être en compétition avec la Chine et la Corée, que nous n'avons jamais pris pour des concurrents sérieux.

Les Coréens sont les plus habiles pour aller chercher les brevets mondiaux et les transformer immédiatement en business. Nous, nous ne savons pas le faire, en particulier parce que notre fiscalité a poussé à l'exil des dizaines de milliers d'entrepreneurs français, désormais perdus pour le pays.

Les pôles sont un révélateur de nos potentialités et de nos déficiences. Dans ce jeu international, où des pans entiers des industries européennes, comme l'acier, l'électronique et l'automobile, risquent de s'effondrer, nous devons nous concentrer sur la création de valeur ajoutée et sur l'excellence, pour lesquels nous sommes très sérieusement en compétition.

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