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Intervention de Claude le Pen

Réunion du 10 juillet 2008 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Claude le Pen :

C'est exact.

Si on fait payer les Français pour leur santé – ce qui est normal et légitime ; il n'existe aucun pays où les dépenses soient socialisées à 100 % –, il faut leur demander de payer pour leur santé à eux, et non pour celle des autres. L'erreur qui a été faite concernant la franchise n'a pas été de demander aux Français de payer une partie de leurs soins. Après tout, ils le font depuis 1945 avec le système du ticket modérateur. Les taux de remboursement de l'assurance maladie sont passés de 70 % à 65 % et de 40 % à 35 % sans que les gens descendent dans la rue. Le cofinancement des soins entre la sécurité et le patient qui bénéficie de ces soins n'est pas attentatoire au principe de la « sécu ». Ce qui l'est, c'est de dire que la somme qu'une personne a payée va servir à payer la maladie des autres. L'erreur qui a été faite au sujet de la franchise a été de dire qu'elle servirait à payer la maladie d'Alzheimer. C'était une astuce pour faire comprendre que l'argent n'allait pas être mis de côté mais servir à des malades. Mais, ce n'est pas aux malades de payer pour les malades. Autant la maladie d'Alzheimer doit être prise en charge par une cotisation sociale à la charge de la collectivité, autant il est malvenu de demander une contribution aux malades à cet effet. Les gens sont prêts à payer leurs propres soins de leur poche, mais pas ceux des autres.

De même, transférer des dépenses de l'assurance maladie sur les mutuelles est une profonde erreur. Les gens ne considèrent pas la mutuelle comme faisant partie de la protection sociale. Les mutuelles sont toutes différentes, varient suivant les entreprises où l'on travaille et sont une affaire privée. Elles ressortissent d'une solidarité limitée aux gens affiliés à la mutuelle et non de la solidarité nationale. D'un point de vue comptable, le transfert de sommes de la sécurité sociale à la mutuelle ne change rien pour les assurés. Mais, d'un point de vue politique et idéologique – et Dieu sait si l'idéologie est importante dans ce domaine –, cela change tout.

C'est pourquoi le Gouvernement a dû faire rapidement marche arrière sur les lunettes et les 35 %. Raisonnant sur le plan uniquement comptable, les communicants n'avaient pas mesuré l'impact de ces dispositions sur la signification profonde des rapports entre complémentaires et régime de base.

Pour légitimer le transfert de dépenses aux complémentaires, il faudrait deux conditions.

Premièrement, il faudrait rendre la complémentaire quasiment universelle, c'est-à-dire s'acheminer, bien qu'il soit très compliqué, vers un système du type AGIRC-ARRCO, qui deviendrait une sorte de socle bis.

Deuxièmement, il faudrait rendre plus homogènes, en prévoyant un cahier des charges, les critères à la fois de panier de soins mutualistes et d'admission en ALD. On a commencé à le faire avec les contrats responsables.

À partir du moment où les mutuelles seraient intégrées à la protection sociale et reconnues comme agents légitimes de celle-ci, il serait plus facile de transférer des sommes. Il y aurait une adéquation entre la logique comptable et la logique de la représentation du système de protection sociale dans la tête des assurés.

Si je puis me hasarder à lancer cette petite pique, il faudrait que les politiques réfléchissent davantage et soient moins hâtifs dans leurs décisions. Si, sur un sujet aussi sensible que celui de la santé, on ne tient pas dans la même main les aspects techniques et les aspects émotionnels et idéologiques, on échoue. Preuve en a été donnée récemment.

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