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Intervention de Claire Beffa

Réunion du 19 février 2009 à 9h15
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Claire Beffa, directrice associée de la société de conseil équilibres :

Créée en 2005, Équilibres est une société de conseil dédiée à l'articulation des temps professionnel et personnel. Le déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle étant un frein majeur dans la carrière des femmes, il faut plus de justice sociale et plus d'égalité entre hommes et femmes, sachant que les entreprises ne peuvent qu'y gagner, leurs salariés parents recrutés et formés par elles étant en pleine maturité professionnelle au moment où ils ont des enfants et les talents féminins leur étant nécessaires.

La suraccumulation des temps professionnels et familiaux pour les femmes – cette fameuse double journée – a atteint sa limite. Nous avons mené une étude pour voir comment les pères voulaient davantage s'impliquer dans la vie familiale : c'est très important si on veut que les dispositifs permettent à la fois aux hommes et aux femmes de faire des enfants et de travailler.

Certes, la France enregistre le meilleur taux de natalité européen et un très bon taux d'activité professionnelle des femmes. Néanmoins, beaucoup d'entre elles travaillent à temps partiel ou subi. En outre, le complément de libre choix d'activité (CLCA) et le complément optionnel de libre choix d'activité (COLCA) les poussent à se retirer du marché du travail parce que leur revenu est généralement plus faible que celui de leur conjoint et que le montant attribué, peu élevé, n'incite pas les pères à prendre ce congé pour élever leurs enfants. On touche là un aspect culturel plus vaste, la représentation des genres, l'homme qui part à la guerre… Par ailleurs, même si nos jeunes filles et nos femmes sont largement diplômées et appréciées dans les entreprises, elles ne sont pas représentées au sommet de la hiérarchie et n'ont pas les meilleurs salaires. Et si elles ont accumulé des carrières discontinues, en particulier en se retirant du marché du travail pour élever leurs enfants, elles ont des retraites extrêmement faibles.

À la suite de notre travail avec des sociologues et des économistes, comme Mmes Dominique Méda, Hélène Périvier et Jeanne Fagnani, nous avons présenté la proposition suivante à Mme Michèle Tabarot : un congé parental plus court, mieux rémunéré, mais aussi partagé et non cessible entre le père et la mère.

Un congé plus court permettrait d'éviter un éloignement trop long, donc préjudiciable, du travail. Avec trois enfants, il est possible de se retirer du monde du travail pendant neuf ans, ce qui, eu égard à la montée du nombre des divorces et des familles monoparentales, a des conséquences importantes pour les femmes les plus fragiles financièrement, donc un poids économique et social très fort.

Une meilleure rémunération du congé – à hauteur de 80 % du salaire sous plafond, le montant du COLCA étant de 790 euros actuellement en cas de non-perception de l'allocation de base de la PAJE – pousserait les pères à le prendre. En Suède, la rémunération mensuelle est de 80 % du salaire de base, avec un plafond réévalué ; et l'on sait ce qu'a prouvé ce pays en termes économique et social.

Un congé parental de 42 semaines – 21 semaines par parent, non cessibles entre le père et la mère – permettrait d'asseoir le principe qu'un enfant est élevé par les deux parents de manière équitable.

En permettant à des pères de s'investir et à des femmes de ne pas rompre leur carrière de manière importante, cette réforme créerait une valeur économique, chiffrée en PIB dans notre document. Du coup, les retraites des femmes seraient améliorées et la société aurait moins à compenser des retraites misérables. Poser le principe d'un congé parental mieux rémunéré et plus court c'est donc aussi prévenir d'importantes conséquences sociales et économiques.

Il est également nécessaire de coupler ce nouveau congé parental court avec une offre de garde renforcée pour les enfants de zéro à trois ans. En effet, si l'on a poussé les couples à avoir plus de deux enfants – la France est la championne d'Europe – et poussé les femmes à travailler – la partie PAJE qui accompagne financièrement les modes de garde a prouvé son efficacité –, 40 % des parents qui prennent ce congé parental auraient cependant préféré un autre mode de garde. Il faut donc ouvrir des places supplémentaires dans les crèches et chez les assistantes maternelles, et renforcer la possibilité d'accueil dans les jardins d'éveil et à la maternelle.

S'agissant des crèches d'entreprise, le crédit d'impôt a traduit un effort des pouvoirs publics et les entreprises ont suivi. Cet effort partagé existe et fait donc ses preuves. Il est à comparer au congé de maternité – qui a amené de nombreuses entreprises à verser 100 % de leur salaire aux femmes –, mais aussi au congé de paternité qui, une fois le frein financier levé par certaines entreprises, a été pris de plus en plus systématiquement par les pères depuis 2002. Pour l'instant, les entreprises voient le départ d'une femme ou d'un homme en congé parental pendant trois ans comme un désinvestissement professionnel complet et n'ont pas envie de s'impliquer financièrement – alors qu'elles sont capables d'investir dans des crèches, des congés de maternité, des jours pour enfants malades, des systèmes de télétravail, des temps de travail annualisé avec revalorisation des salaires…, autant d'exemples de combinaisons entre un effort ou une allocation ciblée des pouvoirs publics et un accompagnement des entreprises. Cette combinaison peut exister dans un congé parental mieux rémunéré et plus court.

Enfin, les entreprises ont mis en place deux accompagnements innovants. Certaines ont prévu des aménagements de temps de travail et une rémunération du temps alloué pour l'adoption et les procréations médicalement assistées, de plus en plus fréquentes. Des entreprises comme L'Oréal, Accenture et GDF Suez, mettent par ailleurs à la disposition des salariés parents cherchant des solutions de garde d'enfants des informations pratiques via l'intranet. Celles qui font ces efforts sont plutôt celles qui ont créé des crèches.

Pour terminer, Équilibres a accompagné l'Observatoire de la parentalité en entreprise – dont l'existence est une très bonne chose – en corédigeant la Charte de la parentalité en entreprise. En consentant des efforts financiers, les entreprises participent à plus de justice sociale et d'égalité entre les hommes et les femmes, mais bénéficient aussi d'une valeur économique indéniable – elles ont besoin et veulent garder leurs salariés parents trentenaires qui sont en pleine maturité professionnelle – et donnent l'image d'entreprises socialement responsables. On a donc tout intérêt à pousser de plus en plus d'entreprises à agir concrètement.

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