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Intervention de Geneviève Gaillard

Réunion du 11 février 2010 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard, président de la Conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des établissements de santé privés à but non lucratif :

Historiquement, les établissements de santé privés à but non lucratif que nous représentons n'étaient pas orientés vers la performance. L'application de la T2A nous a fait entrer dans ce schéma.

Nos établissements représentent 15 % de l'offre de soins en France et une part importante des soins de suite et de réadaptation, des soins psychiatriques, des dialyses et du médico-social. Au cours de l'année 2009, leur existence a été sérieusement menacée et nous avons subi une violente douche écossaise. Dans un premier temps, nous avons été consultés lors de la préparation de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; ensuite, la commission Larcher a vanté notre modèle ; après quoi, nous apprenions que la loi nous rayait de la carte sanitaire française. Nos intenses efforts de persuasion ont porté leurs fruits – je remercie le Parlement de nous avoir soutenus – et nous avons finalement pu retrouver une place.

Notre étonnement avait été d'autant plus vif que nous étions favorables à l'esprit de la loi, favorables à la création des agences régionales de santé, favorables à l'organisation conventionnelle des schémas régionaux, favorables à la contractualisation. En revanche, nous ne nous étions pas saisis de la question de la gouvernance. Cela s'explique : si les hôpitaux publics sentaient la possibilité d'une rivalité entre direction administrative et direction médicale, ce n'était pas notre cas, puisque nous fonctionnions déjà avec un conseil d'administration et une commission médicale d'établissement.

Le projet de loi prévoyait que, dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC) – ce que nous sommes désormais –, la commission médicale devienait une « conférence médicale ». Notre position à l'intérieur des établissements changeait donc du tout au tout ; nous avons tenté de le faire valoir sans y parvenir réellement. Que l'on classe les établissements privés à but non lucratif dans la même catégorie que les hôpitaux privés à but lucratif n'a rien d'anormal puisque nous sommes de statut privé. Seulement, nous ne sommes pas des médecins libéraux mais, en quasi-totalité, des médecins salariés. L'évolution intervenue nous a déstabilisés, d'autant que nos établissements fonctionnent bien davantage sur le modèle des hôpitaux publics que sur celui des hôpitaux privés. Le fait que nous ayons été rétablis, mais dans un statut beaucoup plus précaire, nous met dans une situation plus critique. On peut en effet imaginer qu'un président de conseil d'administration tout puissant décide seul de toute la stratégie d'un établissement donné, comme cela s'observe dans certains établissements à but lucratif.

Bon nombre de nos établissements participent du service public. Certains sont dans une situation financière quelque peu délicate ; les restructurations en cours depuis quelques années permettent de les remettre peu à peu dans le droit chemin. Comme nous sommes des établissements de droit privé, quand nous sommes en déficit, la fondation ou l'association dont nous dépendons doivent combler le trou, avec l'aide de l'État. Mais, pourquoi la décision politique a-t-elle été prise de ne pas nous accorder le différentiel de charges, évalué à 4,5 % par l'Inspection générale des affaires sociales, qui correspond à nos missions de service public ? Nous contribuons à la couverture médicale du territoire, et c'est une chance pour la collectivité nationale, car les filières, les réseaux, la répartition médecine de ville-hôpital et les soins post-hospitaliers sont déjà bien structurés dans nos établissements, qui assurent déjà beaucoup des soins de suite et de rééducation et d'hospitalisation à domicile.

Le recrutement des médecins est compliqué pour nos établissements car, comparée à celle des établissements sous d'autres statuts, notre convention n'est pas très favorable. On prétend que les médecins qui exercent dans les établissements privés participant au service public hospitalier seraient mieux payés qu'à l'hôpital public, mais il suffit de comparer des profils de carrière pour constater que c'est faux. C'est pour nous un problème réel, qui oblige à trouver un meilleur mode de rémunération des médecins exerçant dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif – peut-être par le biais de l'intéressement.

Nos établissements sont aussi engagés depuis très longtemps dans la formation et dans la prévention. Aussi souhaitons-nous une prise en compte plus réaliste des missions d'intérêt général et de l'aide à la contractualisation, en particulier des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI) que nous assurons. Je sais que des commissions étudient cette question.

La tarification à l'activité était indispensable et son entrée en vigueur a permis de restructurer des établissements. Cependant, une tarification à l'activité complète n'a pas de sens dans des établissements où la prise en charge de certaines catégories de la population n'est pas prise en compte. Actuellement, la T2A privilégie les actes techniques de la nomenclature générale des actes professionnels – les plus faciles à comptabiliser – au détriment de l'acte médical intellectuel, plus difficile à coter. Un rééquilibrage est nécessaire ; mon collègue Jean-Pierre Genet y travaille au sein de la commission chargée de la réflexion sur la classification commune des actes médicaux cliniques. C'est une bonne chose, car le sujet est important.

J'en viens à un point déjà évoqué par mes collègues, le besoin de stabilité. Nous avons vécu des restructurations et des fusions, phénomènes inconnus à ce jour du milieu médical. Ce sont des expériences intéressantes mais lourdes et compliquées et il vient un moment où les établissements doivent connaître la stabilité tarifaire. On leur demande de faire des business plans – mais comment pourraient-ils le faire s'ils ne connaissent pas les tarifs sur lesquels appuyer leur calcul, ni les réorganisations à venir ? On parle de faire des économies ; soit. À cette fin, on nous invite par exemple à développer l'hospitalisation de jour. Mais ce n'est pas parce qu'une procédure est possible qu'elle sera suivie si les médecins ne sont pas convaincus de la justesse de la méthode – et, s'agissant de l'hôpital de jour, les chirurgiens ne le sont pas tous. L'hospitalisation de jour est une bonne chose et sa généralisation réduira vraisemblablement les coûts hospitaliers, mais un bilan ultérieur devra le confirmer. Pour autant, on ne peut pas demander aux établissements hospitaliers de créer des services d'hospitalisation de jour pour décider ensuite que, finalement, les patients seront traités en consultations externes ! Une réflexion globale s'impose, à laquelle les médecins doivent être associés. D'autre part, la charge que représente l'activité « hôpital de jour », notamment chirurgicale, est notoirement sous-évaluée dans nos établissements, contrairement à ce qui vaut pour les établissements privés à but lucratif, où la part hôtelière et la part « rémunération » sont distinguées. La tarification en groupes homogènes de séjour entraîne pour nos établissements une sous-évaluation de fait. Quant à l'objectif annoncé de 80 % d'activité chirurgicale en hôpital de jour, il me semble excessivement ambitieux : si l'on parvenait à 50 %, ce serait déjà bien.

Je traiterai pour finir de la situation sociale en soulignant que la qualité et la sécurité des soins supposent en premier lieu l'amélioration de l'organisation de nos établissements. La réflexion des médecins à ce sujet a certainement pris du retard ; nous sommes d'accord pour participer à cette démarche. La tarification à l'activité montre que réduction des coûts et maintien de la qualité et de la sécurité des soins ne sont pas antagoniques, mais vient un moment où il faut cesser de réduire le personnel présent dans les services. Nous ne sommes pas loin d'avoir atteint ce moment.

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